Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement n° 1503286 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a déclaré le centre hospitalier de Paray-le-Monial responsable de la perte de chance évaluée à 75 % d'échapper aux séquelles d'une encéphalopathie de Gayet Wernicke subies par Mme J..., l'a condamné à verser Mme J... une indemnité provisionnelle de 24 600 euros, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or la somme de 83 119,58 euros, assortie des intérêts légaux, en remboursement de ses débours et la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et a ordonné qu'il soit procédé à une expertise médicale, avant de statuer sur les conclusions de la requête de Mme J... tendant à l'indemnisation de ses préjudices.
Le rapport d'expertise établi par les docteurs Bernard Vallée et Isabelle Cantérino a été enregistré le 9 juillet 2018 au greffe du tribunal administratif de Dijon.
Mme G... J..., assistée de son curateur l'Union départementale des associations familiales de Saône-et-Loire, a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Paray-le-Monial à lui verser la somme de 1 027 925 euros en réparation des préjudices subis.
La caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or, appelée à l'instance, a indiqué au tribunal administratif de Dijon n'être pas en mesure de chiffrer sa créance et a demandé le renvoi de l'affaire.
Par un jugement n° 1503286 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier de Paray-le-Monial à verser à Mme J... la somme totale de 193 450 euros, sous déduction de la provision de 24 600 euros accordée par le jugement n° 1503286 du tribunal administratif de Dijon du 7 novembre 2017, outre une rente annuelle, payable en quatre trimestres échus jusqu'à son décès, au titre de l'assistance par une tierce personne, correspondant à 75 % d'un montant calculé sur la base d'une heure trente par jour, de 412 jours par an et d'un taux horaire de 14 euros, revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 43417 du code de la sécurité sociale, et sous réserve de fournir trimestriellement les justificatifs d'hébergement dans une institution spécialisée ou un établissement hospitalier et les justificatifs relatifs au volume horaire d'assistance par une tierce personne et aux aides perçues ayant le même objet, ces aides devant être déduites du montant de la rente, a mis les frais d'expertise à la charge définitive du centre hospitalier de Paray-le-Monial et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête, enregistrée le 5 avril 2019 sous le n° 19LY01350, et un mémoire complémentaire, enregistré le 24 juillet 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or, représentée par Me F... K..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, :
1°) d'annuler le jugement du 7 février 2019 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de joindre la présente requête à la requête enregistrée sous le n° 19LY01363 ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Paray-le-Monial à lui verser la somme de 265 928,68 euros en remboursement de ses débours et la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnitaire forfaitaire de gestion ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Paray-le-Monial la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif ne pouvait liquider les préjudices de Mme J... sans tenir compter de sa créance en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
- ses débours s'élèvent à la somme totale de 354 571,58 euros soit en tenant compte du taux de perte de chance la somme de 265 928,68 euros.
Par des mémoires, enregistrés le 5 juillet 2019 et le 11 juin 2020, Mme J..., assistée de son curateur l'Union départementale des associations familiales de Saône-et-Loire, représentée par Me C..., demande à la cour de prononcer la jonction de la présente requête avec la requête enregistrée sous le n° 19LY01363 et soutient que la créance de la caisse sera effectivement prise en compte dans l'arrêt à intervenir quant à son indemnisation définitive.
Par un mémoire, enregistré le 9 juin 2020, le centre hospitalier de Paray-le-Monial, représenté par Me I..., conclut au rejet de la requête de la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or.
Il soutient que :
- par un jugement avant-dire droit du 7 novembre 2017, il a été condamné à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 83 119,58 euros correspondant à 75 % de sa créance ; le jugement a également ordonné une nouvelle expertise pour se prononcer sur la totalité des préjudices subis par Mme J... ; le rapport d'expertise a été déposé le 9 juillet 2018 ; le 10 juillet suivant, les parties ont été invitées à produire leurs observations ; le 25 septembre 2018, une ordonnance a fixé une première clôture d'instruction au 10 octobre 2018 ; le 15 octobre suivant, une ordonnance ordonnant la réouverture de l'instruction a été prise ; le 6 décembre 2018, un avis d'audience a été communiqué aux parties ; par une ordonnance du 19 décembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 décembre 2018 ; la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or n'a pas déposé de nouveau mémoire avant la clôture de l'instruction ; par suite, la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement au motif que les préjudices de Mme J... ont été liquidés sans qu'il soit tenu compte de sa propre créance ;
- il est constant qu'un organisme de sécurité sociale qui a été régulièrement mis en cause en première instance et qui n'était pas dans l'impossibilité d'indiquer le montant de sa créance au cours de l'instruction devant le tribunal administratif n'est pas recevable à faire valoir, pour la première fois en appel, des dépenses engagées antérieurement au jugement ; sa demande est donc irrecevable en appel ; le relevé des débours ne fait mention que de prestations antérieures au mois de décembre 2018 ;
- à titre subsidiaire, et dans l'hypothèse où il ne serait pas tenu compte de l'irrecevabilité de la requête de la caisse primaire d'assurance maladie, il convient d'appliquer à la créance de l'organisme de sécurité sociale le taux de perte de chance de 75 % ; l'hôpital ne peut être condamné à verser à la caisse l'ensemble des sommes sollicitées en vertu des principes d'imputation poste par poste, de priorisation au bénéfice de la victime et de limitation du recours de la caisse au vu du taux de perte de chance retenu ; les postes ne sont pas détaillés de sorte qu'il n'est pas possible de connaître leur contenu exact ; la caisse reprend des postes qui ont déjà donné lieu à une indemnisation ; l'expert n'a pas retenu de frais futurs ; la somme de 229 637,38 euros non détaillée ne pourra qu'être rejetée ; aucun accord ne peut être donné concernant le versement d'un capital pour les frais futurs.
II - Par une requête, enregistrée le 8 avril 2019 sous le n° 19LY01363, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 2 juillet 2019, le 11 juin, le 14 août, les 13 et 28 octobre, le 18 novembre 2020, Mme J..., assistée de son curateur l'Union départementale des associations familiales de Saône-et-Loire, représentée par Me C..., demande à la cour, dans le dernier état des écritures :
1°) de réformer le jugement du 7 février 2019 en tant que le tribunal administratif de Dijon a limité ses prétentions indemnitaires à la somme de 193 450 euros, sous déduction de la provision de 24 600 euros accordée par le jugement n° 1503286 du tribunal administratif de Dijon du 7 novembre 2017 et au versement jusqu'à son décès d'une rente annuelle, payable en quatre trimestres échus, au titre de l'assistance par une tierce personne sur la base d'une heure trente par jour, de 412 jours par an et d'un taux horaire de 14 euros ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Paray-le-Monial à lui verser la somme totale de 606 817,80 euros, certains postes de préjudices étant réservés, en réparation des préjudices subis à la suite de sa prise en charge fautive ;
3°) de joindre la présente requête avec la requête n° 19LY01350 ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Paray-le-Monial la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- les experts désignés ont conclu à des erreurs successives de diagnostic par les équipes médicales du centre hospitalier de Paray-le-Monial ;
S'agissant des préjudices temporaires jusqu'au 17 mai 2018 :
Sur les préjudices à caractère patrimonial :
- les frais de santé ont été intégralement pris en charge ;
- le montant de 300 euros alloué par les premiers juges au titre des frais d'assistance par une tierce personne est accepté ;
Sur les préjudices à caractère extrapatrimonial :
- elle sollicite la somme de 11 617,80 euros après application du taux de perte de chance retenu de 75 % pour le déficit fonctionnel temporaire ;
- elle sollicite la somme de 22 500 euros après application du taux de perte de chance retenu de 75 % pour les souffrances endurées ;
- pour le préjudice esthétique temporaire, elle ne conteste plus l'indemnité allouée par les premiers juges ;
S'agissant des préjudices permanents après consolidation fixée au 17 mai 2018 :
Sur les préjudices à caractère patrimonial :
- les dépenses de santé actuelles ont été intégralement prises en charge ;
- les dépenses de santé futures qui pourraient rester à sa charge devront lui être remboursées par le centre hospitalier sur justificatifs ;
- pour les frais divers, elle a été contrainte d'exposer des frais de transport et de séjour pour sa rééducation au centre Mardor en juillet 2017 pour un total de 1 148 euros ;
- pour les frais de logement adapté et de véhicule adapté, le rapport du service d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés démontre que son logement actuel doit être adapté à ses handicaps ; l'ergothérapeute lui conseille de passer le permis de conduire ; il conviendra de condamner le centre hospitalier à prendre en charge les coûts ou surcoûts d'aménagement de son futur logement et d'achat d'un véhicule adapté ;
- pour l'assistance par une tierce personne ; l'assistance est de 1h30 par jour ; le coût horaire doit être estimé à 22,50 euros ; elle demande l'allocation d'un capital et non d'une rente ; à ce titre, elle sollicite la somme de 174 000 euros après application du taux de perte de chance retenu ; elle a été attributaire de la prestation compensatoire du handicap (PCH) du 15 mai 2019 au 31 juillet 2020 pour 37 heures à raison d'un montant mensuel de 657,49 euros réglé directement à l'ADMR ; pour la période antérieure au 15 mai 2019, elle était assistée par son concubin mais ils se sont séparés au printemps 2019 ; c'est en raison de cette séparation qu'une aide spécifique a été accordée par le département à compter du 15 mars 2019 ; retenir un coût horaire de 14 euros est contraire au principe de la réparation intégrale du préjudice ; il en va de même quant à l'attribution d'une rente ; le centre hospitalier confond l'allocation adulte handicapé qu'elle perçoit et l'allocation compensatrice tierce personne (ACTP) qu'elle n'a jamais perçue ;
- pour la perte de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle ; même si elle a fait le choix d'élever ses cinq enfants, elle aurait dû travailler ; elle a perdu une chance de pouvoir travailler dans un milieu protégé ; elle sollicite la somme de 157 500 euros après application du taux de perte de chance retenu ;
Sur les préjudices à caractère extrapatrimonial :
- pour le déficit fonctionnel permanent, l'expert a retenu un déficit de 55 % ; elle sollicite la somme de 124 000 euros après application du taux de perte de chance retenu ;
- pour le préjudice d'agrément, elle sollicite la somme de 11 950 euros après application du taux de perte de chance retenu compte tenu de sa pratique du vélo et de la marche ;
- pour le préjudice esthétique permanent, elle sollicite la somme de 16 875 euros après application du taux de perte de chance retenu ;
- pour le préjudice sexuel, la somme attribuée par le tribunal administratif de 4 000 euros sera confirmée ;
- pour le préjudice exceptionnel et pour ses proches ; du fait de l'accident thérapeutique, sa vie familiale s'est effondrée ; à raison de son handicap, elle a dû accepter que la résidence de ses trois premiers enfants soit fixée chez leur père et se résoudre à confier la garde de ses deux derniers enfants à son père ; ses cinq enfants ont subi un préjudice en étant privés de leur mère et de leur milieu familial ; elle sollicite l'allocation d'une somme de 75 000 euros après application du taux de perte de chance ;
- pour l'état de santé futur de l'enfant dont elle était enceinte au moment de sa prise en charge, E..., elle exprime des réserves quant à l'avenir de cet enfant né le 7 octobre 2015 et qui présente des difficultés et des retards.
Par un mémoire, enregistré le 24 juillet 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or, représentée par Me F... K..., conclut à la jonction de la présente requête avec la requête n° 19LY01350.
Par des mémoires, enregistrés le 9 juin, le 28 août, le 29 septembre, les 21 et 30 octobre et le 20 novembre 2020, le centre hospitalier de Paray-le-Monial, représenté par Me I..., conclut au rejet de la requête de Mme J... et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du 7 février 2019 en tant que le tribunal administratif de Dijon l'a condamné à réparer les frais d'assistance par une tierce personne pour la période du 18 mai 2018 au 7 février 2019 à hauteur de 4 700 euros sans tenir compte des aides perçues.
Il soutient que :
Sur la requête de Mme J... :
- s'agissant des frais divers ; il ne ressort pas des pièces du dossier que les sommes demandées seraient effectivement restées à la charge de Mme J... ; il s'agit de factures à régler et non acquittées ;
- s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, l'indemnisation de ce chef de préjudice ne pourra excéder 5 906,55 euros ; l'évaluation des souffrances endurées et du préjudice esthétique temporaire par le tribunal administratif n'apparaît pas insuffisante ;
- s'agissant des dépenses de santé futures, seuls les préjudices futurs certains peuvent ouvrir droit à une indemnisation ; Mme J... n'établit pas que des dépenses de santé resteront à sa charge et qu'elles ne seront pas remboursées par un organisme de sécurité sociale et/ou par une mutuelle ;
- s'agissant de l'assistance par une tierce personne ; le taux horaire est de 13 euros calculé sur la base d'une année de 412 jours ; la prestation de compensation du handicap a pour objet de couvrir les frais d'assistance par une tierce personne et vient en déduction des sommes mises à la charge de l'hôpital ; c'est à bon droit que le tribunal administratif a retenu le principe de la rente pour l'indemnisation de ce chef de préjudice compte tenu des incertitudes quant au maintien à domicile de Mme J... ; Mme J... perçoit l'allocation d'adulte handicapé depuis le mois de septembre 2015 ainsi que la prestation de compensation du handicap ; la prestation délivrée par l'ADMR fait l'objet d'un crédit d'impôt à hauteur de 50 % ; par suite, le taux horaire de 13 euros n'est pas insuffisant ; Mme J... perçoit une aide au titre de l'assistance par une tierce personne depuis 2015 ; il lui appartient d'établir qu'elle n'a perçu aucune aide au titre de la tierce personne à compter du 1er mai 2017 jusqu'à ce jour ; les premiers juges ne pouvaient mettre à sa charge la somme de 4 700 euros sans tenir compte des aides perçues par l'intéressée ;
- s'agissant de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle ; il est constant qu'un requérant qui n'exerçait aucune activité professionnelle à la date du dommage ne peut se prévaloir d'une perte de gains professionnels actuels ; il en va de même pour la perte de gains professionnels futurs ; Mme J... n'a jamais exercé d'activité professionnelle et elle n'était pas en recherche d'emploi ; l'évaluation du chef de préjudice " incidence professionnelle " faite par les premiers juges n'apparaît pas insuffisante ;
- s'agissant du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique permanent ; l'évaluation de ces chefs de préjudice par les premiers juges apparaît suffisante ;
- s'agissant du préjudice d'agrément ; l'expert n'a pas retenu la pratique antérieure d'activités susceptibles d'entrer dans la définition du préjudice d'agrément ;
- s'agissant du préjudice exceptionnel et pour les proches ; les considérations invoquées ne sauraient être regardées comme la conséquence directe, certaine et exclusive de la faute commise par le centre hospitalier ;
- il n'appartient pas au juge de prendre acte des réserves formulées par Mme J... ;
Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or :
- il présente les mêmes moyens que dans l'instance 19LY01350.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique ;
- et les observations de Me H..., substituant Me I..., représentant le centre hospitalier de Paray-le-Monial et celles de Me A..., substituant Me C..., représentant Mme J....
Considérant ce qui suit :
1. Les deux requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. Le 11 mars 2015, Mme G... J..., née le 25 août 1984, a été admise au centre hospitalier de Paray-le-Monial en raison de vomissements non régressifs alors qu'elle débutait le sixième mois de sa grossesse. A la suite du diagnostic d'engorgement de la vésicule biliaire, Mme J... a été autorisée à regagner son domicile le 20 mars 2015. Du fait de la persistance des symptômes, elle a de nouveau été hospitalisée du 28 mars au 2 avril 2015 dans le service de gynécologie obstétrique puis dans le service de chirurgie viscérale où elle a subi une cholécystectomie. Du 16 au 18 avril 2015, elle a été prise en charge dans le service de gastroentérologie compte tenu de la perte de treize kilos en cinq semaines et d'une diminution de la cytolyse hépatique. Du 7 au 12 mai 2015, elle a été admise dans le service de pneumologie du centre hospitalier de Paray-le-Monial. Devant un tableau de troubles de l'équilibre, ralentissement psychomoteur et syndrome confusionnel, le 13 mai 2015, elle a été transférée au sein du service neurologique du centre hospitalier universitaire de Dijon qui a diagnostiqué une encéphalopathie de Gayet-Wernicke, secondaire à un hyperemesis gravidarum. Ultérieurement, elle sera transférée au centre hospitalier de Paray-le-Monial du 15 au 25 mai 2015 et au centre hospitalier universitaire de Dijon du 28 mai au 1er juin 2015 avant d'être admise au centre de rééducation de Bourbon-Lancy du 1er juin au 15 juillet 2015. Estimant avoir été victime d'une défaillance dans sa prise en charge, Mme J... a sollicité l'organisation d'une expertise médicale auprès du tribunal administratif de Dijon. Par une ordonnance du 9 mars 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a désigné le professeur Vallée, neurochirurgien, et le docteur Canterinon, radiologue, en qualité d'experts. Ceux-ci ont déposé leur rapport en septembre 2016. Par un jugement du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a déclaré le centre hospitalier de Paray-le-Monial responsable de la perte de chance évaluée à 75 % d'échapper aux séquelles d'une encéphalopathie de Gayet Wernicke subies par Mme J..., l'a condamné à verser à Mme J... une indemnité provisionnelle de 24 600 euros, l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or la somme de 83 119,58 euros, assortie des intérêts légaux, en remboursement de ses débours et la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et a ordonné qu'il soit procédé à une expertise médicale confiée au professeur Vallée, avant de statuer sur les conclusions de la requête de Mme J... tendant à l'indemnisation de ses préjudices. L'expert a déposé son rapport le 9 juillet 2018. Par un jugement du 7 février 2019, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier de Paray-le-Monial à verser à Mme J... la somme totale de 193 450 euros, sous déduction de la provision de 24 600 euros accordée par le jugement n° 1503286 du tribunal administratif de Dijon du 7 novembre 2017, à lui verser jusqu'à son décès une rente annuelle, payable en quatre trimestres échus, au titre de l'assistance par une tierce personne sur la base d'une heure trente par jour, d'une année de 412 jours et d'un taux horaire de 14 euros en précisant que le montant des indemnités s'élève à 75 % de cette rente trimestrielle, revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 43417 du code de la sécurité sociale, et sous réserve de fournir trimestriellement les justificatifs d'hébergement dans une institution spécialisée ou un établissement hospitalier et les justificatifs relatifs au volume horaire d'assistance par une tierce personne et aux aides perçues ayant le même objet, venant en déduction du montant de la rente, a mis les frais d'expertise à la charge définitive du centre hospitalier de Paray-le-Monial et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Mme J... relève appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif de Dijon a limité ses prétentions indemnitaires à la somme susmentionnée et en tant qu'il a arrêté le principe du versement d'une rente au titre de l'assistance par une tierce personne et les bases de sa liquidation. La caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or relève également appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier de Paray-le-Monial conclut à la réformation du jugement du 7 février 2019 en tant que le tribunal administratif de Dijon l'a condamné à réparer les frais d'assistance par une tierce personne pour la période du 18 mai 2018 au 7 février 2019 à hauteur de 4 700 euros sans tenir compte des aides perçues.
Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or :
3. Il résulte de l'instruction que, par un premier jugement du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier de Paray-le-Monial à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or la somme de 83 119,58 euros en remboursement de ses débours et a précisé dans son article 10, après avoir ordonné une expertise avant-dire droit que " tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent jugement, sont réservés jusqu'en fin d'instance ". Après le dépôt du rapport d'expertise le 9 juillet 2018 au greffe du tribunal administratif, la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or a été invitée à produire ses observations par lettre du 10 juillet 2018. La clôture de l'instruction a été fixée une première fois au 10 octobre 2018 et une seconde fois au 20 décembre 2018. Postérieurement à l'audience qui s'est tenue le 21 décembre 2018, par une lettre du 8 janvier 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or a demandé le renvoi de l'affaire en faisant valoir qu'elle n'était pas en mesure de chiffrer sa créance. En appel, la caisse primaire d'assurance maladie demande le remboursement des débours exposés antérieurement au 17 mai 2018 ainsi que les débours futurs à compter de l'année 2018. Ayant été mise à même de faire valoir ses droits devant le tribunal administratif de Dijon mais n'ayant pas été en mesure de demander en temps utile le remboursement des frais exposés ou d'ores et déjà connus antérieurement au jugement du 7 février 2019, et alors qu'elle ne fait état d'aucune circonstance particulière qui l'aurait placée dans l'impossibilité d'avoir connaissance des frais exposés ou futurs, la caisse primaire d'assurance maladie n'est plus recevable à le demander devant le juge d'appel. Par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions de ladite caisse tendant au paiement de l'indemnitaire forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et à l'application de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
Sur les conclusions indemnitaires présentées par Mme J... :
En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier de Paray-le-Monial :
4. Par un jugement du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a engagé la responsabilité du centre hospitalier de Paray-le-Monial pour manquements fautifs à raison d'une perte de chance fixée à 75 % d'échapper aux séquelles subies résultant d'une encéphalopathie de Gayet Wernicke dont Mme J... a été victime en retenant que les soins au centre hospitalier n'ont pas été adaptés à l'état et aux symptômes que présentaient Mme J... et que le retard de diagnostic de carence vitaminique, alors que l'intéressée présentait depuis cinq jours des signes neurologiques francs particulièrement inquiétants, n'a pas permis de mettre en oeuvre précocement le traitement adapté à l'encéphalopathie. Ni le principe de la responsabilité du centre hospitalier de Paray-le-Monial ni le taux de perte de chance retenu ne sont contestés en appel.
Sur l'évaluation des préjudices :
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
S'agissant des préjudices temporaires jusqu'au 17 mai 2018 :
Quant aux dépenses de santé :
5. Mme J... fait valoir qu'elle a été contrainte d'exposer des frais de transport et de séjour pour sa rééducation au centre Mardor en 2017 pour un total de 1 148 euros et produit au soutien de son allégation une facture d'une société de taxi pour des transports entre son domicile et le centre de rééducation le 1er, le 2, le 8 et le 9 juillet 2017 pour un montant de 140 euros et une facture du centre de médecine physique et de réadaptation de Mardor à Couches d'un montant de 1 008 euros pour un séjour en chambre particulière du 26 juin au 19 juillet 2017.
6. A la suite de la mesure d'instruction diligentée par la cour, la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or a indiqué que ces frais d'un montant total de 1 148 euros n'ont pas été pris en charge par l'assurance maladie. Par suite, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Paray-le-Monial, après application du taux de perte de chance retenu, la somme de 861 euros.
Quant aux frais liés à l'assistance par une tierce personne :
7. Aucune des parties ne conteste le jugement attaqué en ce qu'il a évalué à la somme de 300 euros les frais liés à l'assistance par une tierce personne du 1er mai au 17 mai 2017.
S'agissant des préjudices permanents après consolidation fixée au 17 mai 2018 :
Quant aux dépenses de santé :
8. Mme J... n'établit ni même n'allègue que des dépenses de santé seraient restées à sa charge.
9. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que la caisse primaire d'assurance maladie prendra en charge les dépenses de santé futures exposées par Mme J... au titre de séances de kinésithérapie et d'orthophonie, de frais d'hospitalisation, des frais de transports, des frais d'appareillages, des frais médicaux et pharmaceutiques. Par suite, Mme J... n'établit pas que des frais liés aux dépenses de santé futures resteront à sa charge.
Quant aux frais de logement et de véhicule adaptés :
10. Mme J... fait état de la nécessité d'aménager son logement compte tenu de ses handicaps.
11. Si les frais d'aménagement du logement sont indemnisables, il incombe à la victime de fournir au juge des éléments d'appréciation de la réalité et de l'étendue de ces charges en lien avec le handicap résultant des manquements fautifs commis par le centre hospitalier de Paray-le-Monial. Mme J... produit une étude du service d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés du 20 juillet 2020 indiquant que sa situation nécessite des aménagements spécifiques afin qu'un logement soit accessible. Cette étude est conforme au rapport d'expertise qui précise qu'un logement adapté est nécessaire. Toutefois, Mme J... n'établit pas plus en première instance qu'en appel le coût de ces frais d'aménagement en se bornant à produire l'étude précitée. Par suite, l'indemnisation de ce chef de préjudice ne peut qu'être écartée.
12. Mme J... fait valoir qu'il convient de mettre à la charge du centre hospitalier de Paray-le-Monial le coût ou le surcoût d'achat d'un véhicule adapté en se fondant sur l'avis de l'ergothérapeute contenu dans l'étude du service d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés qui précise qu'" une voiture TPMR faciliterait et augmenterait sa participation sociale (courses, loisirs, vacances...). Si un jour elle décide de passer le permis, un aménagement du poste de conduite devra être envisagé ". Toutefois, Mme J... n'établit pas qu'elle se serait engagée dans une démarche en vue de l'obtention d'un permis de conduire. En tout état de cause, elle ne fournit aucun élément permettant d'apprécier le coût des dépenses nécessaires pour procéder à l'adaptation d'un véhicule. Par suite, l'indemnisation de ce chef de préjudice ne peut qu'être écartée.
Quant aux frais d'assistance par une tierce personne :
13. En vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes des dommages dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune.
14. Les règles rappelées ci-dessus ne trouvent à s'appliquer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Par suite, lorsque la personne publique responsable n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, notamment parce que la faute qui lui est imputable n'a entraîné qu'une perte de chance d'éviter ce dommage, la déduction ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne.
De la date de consolidation de l'état de santé de Mme J..., le 17 mai 2018, à la date de mise à disposition au greffe de l'arrêt :
15. Mme J... fait valoir que son état de santé nécessite une assistance par une tierce personne compte tenu de son handicap à hauteur de 1h30 par jour et pour un coût horaire de 22,50 euros et qu'antérieurement au 15 mai 2019, elle n'a pas bénéficié d'une aide finançant cette assistance. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier de Paray-le-Monial demande la réformation du jugement du 7 février 2019 en tant que le tribunal administratif de Dijon l'a condamné à réparer les frais d'assistance par une tierce personne pour la période du 18 mai 2018 au 7 février 2019 à hauteur de 4 700 euros sans tenir compte des aides perçues.
16. Si la prestation de compensation du handicap doit être déduite des indemnités versées pour le passé et l'avenir au titre de l'assistance par une tierce personne, l'allocation d'adulte handicapé et son complément n'ont pas pour objet de financer une telle assistance et n'ont pas à être déduites.
17. Le coût de cette assistance à raison d'1h30 par jour du 17 mai 2018, date de la consolidation de son état de santé, jusqu'au 8 avril 2021, date de mise à disposition de l'arrêt au greffe, doit être fixé au taux horaire moyen de 14,18 euros, porté à 15,45 euros afin de tenir compte des majorations de rémunération liées aux congés payés et au travail les dimanches et les jours fériés en retenant pour ce faire une année de 412 jours. Mme J... n'établit pas que son état de santé nécessite l'octroi d'un coût horaire supérieur. Compte tenu de ce tarif horaire de 15,45 euros, d'un nombre total de 1 058 jours écoulés entre le 17 mai 2018 et le 8 avril 2021 au cours desquels Mme J... n'a pas été prise en charge dans un établissement et donc d'un nombre total de 1 587 heures d'assistance entre ces deux dates, les frais échus pour cette période au titre de l'assistance par une tierce personne s'établissent à la somme arrondie de 24 519 euros.
18. Ainsi les besoins d'assistance par une tierce personne jusqu'au 8 avril 2021 doivent être évalués à la somme de 24 519 euros. Compte tenu du taux de perte de chance de 75 % retenu, l'indemnisation à la charge du centre hospitalier de Paray-le-Monial à ce titre ne saurait dépasser 18 389,25 euros.
19. Il résulte de l'instruction et notamment d'un courrier du président du conseil départemental de Saône-et-Loire du 16 février 2021 produit à la suite d'une mesure d'instruction diligentée par la cour que Mme J... a bénéficié de la prestation de compensation du handicap au titre de l'aide humaine par prestataire à raison de 37 heures par mois du 15 mai 2019 au 31 juillet 2020 et de 21 heures par mois du 1er août 2020 jusqu'au 31 juillet 2025 et qu'elle a perçu les sommes de 1 590,43 euros du 15 mai au 31 décembre 2019 et de 1 177,27 euros du 1er janvier au 31 décembre 2020. Le montant cumulé de l'indemnisation maximale incombant au centre hospitalier de Paray-le-Monial au titre de l'assistance par une tierce personne au domicile familial jusqu'au 8 avril 2021, fixée à 18 389,25 euros, et de la prestation de compensation du handicap perçue jusqu'à cette date, d'un montant de 2 767,70 euros, soit la somme de 21 156,95 euros, n'excède pas la somme de 24 519 euros correspondant au montant des frais d'assistance par une tierce personne jusqu'à la date de mise à disposition au greffe de l'arrêt hors perte de chance. Par suite, il n'y a pas lieu de procéder à une réfaction sur le montant des frais d'assistance par une tierce personne tenant compte du taux de perte de chance. L'indemnité mise à la charge du centre hospitalier, telle que précédemment déterminée, doit donc être fixée à la somme de 18 389,25 euros.
Postérieurement à la date de mise à disposition au greffe de l'arrêt :
20. S'agissant des frais futurs d'assistance par une tierce personne non échus à la date du présent arrêt, il y a lieu d'accorder à Mme J... une rente trimestrielle et non un capital compte tenu de l'âge de la victime. Cette rente, versée à chaque trimestre échu, sera calculée sur la base du besoin en assistance par une tierce personne d'1h30 par jour et d'un taux horaire fixé à 16,19 euros tenant compte des majorations de rémunération liées aux congés payés et au travail les dimanches et les jours fériés en retenant une année de 412 jours et en tenant compte du taux de perte de chance de 75 %. Le taux horaire de 16,19 euros sera revalorisé en fonction des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Le montant de cette rente versée à chaque trimestre échu sera réduit, le cas échéant, sous le contrôle du juge de l'exécution du présent arrêt, au prorata du nombre d'heures de prise en charge de Mme J... en institution. Les sommes perçues au titre de prestations d'assistance par tierce personne en seront, le cas échéant, déduites, comme indiqué au point 16 du présent arrêt, dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations perçues excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne. Il appartiendra en conséquence à Mme J... de fournir au centre hospitalier les justificatifs établissant éventuellement sa prise en charge par une institution ainsi que les montants de la prestation de compensation du handicap et son complément perçus pendant cette période.
Quant à l'incidence professionnelle :
21. Mme J... fait valoir qu'elle a perdu une chance de pouvoir travailler en milieu protégé.
22. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que Mme J... ne travaillait pas à l'époque des faits. Si elle a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle d'horticulture, elle n'a jamais travaillé dans ce domaine. L'expert souligne, après avoir précisé que Mme J... présente un taux d'incapacité fonctionnelle permanente évaluée à 55 %, que " Mme J... ne pourra pas travailler dans un emploi de type courant. Son handicap moteur est incompatible ne serait-ce qu'avec la sécurité. De façon très théorique, il n'est pas absolument impossible qu'elle puisse trouver, si elle bénéficie de circonstances propices, un travail en milieu protégé (ESAT) mais avec beaucoup de restrictions quant à ses capacités (temps partiel...) " et il indique que " l'incidence professionnelle est telle que les chances d'avoir une activité procurant gain ou profit dans l'avenir sont sinon nulles en théorie, du moins considérablement diminuées ". Compte tenu de ces éléments, les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 30 000 euros après application du taux de perte de chance retenu.
En ce qui concerne les préjudices à caractère extrapatrimonial :
S'agissant des préjudices temporaires :
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
23. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que Mme J... a subi un déficit fonctionnel temporaire total durant toutes les périodes d'hospitalisation correspondant à 319 jours, dont il convient de déduire les 5 jours de la première hospitalisation pendant lesquelles il n'est pas établi un retard de diagnostic, et qu'en dehors des périodes d'hospitalisation et jusqu'à la date de consolidation de son état de santé, elle a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel de 40 % avant l'apparition des signes neurologiques, soit durant 29 jours, et de 60 % après l'apparition des signes neurologiques le 7 mai 2015 et jusqu' à la date de consolidation fixée au 17 mai 2018, soit 781 jours. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 8 200 euros après application du taux de perte de chance.
Quant au préjudice esthétique temporaire :
24. Aucune des parties ne conteste le jugement attaqué en ce qu'il a évalué à la somme de 3 750 euros le préjudice esthétique temporaire.
Quant aux souffrances endurées :
25. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'expert a souligné que les souffrances endurées " sont très élevées puisqu'il y a eu de la rééducation, le fauteuil roulant, les souffrances morales " en prenant en compte la séparation de Mme J... d'avec ses enfants et les a évaluées à 5 sur une échelle de 7. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 11 000 euros après application du taux de perte de chance retenu.
S'agissant des préjudices à caractère permanent :
Quant au déficit fonctionnel permanent :
26. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'expert a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 55 %. Compte tenu de l'âge de Mme J... à la date de la consolidation de son état de santé, les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 124 000 euros après application du taux de perte de chance.
Quant au préjudice esthétique permanent :
27. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'expert a fixé son évaluation du préjudice esthétique permanent à 4 sur une échelle de 7 en retenant " l'usage d'un fauteuil roulant et d'un déambulateur ainsi que l'instabilité de Mme J... quand elle tente de se mettre debout ". Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 6 000 euros après application du taux de perte de chance retenu.
Quant au préjudice d'agrément :
28. Si Mme J... fait valoir qu'elle pratiquait avant les manquements fautifs commis par le centre hospitalier la marche et le vélo, l'expert a souligné que l'intéressée " ne déclare pas d'activités d'agrément antérieures aux faits " ou encore qu'elle " n'avait pas d'activités spécifiques de loisirs ". Par suite, Mme J... n'établissant pas l'existence d'un préjudice distinct du déficit fonctionnel permanent, la demande tendant à l'indemnisation du préjudice d'agrément allégué ne peut être accueillie.
Quant au préjudice sexuel :
29. Aucune des parties ne conteste le jugement attaqué en ce qu'il a évalué à la somme de 4 000 euros le préjudice sexuel.
Quant au préjudice permanent exceptionnel :
30. Mme J... fait valoir qu'elle-même et ses proches subissent un préjudice exceptionnel résultant de l'effondrement de la vie familiale du fait de son handicap. Les préjudices permanents exceptionnels comprennent les préjudices extrapatrimoniaux atypiques, directement liés au handicap permanent qui prend une résonance particulière pour certaines victimes en raison soit de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable. Ces préjudices, distincts du préjudice extrapatrimonial du déficit fonctionnel permanent, ne peuvent résulter que de circonstances particulières, autres que celles résultant du fait dommageable, qui n'auraient pas été prises en compte par l'expert ou qui n'auraient pu l'être. Le déficit fonctionnel permanent indemnise, quant à lui, les répercussions psychologiques liées à l'atteinte à l'intégrité physique.
31. Il résulte de l'instruction qu'antérieurement à sa prise en charge par le centre hospitalier de Paray-le-Monial, Mme J... vivait avec ses cinq enfants, dont trois issus d'une précédente union, et son compagnon. Par un jugement du 12 novembre 2015, le tribunal pour enfant près la cour d'appel de Dijon a confié les deux enfants mineurs de Mme J... issus de l'union avec M. B... au grand-père maternel en tenant compte de ce que l'hémiplégie dont est atteinte Mme J... la place dans l'incapacité de prendre en charge ses enfants. Par un jugement du 8 février 2016, Mme J... a été placée sous curatelle renforcée et son père a été désigné en qualité de curateur, lequel a été déchargé de ses fonctions au profit de l'Union départementale des associations familiales de Saône-et-Loire par une ordonnance du 30 septembre 2016 du juge délégué au tribunal d'instance de Montbard. Par des jugements du 27 juin 2016, le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Dijon a délégué totalement l'exercice de l'autorité parentale à l'égard des deux enfants mineurs de Mme J... au grand-père maternel. Par un jugement du 2 février 2018, le tribunal de grande instance de Dijon a maintenu les pouvoirs de l'autorité parentale au profit du père de Mme J... qui conserve la garde de ces deux enfants en tenant compte des tensions actuelles entre les adultes. Par un jugement du 27 mars 2017, le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Dijon a fixé la résidence de deux des premiers enfants mineurs de Mme J..., issus d'une précédente union, au domicile du père et a déterminé son droit de visite et d'hébergement.
32. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 25, l'expert a évalué les souffrances endurées en prenant en compte la séparation des enfants d'avec leur mère. Par ailleurs, Mme J... n'établit pas le caractère permanent de ce préjudice. Par suite, l'indemnisation de ce chef de préjudice ne peut être accueillie.
Quant à l'état de santé futur de l'enfant E... :
33. Si Mme J... fait valoir qu'elle émet des réserves quant aux préjudices futurs résultant de l'état de santé de son enfant, E..., dont elle était enceinte au moment de sa prise en charge par le centre hospitalier de Paray-le-Monial, il n'appartient pas au juge administratif de donner acte de réserves. Par ailleurs, ainsi que l'a précisé le tribunal administratif de Dijon, il appartiendra aux représentants légaux de E... ou à l'enfant devenu majeur, s'ils s'y croient fondés, de demander l'indemnisation des préjudices qui auront résulté pour cet enfant de la prise en charge défaillante de Mme J....
34. Il résulte de ce qui précède que la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Mme J... est seulement fondée à demander la condamnation du centre hospitalier de Paray-le-Monial à lui verser la somme totale de 206 500,25 euros, sous déduction de la provision de 24 600 euros accordée par le jugement n° 1503286 du tribunal administratif de Dijon du 7 novembre 2017, somme à laquelle s'ajoute la rente mise à la charge du centre hospitalier de Paray-le-Monial.
Sur les dépens :
35. Les frais et honoraires de l'expertise, qui ont été taxés et liquidés à la somme totale de 1 440 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Dijon du 30 août 2018, sont maintenus à la charge définitive du centre hospitalier de Paray-le-Monial.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
36. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Paray-le-Monial la somme de 1 500 euros à verser à Mme J... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La somme que le centre hospitalier de Paray-le-Monial a été condamné à verser à Mme J... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 février 2019 est portée à la somme de 206 500,25 euros sous déduction de la provision de 24 600 euros accordée par le jugement n° 1503286 du tribunal administratif de Dijon du 7 novembre 2017.
Article 2 : Le centre hospitalier de Paray-le-Monial versera, chaque trimestre, à Mme J..., sur présentation de justificatifs, une rente au titre des frais futurs d'assistance par une tierce personne telle que calculée au point 20. Le taux horaire servant au calcul de cette rente sera revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.
Article 3 : Le jugement du 7 février 2019 du tribunal administratif de Dijon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les frais et honoraires de l'expertise, qui ont été taxés et liquidés à la somme totale de 1 440 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Dijon du 30 août 2018, sont maintenus à la charge définitive du centre hospitalier de Paray-le-Monial.
Article 5 : Le centre hospitalier de Paray-le-Monial versera à Mme J... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... J..., à l'Union départementale des associations familiales (UDAF) de Saône-et-Loire, à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or, à la caisse primaire d'assurance maladie de Saône et Loire et au centre hospitalier de Paray-le-Monial.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2021.
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N° 19LY01350...