Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon :
- d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande préalable du 1er février 2018 tendant à la révision de sa situation administrative au regard du bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté ;
- d'enjoindre à cette autorité de lui attribuer le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté, avec octroi des mois de réduction d'échelon qui en découlent, et de lui verser par voie de conséquence les sommes correspondant à la reconstitution de sa carrière.
Par jugement n° 1804161 du 19 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a :
- annulé la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande préalable de Mme C... du 1er février 2018 en tant que cette décision concerne la période du 1er octobre 2005 au 2 janvier 2011 ;
- enjoint au ministre de l'intérieur de prendre un arrêté reconstituant la carrière de Mme C... en lui attribuant le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de son affectation à la circonscription de sécurité publique de Lyon durant la période du 1er octobre 2005 au 2 janvier 2011 et de procéder au versement des sommes, correspondant à cette reconstitution, relatives à la période à compter du 1er janvier 2014 ;
- rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme C....
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 20 février 2019, présentée pour Mme C..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1804161 du 19 décembre 2018 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande préalable du 1er février 2018 en tant que cette décision concerne la période postérieure au 2 janvier 2011 et, d'autre part, au versement des sommes correspondant à sa reconstitution de carrière pour la période antérieure au 1er janvier 2014 ;
2°) de faire droit aux conclusions de sa demande pour la période antérieure au 1er janvier 2014, en enjoignant au ministre de l'intérieur de prendre un arrêté reconstituant sa carrière en lui attribuant le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de ses affectations dans la circonscription de sécurité publique de Lyon puis à la direction départementale de la sécurité publique du Rhône à compter du 1er octobre 2005 et de procéder au versement des rappels de traitement résultant de cette reconstitution, dans un délai de trois mois ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle peut prétendre au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté en raison de ses affectations successives dans des quartiers urbains dans lesquels se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles ;
- c'est à tort que les premiers juges ont jugé qu'elle n'avait pas droit à l'avantage spécifique d'ancienneté à compter du 3 janvier 2011, date d'affectation à la direction départementale de la sécurité publique du Rhône, dès lors qu'en excluant par principe du dispositif de l'avantage spécifique d'ancienneté les fonctionnaires de police qui ne sont pas administrativement affectés à une circonscription de sécurité publique, alors que ceux-ci, indépendamment de leur service de rattachement, peuvent être amenés à exercer leurs fonctions dans une telle circonscription, comme cela est son cas depuis le 3 janvier 2011, et alors que la direction départementale de la sécurité publique du Rhône ne comporte que des circonscriptions de sécurité publique éligibles au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté, l'arrêté du 3 décembre 2015 et la directive du 9 mars 2016 ont méconnu le principe d'égalité ;
- la prescription quadriennale ne peut lui être opposée dès lors que la créance en litige ne constitue pas une créance de rémunération et qu'elle était dans l'ignorance légitime de l'existence de sa créance avant la publication de l'arrêté interministériel du 3 décembre 2015 et de la directive du 9 mars 2016 qui a reconnu l'existence de ses droits, ne pouvant avant cette date savoir que la circonscription de sécurité publique de Lyon serait inscrite au titre des circonscriptions ouvrant droit au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté.
Par un mémoire enregistré le 28 février 2019, présenté pour le syndicat Alliance - Police nationale, représenté par son secrétaire général, il déclare intervenir au soutien des conclusions de la requête de Mme C... et demande à la cour de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il s'associe aux moyens soulevés par Mme C... dans sa requête.
Par ordonnance du 30 septembre 2019 la clôture de l'instruction a été fixée au 29 novembre 2019.
Par un mémoire enregistré le 21 novembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 ;
- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;
- l'arrêté du 17 janvier 2001 fixant la liste des secteurs prévue au 1° de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 ;
- l'arrêté du 3 décembre 2015 fixant la liste des secteurs prévue au 1° de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;
- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., fonctionnaire de police affectée à la circonscription de sécurité publique (CSP) de Lyon, à compter du 1er octobre 2005, puis à la direction départementale de la sécurité publique du Rhône, en fonction à la Sûreté départementale, à compter du 3 janvier 2011, a, par une réclamation du 1er février 2018, demandé à sa hiérarchie le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA) prévu par l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 susvisée, au titre de ces affectations. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration sur cette demande à l'expiration d'un délai de deux mois. Par un jugement du 19 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision en tant qu'elle concerne la période du 1er octobre 2005 au 2 janvier 2011 et a enjoint au ministre de l'intérieur de prendre un arrêté reconstituant la carrière de Mme C... en lui attribuant le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de son affectation à la circonscription de sécurité publique de Lyon durant la période du 1er octobre 2005 au 2 janvier 2011 et de procéder au versement des sommes correspondant à cette reconstitution relatives à la période à compter du 1er janvier 2014. Mme C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté, d'une part, les conclusions de sa demande dirigées contre la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande préalable du 1er février 2018 en tant que cette décision concerne la période postérieure au 2 janvier 2011 et, d'autre part, celles tendant au versement des sommes correspondant à sa reconstitution de carrière pour la période antérieure au 1er janvier 2014.
Sur l'intervention du syndicat Alliance - Police nationale :
2. Le syndicat Alliance - Police nationale, dont le but, selon ses statuts, est la défense des intérêts des professionnels exerçant une activité liée à la sécurité de l'État, a intérêt à intervenir au soutien des conclusions de Mme C... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 décembre 2018. Dès lors son intervention est admise.
Sur les conclusions de la requête de Mme C... :
En ce qui concerne la légalité de la décision du ministre de l'intérieur :
3. Aux termes de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, modifié par l'article 17 de la loi du 25 juillet 1994 : " Les fonctionnaires de l'État (...) affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'État dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret ". Selon l'article 1er du décret du 21 mars 1995 pris pour l'application de ces dispositions législatives, les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles doivent correspondre " en ce qui concerne les fonctionnaires de police, à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité, du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget ". La liste des circonscriptions de police ouvrant droit à l'avantage spécifique d'ancienneté a d'abord été fixée, sur le fondement de ces dispositions, par un arrêté du 17 janvier 2001. Le Conseil d'État, statuant au contentieux ayant, par voie d'exception, constaté l'illégalité de cet arrêté par sa décision n° 327428 du 16 mars 2011, les ministres compétents ont pris, le 3 décembre 2015, un nouvel arrêté, publié au Journal officiel de la République française le 16 décembre suivant. Une directive du 9 mars 2016, relative au traitement de l'avantage spécifique d'ancienneté, a également été publiée le 15 avril 2016 au bulletin officiel du ministère de l'intérieur, afin de prendre en compte la situation des fonctionnaires de police au titre de la période antérieure à celle ouverte par cet arrêté.
4. En premier lieu, il résulte des dispositions citées au point 2 de la loi du 26 juillet 1991 et du décret du 21 mars 1995 que le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté n'est ouvert qu'aux fonctionnaires de police affectés administrativement à une circonscription de police ou une subdivision d'une telle circonscription correspondant à un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. Ces dispositions font, par suite, obstacle à l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté à un agent affecté administrativement non à une circonscription de sécurité publique ou à une circonscription de sécurité de proximité, mais dans un service dépendant directement de la direction départementale de la sécurité publique, quel que soit le lieu où l'intéressé exerce ses fonctions.
5. Il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit au point 1 Mme C... est affectée, depuis le 3 janvier 2011, au sein de la Sûreté départementale, rattachée directement à la direction départementale de la sécurité publique du Rhône. Dès lors, n'ayant plus été affectée administrativement, à compter de cette date, à une circonscription de police ou une subdivision d'une telle circonscription où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, Mme C... ne pouvait plus prétendre à l'avantage spécifique d'ancienneté, alors même que toutes les circonscriptions de sécurité publique du département du Rhône figuraient sur la liste, arrêtée par les ministres compétents, des circonscriptions de police ouvrant droit à l'avantage spécifique d'ancienneté comme sur la liste annexée à la directive du 9 mars 2016. Par suite, en refusant, par la décision implicite en litige, de lui attribuer cet avantage à compter du 3 janvier 2011, le ministre de l'intérieur n'a pas méconnu les dispositions précitées de la loi du 26 juillet 1991.
6. En second lieu, la requérante fait valoir que la différence de traitement entre les fonctionnaires de police affectés au sein d'une des circonscriptions de sécurité publique figurant sur la liste de celles ouvrant droit à l'avantage spécifique d'ancienneté et ceux affectés dans d'autres services ne correspond à aucune différence de situation par rapport à sa propre situation, eu égard aux modalités concrètes d'exercice de ses missions de police et aux difficultés comparables rencontrées lorsqu'elle est amenée à exercer ses fonctions dans des lieux où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 que le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté est ouvert aux fonctionnaires de l'État et aux militaires de la gendarmerie nationale qui sont affectés pendant une certaine durée, définie par décret, pour exercer leurs fonctions dans des quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. En instituant cet avantage, le législateur a entendu inciter les agents concernés à exercer leurs fonctions dans de tels quartiers pendant une plus longue durée. Les agents qui sont affectés dans les quartiers en cause et ceux qui, sans y être affectés, peuvent être amenés à y accomplir une partie de leur service ne se trouvant pas dans la même situation au regard de l'objet de la disposition en cause, les dispositions de l'arrêté interministériel du 3 décembre 2015 et celles de la directive du 9 mars 2016 du ministère de l'intérieur n'ont pas méconnu le principe d'égalité entre agents publics. Par suite, Mme C... ne peut exciper de l'illégalité de ces dispositions au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision en litige, par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de l'admettre au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté à compter de son affectation à la direction départementale de la sécurité publique du Rhône, le 3 janvier 2011.
En ce qui concerne la prescription quadriennale :
7. Aux termes de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'État, (...) sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir (...) ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance (...) ".
8. En premier lieu, lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit le fait générateur de la créance se trouve ainsi dans les services accomplis par l'intéressé et la prescription est acquise au début de la quatrième année suivant chacune de celles au titre desquelles ses services auraient dû être rémunérés. En l'espèce, le fait générateur de la créance dont se prévaut Mme C... est constitué par le service qu'elle a effectué dans la circonscription de sécurité publique de Lyon. Les droits sur lesquels cette créance est fondée ont été acquis à compter de l'année 2005.
9. En deuxième lieu, il appartenait à Mme C..., si elle s'y croyait fondée, de solliciter le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de services accomplis antérieurement à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 décembre 2015, en se prévalant de son affectation à une circonscription de police, ou une subdivision d'une telle circonscription, où se posaient des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, au sens et pour l'application des dispositions de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 modifiée, ainsi au demeurant que s'en était prévalu le fonctionnaire de police auteur du pourvoi examiné par le Conseil d'État, statuant au contentieux par sa décision n° 327428 du 16 mars 2011, pour solliciter le bénéfice de cet avantage à raison de son affectation dans une circonscription de police pour la période allant du 1er janvier 1995 au 31 août 1998. Dès lors, en dépit des fautes qui auraient été commises par l'administration dans la détermination des affectations ouvrant droit au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté et de la complexité de ce régime, Mme C... ne saurait utilement prétendre avoir ignoré l'existence de sa créance jusqu'à la date d'entrée en vigueur de l'arrêté interministériel du 3 décembre 2015 ou à la date de publication de la directive du ministère de l'intérieur du 9 mars 2016 publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur le 15 avril 2016, comportant, en son annexe 2, la liste des circonscriptions de police éligibles au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de la période comprise entre le 1er janvier 1995 et le 16 décembre 2015. Dans ces conditions, à la date de présentation de la réclamation de Mme C... devant l'administration, par une lettre du 1er février 2018, les créances relatives à l'avantage spécifique d'ancienneté antérieures au 1er janvier 2014 étaient prescrites.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de ses conclusions. Ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées. Doivent être également rejetées les conclusions du syndicat Alliance - Police nationale, qui n'a pas la qualité de partie au présent litige, aux mêmes fins.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention du syndicat Alliance - Police nationale est admise.
Article 2 : La requête de Mme C... et les conclusions du syndicat Alliance - Police nationale tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au syndicat Alliance - Police nationale et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 25 février 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président-assesseur ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021.
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N° 19LY00694