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30/03/2021 | FRANCE | N°20LY03631

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 30 mars 2021, 20LY03631


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La fédération de pêche et de protection du milieu aquatique de l'Isère et l'association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique (AAPMA) du Valbonnais " La truite de la Bonne ", ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 mars 2015 par lequel le préfet de l'Isère n'a pas fait opposition à la déclaration préalable de travaux déposée par la société Valhydrau pour la construction du local technique d'une microcentrale située au lieu-dit

La Chalp à Valjouffrey, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours g...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La fédération de pêche et de protection du milieu aquatique de l'Isère et l'association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique (AAPMA) du Valbonnais " La truite de la Bonne ", ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 mars 2015 par lequel le préfet de l'Isère n'a pas fait opposition à la déclaration préalable de travaux déposée par la société Valhydrau pour la construction du local technique d'une microcentrale située au lieu-dit La Chalp à Valjouffrey, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1505829 du 16 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 18LY00170 du 2 avril 2019, la cour a rejeté l'appel formé par La fédération de pêche et de protection du milieu aquatique de l'Isère et l'AAPMA du Valbonnais " La truite de la Bonne " contre ce jugement.

Par une décision n° 431289 du 10 décembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour, au greffe de laquelle elle a été enregistrée sous le n° 20LY03631.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2018, et un mémoire en réplique enregistré le 26 février 2021, qui n'a pas été communiqué, la fédération de pêche et de protection du milieu aquatique de l'Isère et l'AAPMA du Valbonnais " La truite de la Bonne ", représentées par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 novembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté de non-opposition à travaux du 6 mars 2015, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;

3°) de mettre une somme de 2 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente, dès lors que la commune est dotée d'un plan d'occupation des sols et que le maire est ainsi seul compétent pour délivrer les autorisations d'urbanisme ; si cet arrêté attaqué a été pris au visa de l'article L. 4222 du code de l'urbanisme, la réalisation du local technique ne répond pas aux conditions fixées par ce texte ;

- le dossier de demande est incomplet, en ce qu'il ne comporte pas la justification de l'institution de la servitude de cour commune mentionnée dans le plan de masse ;

- le projet aurait dû faire l'objet d'une demande et d'un permis de construire uniques, en raison des liens physiques et fonctionnels entre la microcentrale et son local technique ; d'ailleurs, la demande ne porte pas sur l'ensemble des équipements de la microcentrale, en particulier la prise d'eau physiquement liée au local technique ; à tout le moins, ce local aurait dû faire l'objet d'un permis de construire modificatif ;

- le projet méconnaît l'article L. 1453 III du code de l'urbanisme et n'entre pas dans le champ des exceptions prévues par ce texte, dès lors que l'équipement, que du reste la décision en litige n'autorise pas directement, ne saurait être qualifié d'équipement public et n'est pas incompatible avec le voisinage des zones habitées.

Par un mémoire enregistré le 10 décembre 2018, un mémoire enregistré le 5 mars 2019 qui n'a pas été communiqué, et un mémoire complémentaire enregistré le 10 février 2021, la société Valhydrau, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge solidaire des requérantes en application de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable, le président de la fédération de pêche de l'Isère ayant été habilité à agir par le conseil d'administration, alors que seul le bureau est compétent pour ce faire, en vertu de l'article 30 des statuts ; par ailleurs, il n'est justifié d'aucune habilitation donnée au président de l'AAPMA du Valbonnais pour interjeter appel du jugement ;

- les moyens de la requête sont infondés.

Par un mémoire enregistré le 12 décembre 2018, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte aux écritures présentées par le préfet de l'Isère devant le tribunal administratif de Grenoble.

La clôture de l'instruction a été fixée au 26 février 2021, par une ordonnance en date du 11 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me B..., substituant Me F..., pour la fédération de pêche et de protection du milieu aquatique de l'Isère et l'AAPMA du Valbonnais " La truite de la Bonne ", et celles de Me E..., substituant Me A..., pour la société Valhydrau ;

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 28 février 2014, le préfet de l'Isère a délivré à la SARL Valhydrau un permis de construire en vue de l'édification d'une micro-centrale électrique. Le 3 octobre 2014, la société a déposé une déclaration préalable de travaux portant sur la construction d'un local technique, d'une superficie de 8 m2, à proximité de la prise d'eau située en amont, sur la rivière de la Bonne. Par arrêté du 6 mars 2015, le préfet de l'Isère ne s'est pas opposé à sa demande. La fédération de pêche et de protection du milieu aquatique de l'Isère et l'AAPMA du Valbonnais " La truite de la Bonne " relèvent appel du jugement en date du 16 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, (...) et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme (...) / b) Le préfet ou le maire au nom de l'Etat dans les autres communes. " Aux termes de l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme : " Par exception aux dispositions du a de l'article L. 4221, l'autorité administrative de l'État est compétente pour se prononcer sur un projet portant sur : / (...) / b) Les ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d'énergie (...) ". En vertu des dispositions de l'article R. 422-1 du code de l'urbanisme, le préfet est compétent pour délivrer une telle autorisation lorsque cette énergie n'est pas destinée, principalement, à une utilisation directe par le demandeur.

3. Il ressort des pièces du dossier que le local technique en litige, situé sur la berge de la rivière de la Bonne, doit abriter une armoire de commande électrique et son kit de secours, des appareils de mesure et un clavier de commande, ainsi qu'un compresseur et un ensemble de purgeurs permettant le fonctionnement du clapet de la prise d'eau, laquelle est reliée à la microcentrale par un conduit d'une longueur de plusieurs centaines de mètres. Cet ouvrage participe ainsi au système de production d'électricité, laquelle doit être revendue au habitants de la commune. Par suite, le préfet de l'Isère était compétent, en vertu des dispositions citées au point précédent, pour délivrer l'autorisation sollicitée.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-32 du code de l'urbanisme : " Lorsque l'édification des constructions est subordonnée, pour l'application des dispositions relatives à l'urbanisme, à l'institution sur des terrains voisins d'une servitude dite de cours communes, la demande est accompagnée des contrats ou décisions judiciaires relatifs à l'institution de ces servitudes. "

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier adressé le 26 janvier 2015 par la société pétitionnaire au préfet de l'Isère, que l'acte notarié du 6 janvier 2015 portant servitude de cour commune a été envoyé en cours d'instruction de la demande au préfet de l'Isère, lequel a d'ailleurs visé cet acte. Par suite, le moyen tiré de l'incomplétude du dossier doit être écarté.

6. En troisième lieu, d'une part qu'aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une construction constituée de plusieurs éléments formant, en raison des liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique, doit en principe faire l'objet d'un seul permis de construire.

7. D'autre part, le permis de construire a pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'il autorise avec la législation et la réglementation d'urbanisme. Il suit de là que, lorsque deux constructions sont distinctes, la seule circonstance que l'une ne pourrait fonctionner ou être exploitée sans l'autre, au regard de considérations d'ordre technique ou économique et non au regard des règles d'urbanisme, ne suffit pas à caractériser un ensemble immobilier unique.

8. Il ressort des pièces du dossier que la microcentrale électrique et le local technique, situé sur la berge le long de la prise d'eau, à plusieurs centaines de cette centrale, sont deux constructions distinctes et éloignées l'une de l'autre. Dans ces conditions, et alors même qu'elles présentent entre elles un lien fonctionnel, elles ne formaient pas un ensemble immobilier unique et n'avaient pas à faire l'objet d'une même demande d'autorisation d'urbanisme.

9. Enfin, aux termes de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme alors applicable : " III. - Sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants. (...) "

10. La réalisation d'un local technique de 8 m2 au bord de la prise d'eau de la rivière la Bonne n'est pas constitutive d'une urbanisation au sens des dispositions citées au point précédent. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le projet ne pouvait être autorisé du fait qu'il n'est pas en continuité avec le village de la Chalp.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Sur les frais d'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions des requérantes, parties perdantes, tendant à la mise à la charge de l'Etat d'une somme au titre des frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la fédération de pêche et de protection du milieu aquatique de l'Isère et de l'AAPMA du Valbonnais "La truite de la Bonne" la somme totale de 2 000 euros à verser à la société Valhydrau au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la fédération de pêche et de protection du milieu aquatique de l'Isère et de l'AAPMA du Valbonnais " La truite de la Bonne "est rejetée.

Article 2 : La fédération de pêche et de protection du milieu aquatique de l'Isère et l'AAPMA du Valbonnais "La truite de la Bonne" verseront à la société Valhydrau la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération de pêche et de protection du milieu aquatique de l'Isère, à l'AAPMA du Valbonnais "La truite de la Bonne", au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la société Valhydrau.

Copie au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme D... C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.

2

N° 20LY03631


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03631
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Régimes de déclaration préalable. Déclaration de travaux exemptés de permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : LE GULLUDEC

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-30;20ly03631 ?
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