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18/03/2021 | FRANCE | N°20LY01305

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 18 mars 2021, 20LY01305


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F... D... épouse H... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 3 février 2020 par lequel le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2000952 du 18 février 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a reje

té sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2020, Mm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F... D... épouse H... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 3 février 2020 par lequel le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2000952 du 18 février 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2020, Mme D... épouse H..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du préfet de l'Ain du 3 février 2020 et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois, ou à défaut, de réexaminer sa situation dans ce même délai et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour ;

3°) à titre subsidiaire, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Lyon ;

4°) dans tous les cas, de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.

Mme D... épouse H... soutient que :

- le jugement est irrégulier dans la mesure où le magistrat désigné du tribunal administratif était incompétent pour statuer seul sur ses conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour ; le magistrat désigné ne pouvait, en conséquence, sans entacher son jugement d'une insuffisance de motivation, écarter ses moyens dirigés contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination par référence aux motifs énoncés pour écarter ces mêmes moyens dirigés contre le refus de titre de séjour ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'une insuffisance de motivation en droit et en fait ainsi que d'un défaut d'examen particulier et effectif de sa situation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il méconnait le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît également l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît en outre l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation en droit ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction en vigueur à la date de cette décision ; le préfet s'est cru à tort lié par la circonstance qu'elle s'était soustraite à une précédente mesure d'éloignement pour lui refuser un délai de départ volontaire ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen effectif et particulier de sa situation personnelle ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen effectif et particulier de sa situation personnelle ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ;

- elle méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation ; la durée d'un an est manifestement disproportionnée ;

- la décision portant assignation à résidence est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français sans délai ;

- cette mesure présente un caractère disproportionné et porte atteinte à son droit de mener une vie privée et familiale normale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2021, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Le préfet fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Mme D... épouse H... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G..., première conseillère,

- et les observations de Me E..., représentant Mme D... épouse H... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... D... épouse H..., ressortissante kosovare née en 1981, déclare être entrée en France le 1er octobre 2015, accompagnée de ses enfants mineurs. Après le rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile, le 20 juin 2017, le préfet de l'Ain a pris à son encontre, le 2 novembre 2017, une décision de refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français. L'intéressée, dont l'époux l'avait rejointe en juin 2017, s'est maintenue sur le territoire et a sollicité, le 11 septembre 2019, son admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 février 2020, le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et l'a assignée à résidence. Mme D... épouse H... relève appel du jugement du 18 février 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, en vertu de l'article R. 776-1 du code de justice administrative, les décisions portant obligation de quitter le territoire français prévues au I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les décisions relatives au séjour notifiées avec les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont instruites et jugées selon les dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En vertu de ces dispositions, lorsque l'étranger fait, comme en l'espèce, l'objet d'une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 du même code, il peut demander au président du tribunal administratif, dans le même recours, l'annulation de cette décision ainsi que des décisions portant obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français, lorsque ces décisions ont été notifiées avec la décision d'assignation. Néanmoins, en vertu l'article R. 776-17 du code de justice administrative, si le requérant a formé des conclusions contre la décision relative au séjour notifiée avec une obligation de quitter le territoire français, le jugement de celles-ci relève d'une formation collégiale du tribunal administratif et son président ou le magistrat qu'il désigne ne peut, dès lors régulièrement y statuer seul.

3. Il en résulte que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ne pouvait, sans entacher son jugement d'une irrégularité, statuer sur la demande de Mme D... épouse H..., en tant qu'elle tendait à l'annulation de la décision contenue dans l'arrêté du 3 février 2020 par laquelle le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Le jugement attaqué doit, par suite, être annulé en tant qu'il statue sur la légalité de ce refus d'admission au séjour.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

5. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué, en particulier ses points 8 et 17, que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a expressément répondu aux moyens invoqués par la requérante tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi qu'au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, dirigés contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. La circonstance qu'il les ait examinés par renvoi aux réponses apportées à ces mêmes moyens dirigés contre le refus de titre de séjour, n'est pas de nature à entacher le jugement d'une irrégularité.

6. Par suite, il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur les conclusions dirigées contre la décision de refus de délivrance du titre de séjour par voie d'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur la légalité du refus de délivrance du titre de séjour :

7. En premier lieu, la décision de refus d'admission au séjour, qui mentionne les textes sur lesquels elle se fonde et, en particulier, le 7° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait état des conditions d'entrée et de séjour en France de Mme D... épouse H... et indique qu'il n'est pas démontré que ses enfants mineurs seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité au Kosovo et que l'intéressée ne fait état d'aucune circonstance particulière qui ferait obstacle à la reconstitution de la cellule familiale dans son pays d'origine. Par suite, la décision portant de refus de séjour, qui n'avait pas à viser l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, laquelle ne constitue pas la base légale de la décision contestée, est suffisamment motivée en droit comme en fait.

8. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de cette décision que le préfet de l'Ain n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme D... au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier s'agissant de ses liens familiaux dans son pays d'origine ainsi qu'au regard de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

10. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, que Mme D... épouse H... est entrée en France à la date déclarée du 8 octobre 2015 accompagnée de ses trois enfants mineurs, nés en 2001, 2008 et 2013, et que son époux les a rejoints en juin 2017. Sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 20 juin 2017 et elle a fait l'objet, le 2 novembre 2017, d'une obligation de quitter le territoire français qu'elle n'a pas mise à exécution. L'intéressée se prévaut, outre de ce qu'elle apprend le français, de la scolarité de ses enfants et de promesses d'embauche faites à son époux et son fils aîné, majeur à la date de la décision attaquée. Toutefois, elle ne justifie pas de leur présence régulière en France. Par ailleurs, Mme D... épouse H..., qui a vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans dans son pays d'origine, n'établit pas qu'elle n'y disposerait plus d'aucune attache personnelle, ni que sa cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer au Kosovo, pays dont ils ont tous la nationalité et où il n'est pas établi que les enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité. Dès lors, eu égard aux conditions d'entrée et de séjour de Mme D... épouse H..., cette décision n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet de l'Ain n'a ainsi, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, pas méconnu les dispositions du 7° de l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

12. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10 du présent arrêt, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant l'admission exceptionnelle au séjour de Mme D... épouse H... sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au titre de la vie privée et familiale.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. ".

14. Si l'arrêté contesté se borne à viser le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans préciser sur lequel des différents cas énumérés par ces dispositions le préfet a entendu fonder l'obligation de quitter le territoire français, les énonciations de fait mentionnées dans l'arrêté, qui comporte une décision de refus de titre de séjour, permettent de connaître les considérations de droit ayant constitué le fondement de cette mesure d'éloignement, le préfet ayant nécessairement entendu se fonder sur le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme D... épouse H... n'est donc pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation en droit.

15. En deuxième lieu, il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé que Mme D... épouse H... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

16. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10 du présent arrêt, la décision obligeant Mme D... épouse H... à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle. Elle ne méconnaît pas davantage l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la légalité de la décision de refus de délai de départ volontaire :

17. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme D... épouse H... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

18. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

19. Pour refuser à Mme D... épouse H... un délai de départ volontaire, le préfet de l'Ain s'est fondé sur la circonstance qu'elle s'est soustraite à une précédente mesure d'éloignement. Il est constant que l'intéressée a fait l'objet, le 2 novembre 2017, d'une obligation de quitter le territoire français à laquelle elle n'a pas déféré. Dans ces conditions, elle entrait dans le champ d'application du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Ain n'aurait pas fait usage de son pouvoir d'appréciation pour refuser à Mme D... épouse H... un délai de départ volontaire.

20. En dernier lieu, si Mme D... soutient qu'elle a répondu à la convocation des services de gendarmerie, que la préfecture connaît son adresse et que ses enfants sont scolarisés, il résulte de ce qui a déjà été dit et alors qu'elle s'est soustraite à une précédente mesure d'éloignement, que cette décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

21. En premier lieu, la décision par laquelle le préfet de l'Ain a désigné le pays à destination duquel Mme D... épouse H... peut être éloignée d'office est régulièrement motivée en droit par le visa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoit que : " pour satisfaire à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français, l'étranger rejoint le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. ". Cette décision, qui précise la nationalité de l'intéressée et fait état de ce qu'elle n'établit pas être personnellement et réellement menacée en cas de retour dans son pays d'origine, est également suffisamment motivée en fait.

22. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme D... épouse H... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

23. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10 du présent arrêt.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :

24. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

25. La décision contestée, qui mentionne la date d'entrée en France de Mme D... épouse H..., la situation irrégulière de son époux et de son fils majeur, la circonstance que les deux enfants mineurs ont vocation à suivre leurs parents au Kosovo ainsi que sa soustraction à une précédente mesure d'éloignement est suffisamment motivée en fait. Il ne ressort pas des pièces du dossier ni des énonciation ci-dessus rappelées de la décision litigieuse, que le préfet de l'Ain n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée avant de lui opposer une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

26. En deuxième lieu, Mme D... épouse H..., qui n'établit pas la réalité ni l'intensité de ses liens avec la France, n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Ain a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Compte tenu de ce qui a déjà été dit ci-dessus, la durée de l'interdiction, limitée à un an, n'est ni disproportionnée ni entachée d'une erreur d'appréciation.

27. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme D... épouse H... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Sur la légalité de l'assignation à résidence :

28. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants :/ 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai (...) ". Aux termes de l'article L. 561-2 de ce code : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ".

29. En visant l'article L. 561-2 précitée et alors que la décision d'assignation à résidence a été prise concomitamment à une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, le préfet de l'Ain a suffisamment motivé en droit son arrêté et ce même s'il ne fait pas expressément référence au 5° de cet article. La décision précise par ailleurs que l'intéressée, en possession d'un passeport délivré par les autorités kosovares en cours de validité, présente des garanties propres à prévenir le risque qu'elle se soustraie à la mesure d'éloignement dans l'attente de son exécution d'office. Elle est donc également suffisamment motivée en fait. Il ne ressort en outre ni des pièces du dossier ni des termes de cette décision que le préfet de l'Ain n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée avant de l'assigner à résidence.

30. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme D... épouse H... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français sans délai à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence.

31. En dernier lieu, Mme D... épouse H... n'établit pas le caractère disproportionné de la décision de l'astreindre à se rendre deux fois par semaine à la gendarmerie de Culoz, ni que cette décision porterait atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

32. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... épouse H... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 3 février 2020 du préfet de l'Ain en tant qu'il lui refuse un titre de séjour. Elle n'est pas non plus fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre le même arrêté en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai, fixe le pays de destination, porte interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'assigne à résidence. Par suite, sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions présentées à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2000952 du 18 février 2020 du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de Mme D... épouse H... tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Ain lui refusant la délivrance d'un titre de séjour contenue dans l'arrêté du 3 février 2020.

Article 2 : La demande présentée par Mme D... épouse H... devant le tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Ain lui refusant la délivrance d'un titre de séjour contenue dans l'arrêté du 3 février 2020 et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D... épouse H... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 11 février 2021 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme B..., présidente-assesseure,

Mme G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 18 mars 2021.

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N° 20LY01305


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01305
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-18;20ly01305 ?
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