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16/03/2021 | FRANCE | N°19LY01513

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 16 mars 2021, 19LY01513


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. L... N..., Mme D... B..., Mme I... H... et M. C... F... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2016 par lequel le maire de Megève a sursis à statuer sur leur déclaration préalable de travaux, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1606798 du 21 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 15 juillet 2016 et la décision implicite rejetant le recours gracieux de M. N... et autres.<

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Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. L... N..., Mme D... B..., Mme I... H... et M. C... F... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2016 par lequel le maire de Megève a sursis à statuer sur leur déclaration préalable de travaux, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1606798 du 21 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 15 juillet 2016 et la décision implicite rejetant le recours gracieux de M. N... et autres.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 19 avril et le 6 novembre 2019, la commune de Megève, représentée par la société d'avocats ADP Droit Public Immobilier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 février 2019 et de rejeter la demande de M. N... et autres ;

2°) de mettre solidairement à la charge de M. N... et autres la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, le tribunal aurait dû prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par les pétitionnaires contre la décision de sursis à statuer du 15 juillet 2016 ; en effet, à la date du jugement, le 21 février 2019, la demande des pétitionnaires était devenue caduque, faute pour ces derniers d'avoir confirmé leur demande dans le délai de deux mois suivant l'échéance du sursis, soit le 15 septembre 2018, et ce conformément à l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme, le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune ayant été définitivement adopté le 21 mars 2017 ;

- à titre subsidiaire, c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'à la date de la décision en litige, le projet de PLU, s'agissant notamment du classement des terrains d'assiette du projet, n'était pas suffisamment avancé pour déterminer un classement en future zone inconstructible ;

- enfin, le motif tiré de ce que le projet compromettrait l'exécution du futur PLU est fondé ; le projet porte sur la division d'un terrain de 7 010 m² en trois lots en vue de construire alors que ces terrains ont vocation à être classés en zone naturelle inconstructible et sont situés hors des espaces urbanisés de la commune alors que l'un des objectifs du projet d'aménagement et de développement durables est de " contenir la consommation de l'espace au-delà de l'enveloppe urbaine à moins de 50% de celle de la décennie antérieure ".

Par deux mémoires en défense enregistrés le 10 septembre 2019 et le 30 novembre 2020, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. N... et autres, représentés par la société Vedesi Avocats, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Megève au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir qu'aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé.

La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 1er décembre 2020 par une ordonnance du 16 novembre 2020 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme K... J..., première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me G... pour la commune de Megève et celles de Me M... pour M. N... et autres ;

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour M. N... et autres, enregistrée le 22 février 2021 ;

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Megève relève appel du jugement du 21 février 2019, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 15 juillet 2016 par lequel son maire a sursis à statuer sur la déclaration préalable de travaux de M. N... et autres portant détachement en trois lots des parcelles cadastrées section n° 157, 172, 174, 158 et 151 d'une surface de 7 010 m² en vue de construire ainsi que la décision rejetant implicitement leur recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme dans sa version alors en vigueur : " (...) A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. ". Aux termes de l'article L. 424-1 du même code : " (...) Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles L. 153-11 (...). / Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. (...) A l'expiration du délai de validité du sursis à statuer, une décision doit, sur simple confirmation par l'intéressé de sa demande, être prise par l'autorité compétente chargée de la délivrance de l'autorisation, dans le délai de deux mois suivant cette confirmation. Cette confirmation peut intervenir au plus tard deux mois après l'expiration du délai de validité du sursis à statuer. Une décision définitive doit alors être prise par l'autorité compétente pour la délivrance de l'autorisation, dans un délai de deux mois suivant cette confirmation. A défaut de notification de la décision dans ce dernier délai, l'autorisation est considérée comme accordée dans les termes où elle avait été demandée. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de la décision qui a sursis à statuer sur une demande de déclaration préalable de travaux, impose à l'administration, qui demeure saisie de la demande, de procéder à une nouvelle instruction de celle-ci, sans que le pétitionnaire ne soit tenu de la confirmer. En revanche, un nouveau délai de nature à faire naître une autorisation tacite ne commence à courir qu'à dater du jour de la confirmation de sa demande par l'intéressé.

5. La commune de Megève soutient qu'à la date du jugement, le 21 février 2019, les conclusions de M. N... et autres à fin d'annulation du sursis à statuer attaqué étaient devenues sans objet, faute pour les pétitionnaires d'avoir confirmé leur déclaration préalable de travaux dans le délai de deux mois suivant l'échéance du sursis de deux ans, soit le 15 septembre 2018, et ce conformément à l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme, alors que le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune avait été définitivement adopté le 21 mars 2017.

6. Toutefois, s'il est constant que M. N... et autres n'ont pas confirmé leur déclaration préalable de travaux auprès de la mairie de Megève, cette circonstance a pour seule conséquence, à la suite de l'annulation par le jugement attaqué du sursis à statuer opposé à leur déclaration préalable de travaux, de faire obstacle à la naissance d'une décision implicite favorable à leur égard et ne dessaisit pas la commune de leur demande, ni ne rend caduque cette déclaration préalable. Dans ces conditions, la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est prononcé au fond sur les conclusions à fin d'annulation dont il était saisi par M. N... et autres sans opposer un non-lieu à statuer à cette demande.

Sur la légalité de l'arrêté du 15 juillet 2016 :

7. Pour surseoir à statuer, par son arrêté en date du 15 juillet 2016, sur la demande de déclaration préalable de travaux présentée par M. N... et autres en vue de la division d'un terrain de 7 010 m² pour la construction de trois maisons d'habitation, le maire de Megève s'est fondé sur la circonstance que le terrain d'assiette du projet est situé en dehors de l'enveloppe urbaine en raison de son positionnement en marge de l'urbanisation actuelle, qu'un classement en zone naturelle est proposé au plan local d'urbanisme en préparation et que le projet favorisant la consommation d'espaces naturels à préserver est de nature à compromettre l'exécution du futur PLU.

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision de sursis, intervenue postérieurement au débat sur les orientations du PADD lequel s'était tenu le 22 mars 2016, plusieurs réunions de présentation du futur projet de PLU avaient été organisées avec les habitants de Megève dont celle du 26 avril 2016 où ont été présentées les orientations visant à fermer à l'urbanisation des secteurs affectés auparavant à des lotissements et qui n'étaient pas encore urbanisés, comme cela est le cas des parcelles d'assiette des requérants, et celle du 5 juillet 2016 au cours de laquelle le zonage du projet de PLU a été présenté aux habitants, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par les intimés. Dans ces conditions l'état d'avancement du plan d'occupation des sols de la commune de Megève était suffisant pour justifier légalement une décision de sursis, nonobstant la circonstance que le conseil municipal n'avait pas encore arrêté le projet de PLU. En outre, la circonstance que le motif de sursis soit le classement en zone naturelle alors que le terrain d'assiette a fait l'objet dans le projet de PLU arrêté le 5 août suivant d'un classement en zone agricole est sans incidence sur l'appréciation portée sur l'état d'avancement du projet de PLU, le classement dans l'une ou l'autre de ces deux zones traduisant l'intention des auteurs du PLU de fermer à l'urbanisation la parcelle d'assiette du projet. Par suite c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur la circonstance qu'aucun document versé à l'instance ne permettait de déterminer un futur classement du terrain en zone inconstructible à la date du sursis en litige pour annuler l'arrêté du 15 juillet 2016.

9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet envisagé par M. N... et autres consiste à diviser un terrain de 7 010 m² lequel, par sa situation en entrée de ville, participe à une coupure de l'urbanisation, en vue d'y construire trois maisons individuelles de type chalets. Ce projet qui engendre une consommation d'espaces fonciers au détriment de zones naturelles ou agricoles et qui va à l'encontre des objectifs que se sont fixés les auteurs du PLU de permettre la consommation foncière uniquement pour la réalisation de projets d'intérêt général ou collectifs dont la collectivité conserverait la maîtrise, est de nature à compromettre l'exécution du futur PLU.

10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Megève est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 15 juillet 2016 et par suite, à en demander l'annulation ainsi que le rejet de la demande des consorts N....

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demandent M. N... et autres au titre des frais qu'ils ont exposés soit mise à la charge de la commune de Megève, qui n'est pas partie perdante en appel. Il y a en revanche lieu de faire application de ces mêmes dispositions à l'encontre des intimés et de mettre solidairement à leur charge la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Megève.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 février 2019 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. N... et autres et tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 juillet 2016 sont rejetées.

Article 3 : M. N... et autres verseront solidairement à la commune de Megève la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Megève et à M. L... N..., premier défendeur désigné.

Délibéré après l'audience du 22 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme E... A..., présidente ;

M. Thierry Besse, président-assesseur ;

Mme K... J..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2021.

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N° 19LY01513


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01513
Date de la décision : 16/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Sursis à statuer.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : ADP AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-16;19ly01513 ?
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