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18/03/2021 | FRANCE | N°19LY00699

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 18 mars 2021, 19LY00699


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Grenoble à lui verser la somme de 24 393 euros outre intérêts de droit à compter du 12 mai 2016, capitalisés, en indemnisation des préjudices qu'elle soutient avoir subis en raison de l'absence de cotisation de l'établissement public, pris en sa qualité d'employeur, à la tranche T2 du régime de retraite complémentaire de l'ARRCO.

Par jugement n° 1604945 lu le 20 décembre 20

18, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête e...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Grenoble à lui verser la somme de 24 393 euros outre intérêts de droit à compter du 12 mai 2016, capitalisés, en indemnisation des préjudices qu'elle soutient avoir subis en raison de l'absence de cotisation de l'établissement public, pris en sa qualité d'employeur, à la tranche T2 du régime de retraite complémentaire de l'ARRCO.

Par jugement n° 1604945 lu le 20 décembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 février 2019 et le 12 novembre 2019 (non communiqué), Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de condamner la CCI de Grenoble à lui verser la somme de 35 165 euros, dont 25 165 euros ou bien 24 393 euros assortis des intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2016, capitalisés au 12 septembre 2017 puis à chaque échéance annuelle, en indemnisation de la minoration de sa pension de retraite, résultant du défaut de versement des parts patronales et salariales des cotisations de retraite complémentaire de la tranche T2 auprès de l'AGIRC-ARRCO ;

2°) de mettre à la charge de la CCI de Grenoble une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- sa requête, qui contient une critique du jugement attaqué, est recevable ;

- en s'estimant exemptée de cotiser à la tranche T2, alors qu'il s'agit d'une obligation découlant de l'article 52 du statut général et en différant illégalement la titularisation des contractuels occupant un emploi permanent, ce qui aurait eu pour effet de leur ouvrir droit à ce régime de retraite complémentaire, la CCI de Grenoble a commis des fautes intentionnelles et discriminatoires de nature à justifier une indemnisation ;

- ne saurait lui être opposée la prescription quadriennale, le décompte des délais ne devant être effectué, non pas à la liquidation de sa pension de retraite, mais à la date où le dommage apparaît dans toute son étendue, c'est-à-dire à la connaissance de l'existence de la créance, en juin 2015 ;

- la créance doit être liquidée depuis le 1er janvier 1994, année au cours de laquelle elle a été employée sur un emploi permanent, en vertu des articles 1er et 2 du statut ou a minima à compter du 1er janvier 1998, échéance d'élaboration des règlements de rémunération des personnels hors statut, en application de l'article 50 ter de l'arrêté du 25 juillet 1997 ;

- ce préjudice financier, caractérisé par la perte d'une fraction de pension actuellement servie, présente un caractère certain ;

- il est calculé d'après le nombre de points perdus soit 774, multipliés par la valeur du point à la date de départ à la retraite, soit 1,1799 euros ; la minoration de la pension de retraite ainsi obtenue est multipliée par 27,5 correspondant au nombre d'années d'espérance de vie à soixante ans, âge de son départ à la retraite à taux plein, soit 25 165 euros, ou 24 393 euros selon le calcul alors en vigueur dans la demande présentée en 2016 à la CCI ;

- le mauvais vouloir du défendeur lui a causé un préjudice moral de 10 000 euros.

Par mémoire enregistré le 8 août 2019, la CCI de Grenoble, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce que sa condamnation soit limitée à la somme de 15 816 euros, et demande à la cour de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête, dépourvue de critique du jugement, n'est pas motivée ;

- le caractère délibéré de la faute est sans incidence sur l'engagement de la responsabilité ;

- la créance litigieuse, née antérieurement au 1er janvier 2011, est prescrite en application des articles 1er et 3 de la loi du 31 décembre 1968, l'appelante ne pouvant être regardée comme l'ayant ignorée légitimement en raison de la publication du statut général dont l'article 52 met à la charge des CCI le paiement des cotisations de retraite complémentaire ;

- subsidiairement, le préjudice financier doit être calculé selon une date d'affiliation correspondant à la date de titularisation ;

- la part salariale doit être déduite ;

- le préjudice moral n'est établi ni dans son principe ni dans son montant.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du commerce ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010, notamment le III de l'article 40 ;

- le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie ;

- le règlement intérieur de l'assemblée des chambres françaises de commerce et de l'industrie, des chambres de commerce et de l'industrie de région, des chambres de commerce et de l'industrie territoriales et des groupements inter-consulaires, approuvé le 5 mars 1997 et modifié, en dernier lieu, par délibération de la commission paritaire nationale adoptée le 5 mars 1997, approuvé par arrêté du 25 juillet 1997 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

- le règlement de prévoyance sociale et de retraite du personnel administratif des chambres de commerce homologué par arrêté ministériel du 25 mai 1956, modifié, en dernier lieu, le 17 décembre 2001 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Arbarétaz, président ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me B... pour Mme A..., ainsi que celles de Me C... pour la CCI de Grenoble ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., recrutée sous contrat à durée indéterminée le 1er janvier 1994 et titularisée le 1er janvier 1999 par la CCI de Grenoble pour exercer des fonctions de chef de projet à temps plein, a fait valoir ses droits à la retraite à taux plein, le 30 juin 2009. Alertée par la voie syndicale de ce que son employeur ne s'était pas acquitté de la part patronale (2/3 de la cotisation) et n'avait pas non plus collecté la part salariale (1/3 de la cotisation) afférente à la tranche T2 (ou tranche B) du régime de retraite complémentaire à laquelle étaient affiliés les personnels d'encadrement statutaires des chambres de commerce, Mme A... a présenté, en mai 2016, une demande d'indemnisation de la perte de retraite complémentaire qu'elle subissait. Le 7 juillet 2016, le président lui a indiqué que l'établissement avait rétroactivement acquitté auprès de l'ARRCO, gestionnaire du régime, les cotisations afférentes à la période du 1er janvier 2011 au 31 août 2015 en prenant à sa charge la part salariale et a opposé la prescription quadriennale à la créance née antérieurement à 2011, ce qui équivalait à un rejet total de la demande de l'intéressée dont les droits à pension ont été liquidés dans la période regardée comme prescrite. Mme A... relève appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'indemnisation de la perte de ses droits à pension sur la période du 1er janvier 1994 au 1er juin 2009, ainsi que de son préjudice moral.

Sur l'appel de Mme A... :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la CCI de Grenoble :

En ce qui concerne la faute de la CCI de Grenoble :

2. La CCI de Grenoble ne conteste pas avoir méconnu les dispositions de l'article 52 du statut général susvisé et du règlement de prévoyance sociale susvisés qui lui faisaient obligation de collecter les cotisations de la tranche T2 liquidée sur la part de traitement excédant le plafond du régime général, pour les reverser à l'ARRCO (devenue l'AGIRC-ARRCO) afin d'assurer la retraite complémentaire des personnels statutaires d'encadrement, catégorie dont relève Mme A.... Elle doit donc répondre des conséquences dommageables de cette faute.

3. Toutefois et d'une part, en admettant que Mme A... ait eu vocation, à raison de la permanence de ses fonctions, à être titularisée dès le 1er janvier 1994, elle ne l'a été qu'au 1er janvier 1999 si bien qu'au regard des articles 2 et 52 du statut, la CCI n'a pu commettre de faute en ne l'affiliant pas à un régime dont elle ne relevait pas antérieurement à cette date. Il suit de là que la CCI ne doit répondre des conséquences de la faute analysée au point 2 qu'à compter du 1er janvier 1999, faute de mise au stage préalable, et que la demande de Mme A... tendant à l'indemnisation de l'absence de constitution de droits à retraite complémentaire pour la période du 1er juin 1996 au 31 décembre 1998, qu'elle chiffre à 6 814 euros, doit d'ores et déjà être rejetée.

4. D'autre part, l'engagement de la responsabilité pour faute - qui vise à indemniser la victime du dommage, non à en sanctionner l'auteur - est conditionné par le caractère réel, direct et certain des chefs de préjudice découlant de cette faute, sans égard à l'intention de l'employeur public. Le mauvais vouloir que Mme A... impute à la CCI de Grenoble est, dès lors, sans incidence sur le montant de la condamnation susceptible d'être prononcée au titre de la période demeurant en litige.

En ce qui concerne le préjudice financier ayant résulté du défaut de cotisations sur la période du 1er juin 1996 au 31 décembre 1998 :

5. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : " Sont prescrites, au profit de l'État (...), et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ", et aux termes de l'article 3 de cette loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir (...) ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance (...) ".

6. Au sens de l'article 1er précité de la loi du 31 décembre 1968, le droit de créance dont se prévaut Mme A... est née en 2009, année au cours de laquelle sa pension ayant été liquidée, le préjudice a pu être connu dans toute son étendue. En outre, la publication des textes règlementaires susvisés lui permettait d'obtenir en temps utile de son employeur l'indemnisation de la minoration de sa pension et il lui appartenait d'en prendre l'initiative, si elle s'y croyait fondée, au plus tard, le 31 décembre 2013. Il suit de là que, quelle que soit la complexité de ce régime, Mme A... ne saurait utilement prétendre avoir légitimement ignoré l'existence de sa créance, au sens de l'article 3 précité de la loi du 31 décembre 1968. Par ce motif, la CCI de Grenoble est fondée à soutenir que la créance que Mme A... détient sur elle, correspondant à la privation d'une part de sa pension complémentaire du fait de l'absence d'affiliation au régime de retraite, était entièrement prescrite en 2016, année au cours de laquelle l'intéressée lui en a demandé le paiement.

S'agissant du préjudice moral :

7. Les démarches accomplies auprès de l'employeur pour qu'il répare les conséquences de ses erreurs de gestion sont constitutives de désagréments, non de lésions à la santé, à la dignité ou à l'honneur. Il suit de là que Mme A... n'établit pas la réalité du préjudice moral qu'elle allègue avoir subi et qu'elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande d'indemnisation qu'elle chiffre à 10 000 euros.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande de condamnation de la CCI de Grenoble et que les conclusions de sa requête, présentées aux mêmes fins, doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les conclusions présentées par Mme A..., partie perdante, doivent être rejetées, tandis qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la CCI de Grenoble.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la CCI de Grenoble au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et à la chambre de commerce et d'industrie de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 25 février 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021.

N° 19LY00699 2


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