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06/04/2021 | FRANCE | N°20LY03108

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 06 avril 2021, 20LY03108


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 juin 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra le cas échéant être reconduit d'office, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à

compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de ret...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 juin 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra le cas échéant être reconduit d'office, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2004391 du 30 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 octobre 2020, M. D..., représenté par la SELARL BS2A A... et Sabatier avocats associés, agissant par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2004391 du 30 septembre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné du préfet du Rhône du 17 juin 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le certificat médical du médecin instructeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) comporte des renseignements erronés et incomplets sur son état de santé de sorte que le collège de médecins de l'OFII n'a pas pu se prononcer valablement ; ainsi, l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure et d'une absence d'examen particulier et sérieux ;

Sur le refus de titre de séjour :

- les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont été méconnues dès lors qu'il ne peut pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours :

- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- et les observations de Me B..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien né le 8 juillet 1990, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 5 septembre 2017. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 février 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 29 mai 2018. Le 30 septembre 2019, M. D... a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien en raison de son état de santé. Par un arrêté du 17 juin 2020, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, sur le double fondement des 3° et 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de quatre-vingt-dix-jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. M. D... fait appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 30 septembre 2020, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". Aux termes de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens en application des stipulations précitées de l'accord franco-algérien : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) ".

3. M. D... soutient que l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été émis à la suite d'une procédure irrégulière en ce qu'il n'a pas pu se présenter à la convocation du 29 novembre 2019 que le médecin instructeur lui avait adressée, dès lors qu'il était incarcéré à cette date, et que le rapport établi par ce médecin comporte des informations erronées qui ont été de nature à empêcher le collège de se prononcer en toute connaissance de cause sur son état de santé. Toutefois, il résulte des dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point précédent, que la possibilité pour le médecin de l'Office de convoquer l'étranger pour l'examiner ne constitue qu'une simple faculté. En outre, il ressort du rapport émis par le médecin instructeur que celui-ci s'est uniquement fondé sur le certificat médical produit par l'intéressé, établi par les médecins qui le suivent habituellement, ainsi que sur les autres documents médicaux qu'il avait adressés au service médical de l'OFII, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient été insuffisants pour permettre d'établir un rapport médical circonstancié. M. D..., qui au demeurant ne verse pas au débat les documents médicaux qui ont été transmis au service médical de l'OFII, n'établit pas, par ses seules allégations, que les mentions reprises par le médecin instructeur à partir de ces éléments, selon lesquelles il aurait refusé une prise en charge psychiatrique et ne respecterait pas les prescriptions médicales qui lui sont adressées, seraient inexactes. Dans ces conditions, M. D... n'établit pas que la circonstance qu'il ne se soit pas présenté à l'examen médical a eu une influence sur le rapport médical et le sens de l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII ni que ce rapport serait entaché d'inexactitude. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et d'un défaut d'examen particulier de son état de santé doit être écarté.

4. En deuxième lieu, dans son avis du 18 décembre 2019, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour ce dernier des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. D... présente une hépatite B non active, des troubles épileptiques ainsi que des troubles psychiatriques. Pour contester l'appréciation du préfet, qui a fait sien l'avis du collège de médecins, selon laquelle il pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, M. D... fait valoir que des ruptures d'approvisionnement en médicaments sont constatées en Algérie depuis 2017, qu'il ne pourra pas bénéficier d'un accès approprié aux structures de soins adéquats et que les troubles psychiatriques dont il souffre sont dus à des événements traumatisants qu'il a précisément subis dans son pays d'origine. Toutefois, les extraits d'articles de presse cités par le requérant, qui font état de ruptures d'approvisionnement en médicaments sans autre précision concernant ces pénuries, ne suffisent pas à réfuter les éléments produits par le préfet en première instance établissant, à la date de la décision contestée, l'existence de soins adaptés et d'infrastructures de prise en charge en Algérie pour les troubles dont il souffre. En outre, M. D... n'établit pas, en se bornant à l'alléguer, qu'un retour dans son pays d'origine risquerait d'aggraver son état de santé. Par suite, en estimant que M. D... pouvait bénéficier effectivement de soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine, le préfet du Rhône n'a pas fait une inexacte application des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., célibataire et sans enfant, est entré en France le 5 septembre 2017 à l'âge de vingt-sept ans. Il ne justifie pas être isolé dans son pays d'origine où il a lui-même indiqué à l'appui de sa demande de titre de séjour, contrairement à ce qu'il soutient, que vivait son père. Il n'apporte aucune information sur la nature, la fréquence et l'intensité de ses liens avec les membres de sa famille résidant en France et dont il ne justifie pas, au demeurant, de la régularité du séjour. Il ne justifie pas davantage d'une intégration dans la société française. Dès lors, compte tenu notamment de la durée et des conditions du séjour en France de l'intéressé, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elle poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit par suite être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité de la décision portant refus de titre de séjour que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ce refus à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

10. En deuxième lieu, si M. D... soutient que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce moyen doit être écarté dès lors que, comme il a été dit au point 6, l'absence d'un traitement approprié dans le pays d'origine n'est pas établie.

11. En troisième lieu, en l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés au point 8, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

12. Il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, M. D... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

13. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2021.

2

N° 20LY03108


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03108
Date de la décision : 06/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-06;20ly03108 ?
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