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04/03/2021 | FRANCE | N°20LY01823

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 04 mars 2021, 20LY01823


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler les décisions du 12 juin 2020 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans l'attente du r

éexamen de son dossier, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à i...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler les décisions du 12 juin 2020 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans l'attente du réexamen de son dossier, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2001410 du 19 juin 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé les décisions du préfet de la Côte-d'Or du 12 juin 2020, a enjoint au préfet de la Côte-d'Or de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme B... épouse E... dans un délai de deux mois et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2020, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me C... (H... C... et associés), avocat, demande à la cour d'annuler ce jugement du 19 juin 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le premier juge a méconnu l'autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal administratif de Dijon du 11 décembre 2019 ;

- ses décisions ne méconnaissent pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 octobre 2020, Mme B... épouse E..., représentée par Me D..., avocat, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose que :

- le jugement attaqué n'est pas irrégulier ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- l'obligation de quitter le territoire français litigieuse n'est pas suffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen de sa situation particulière.

Par une ordonnance du 17 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... G..., première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant Mme B... épouse E....;

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de la Côte-d'Or relève appel du jugement du 19 juin 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé ses décisions du 12 juin 2020 faisant obligation à Mme B... épouse E..., ressortissante marocaine née le 13 octobre 1998, de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, s'il est constant que, par un jugement du 11 décembre 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté une première demande de Mme B... épouse E... tendant à l'annulation d'une précédente décision du préfet de la Côte-d'Or en date du 4 juillet 2019 refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, ce jugement de rejet, revêtu de la seule autorité relative de la chose jugée, ne faisait pas obstacle à ce que le premier juge annule, par le jugement attaqué, la nouvelle obligation de quitter le territoire français en litige, en l'absence d'identité d'objets entre ces deux instances.

3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, le 6 juillet 2017, Mme B..., ressortissante marocaine née en 1998, a épousé au Maroc M. E..., de nationalité française. Ce mariage avait été précédé de plusieurs séjours de M. E... au Maroc, dont la réalité, nonobstant l'incertitude quant à la durée exacte de l'un d'eux, est établie par le passeport de l'intéressé et les photographies produites. Mme B... épouse E... a rejoint son époux sur le territoire français le 29 novembre 2017, sous couvert d'un visa d'une durée d'un an valable jusqu'au 9 novembre 2018. Il ressort des différentes pièces produites, telles que des factures, des documents fiscaux, ses fiches de paie et ses contrats de travail, qu'elle a toujours déclaré résider auprès de son époux à leur domicile situé à Montmagny. Si le préfet de la Côte-d'Or conteste la réalité de cette vie commune, en se prévalant d'un rapport de la gendarmerie de Beaune daté du 14 mars 2019, il ressort de ce rapport qu'une visite au domicile déclaré par les époux a permis de constater la présence de certaines affaires appartenant à M. E.... Si ce rapport relève l'absence de toute décoration ou la présence d'un seul oreiller, des justifications probantes ont été apportées par les intéressés, tant par leur projet de déménagement, corroboré par l'acte d'achat d'une propriété par M. E..., que par la présence d'un lit aménagé. De même, la circonstance que Mme E... n'ait pas été en mesure de joindre son époux, absent lors de cette visite domiciliaire, a été vraisemblablement expliquée par les intéressés, par les travaux réalisés par M. E... dans leur futur domicile, eux-mêmes justifiés par des factures de matériaux de construction établies à son nom et datées du jour de la visite. De même, les circonstances que Mme E... ait, le lendemain, été aperçue accompagnée d'un jeune homme, que seul M. E... est acquéreur du bien présenté comme leur futur logement et que le maire ait indiqué que les époux ne paraissaient pas en public ne permettent pas de contester utilement l'existence d'une communauté de vie, laquelle a, au demeurant, été confirmée par différents témoignages de proches et de connaissances du couple. Dès lors, et ainsi que l'a estimé le premier juge, il ne ressort pas des pièces du dossier que la communauté de vie dont se prévalent les époux ne serait pas réelle, ni qu'une intention frauduleuse puisse leur être imputée. Enfin, par un arrêt en date de ce jour, la cour de céans a prononcé l'annulation de la précédente obligation de quitter le territoire français prononcée l'encontre de Mme E... le 4 juillet 2019. Dès lors, et eu égard à l'ancienneté du mariage des époux E..., le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à soutenir que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, sa décision portant obligation de quitter le territoire français respecte les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé ses décisions du 12 juin 2020.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Côte-d'Or est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme B... épouse E... une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... épouse E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 9 février 2021, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur

Mme A... G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 4 mars 2021.

2

N° 20LY01823


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01823
Date de la décision : 04/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-03-04;20ly01823 ?
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