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25/02/2021 | FRANCE | N°20LY02967

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 25 février 2021, 20LY02967


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2020 par lequel le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et l'arrêté du même jour par lequel le préfet de l'Ain a prononcé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2006416 - 2006418 du 15 septemb

re 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2020 par lequel le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et l'arrêté du même jour par lequel le préfet de l'Ain a prononcé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2006416 - 2006418 du 15 septembre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 octobre 2020, M. F..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 15 septembre 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 9 septembre 2020 ;

3°) d'ordonner l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Ain, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès la notification de l'arrêt ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- il a considéré à tort qu'il n'avait pas sollicité son admission au séjour ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision prononçant l'assignation à résidence :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît le 5° de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'est pas établi que l'obligation de quitter le territoire français ait été prise avant l'assignation à résidence ;

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les observations Me A..., représentant M. F... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant kosovar né le 19 mars 1982, est entré en France au mois de septembre 2012, selon ses déclarations, en compagnie de son épouse et de son fils aîné, et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 novembre 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 3 décembre 2014. Le préfet de l'Ain a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination par un arrêté du 3 juin 2015. Le 27 novembre 2015, M. F... a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 mars 2016, le préfet de l'Ain a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le préfet de l'Ain a de nouveau obligé M. F... à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et a décidé son placement en rétention par des arrêtés du 14 avril 2017, dont la légalité a été confirmée par un jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 18 avril 2017, devenu définitif. Le 5 mai 2017, M. F... a été éloigné à destination du Kosovo. Le requérant est de nouveau entré en France au cours de l'année 2017, selon ses déclarations. La demande de réexamen de sa demande d'asile qu'il a présentée le 24 août 2017 a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 août 2017 et par la Cour nationale du droit d'asile le 12 décembre 2017. Le 9 septembre 2020, M. F... a fait l'objet d'une vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Par des arrêtés du 9 septembre 2020, le préfet de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et a prononcé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. F... relève appel du jugement du 15 septembre 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, la décision attaquée vise le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que M. F..., qui est entré de façon irrégulière en France, en dernier lieu, au mois de mars 2017 et n'est pas titulaire d'un titre de séjour, n'a pas sollicité son admission au séjour. Elle mentionne enfin que son épouse et ses enfants se maintiennent irrégulièrement en France. Par suite, cette décision, qui mentionne les circonstances de fait et de droit qui en sont le fondement, est suffisamment motivée.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Ain se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. F... avant de prendre la décision attaquée.

4. En troisième lieu, et contrairement à ce que soutient M. F..., il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il aurait sollicité son admission au séjour depuis qu'il est entré de nouveau sur le territoire national après son éloignement en 2017. Le requérant ne peut utilement se prévaloir de la demande qui aurait été formée par son épouse. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet de l'Ain s'est abstenu de faire usage de son pouvoir de régularisation pour l'admettre au séjour.

5. En dernier lieu, M. F... fait valoir qu'il réside en France depuis plusieurs années, que son plus jeune enfant y est né, que ses enfants sont scolarisés et qu'il est titulaire d'un logement et d'une promesse d'embauche. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. F..., qui a été reconduit au Kosovo après avoir fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement non exécutées, s'est maintenu irrégulièrement en France depuis son retour sur le territoire national. Le requérant n'est pas dépourvu de toute attache privée et familiale au Kosovo, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans. Rien ne fait obstacle à ce qu'il reprenne sa vie privée et familiale avec son épouse, qui est également en situation irrégulière, dans son pays d'origine où ses enfants pourront poursuivre leur scolarité. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de l'Ain a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :

6. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Ain n'a pas procédé à un examen particulier de la situation de M. F... avant d'adopter la décision attaquée.

7. En second lieu, et pour les motifs exposés au point 5, le moyen de M. F... tiré de ce que le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :

8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

9. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour doit indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit, par ailleurs, faire état des éléments de la situation de la personne concernée au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

10. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an faite à M. F..., le préfet de l'Ain, après avoir visé le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a indiqué que le requérant a fait l'objet d'une mesure d'éloignement qui a été exécutée, que l'intéressé a déclaré être de nouveau entré en France cinq jours après cet éloignement, que son épouse et ses enfants se maintiennent en France de façon irrégulière et que le requérant et ces derniers peuvent reconstituer leur cellule familiale au Kosovo. Le préfet, qui ne s'est pas fondé sur la circonstance que M. F... constitue une menace pour l'ordre public, n'était, dès lors, pas tenu de faire état de l'absence d'une telle menace. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, il ressort des termes de cette décision que, pour prendre à l'encontre de M. F... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet de l'Ain a pris en considération l'existence d'une précédente obligation de quitter le territoire français et celle des liens privés et familiaux du requérant en France. Si le requérant se prévaut de la présence de son épouse et de ses enfants, ceux-ci sont également en situation irrégulière. Au regard de l'ensemble de ces éléments, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet de l'Ain n'a entaché sa décision ni d'une erreur de droit, ni d'une erreur d'appréciation.

12. En dernier lieu, et pour les motifs exposés au point 5, les moyens de M. F... tirés de ce que la décision porte une porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ne peuvent qu'être écartés.

Sur la légalité de l'assignation à résidence :

13. En premier lieu, M. F... reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant assignation à résidence. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon.

14. En second lieu, aux termes de l'article L. 5612 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) / 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé. (...) ".

15. Il ressort des pièces du dossier, et, notamment, des termes mêmes de l'arrêté du 9 septembre 2020 par lequel le préfet de l'Ain a décidé l'assignation à résidence de M. F..., que le préfet s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise le même jour. La circonstance que ces deux décisions ont été notifiées au requérant à la même heure n'est pas de nature à établir que, ainsi qu'il l'allègue, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise avant l'assignation à résidence. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 5° de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

16. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F.... Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme E..., présidente-assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.

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N° 20LY02967


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02967
Date de la décision : 25/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : ILIC

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-25;20ly02967 ?
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