Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 25 juin 2020 par lequel le préfet de la Savoie l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a signalée aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Par un jugement n° 2003706 du 21 août 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Savoie de faire cesser le signalement de Mme D... dans le système d'information Schengen et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2020, le préfet de la Savoie demande à la cour d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 21 août 2020 et de rejeter la demande présentée par Mme D....
Le préfet soutient que l'arrêté contesté n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
Par des mémoires, enregistrés le 2 septembre 2020 et le 21 janvier 2021, Mme D..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reproduire intégralement et exclusivement le mémoire de première instance ;
- à titre subsidiaire, l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et la décision de signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen sont illégales en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., présidente-assesseure,
- et les observations de Me F..., représentant Mme D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante albanaise née le 8 février 1998, est entrée en France, selon ses déclarations, le 16 septembre 2016, et a sollicité son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile. Ayant constaté que l'intéressée avait présenté la même demande en Allemagne, le préfet de la Savoie, après avoir recueilli l'accord des autorités compétentes pour sa reprise en charge, a prononcé son transfert aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile ainsi que son assignation à résidence par des arrêtés du 6 mars 2017. Mme D... ne s'étant pas présentée à la convocation aux fins de son transfert, elle a été déclarée en fuite le 3 avril 2017. Sa demande d'asile, instruite en France selon la procédure accélérée, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 décembre 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 26 juin 2019. Sa demande de réexamen de sa demande d'asile a également été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 septembre 2019. Par un arrêté du 25 juin 2020, le préfet de la Savoie a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et l'a signalée aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Par un jugement du 21 août 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Savoie de faire cesser le signalement de Mme D... dans le système d'information Schengen et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme D.... Le préfet de la Savoie relève appel de ce jugement.
2. Il ressort des pièces du dossier que l'intimée est titulaire d'un diplôme de brevet de technicien supérieur en qualité d'assistant manager obtenu le 5 juillet 2019 à la suite d'une scolarité sérieuse en France, qu'elle a établi une communauté de vie depuis le mois de septembre 2019 avec un ressortissant français et qu'à la date de l'arrêté contesté, elle attendait de cette union un enfant qui est né le 18 octobre 2020 et qui a la nationalité française. Dans ces circonstances très particulières, et alors même que Mme D... n'avait pas encore donné naissance à son enfant à la date de la décision attaquée, que l'intimée ne peut se prévaloir de la présence en France de ses parents et de sa soeur qui y résident de façon irrégulière et que la vie commune avec son concubin ne présentait qu'un caractère récent à la date de l'arrêté contesté, cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
3. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Savoie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 25 juin 2020.
4. Mme D... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve pour Me F... de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à Me F....
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Savoie est rejetée.
Article 2 : L'État versera à Me F... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... D.... Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme E..., présidente-assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.
2
N° 20LY02792