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25/02/2021 | FRANCE | N°20LY02413

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 25 février 2021, 20LY02413


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 1er août 2019 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la cha

rge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 1er août 2019 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1902798 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 août 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902798 du 25 juin 2020 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée du préfet de Saône-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, subsidiairement de réexaminer sa situation, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucune stipulation de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne prévoit la possibilité de refuser un certificat de résidence à un ressortissant algérien sur le motif tiré de l'existence d'une menace pour l'ordre public ; le préfet a ainsi ajouté une condition supplémentaire non prévue par l'accord franco-algérien ni par une norme supérieure ; les stipulations du 4) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont été méconnues ;

- le préfet et le tribunal ont retenu des infractions qu'il n'a pas commises ; l'appréciation portée sur sa situation aurait été différente s'il n'avait été tenu compte que des seuls faits pour lesquels il a été condamné ;

- il ne constitue pas une menace actuelle pour l'ordre public ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de Saône-et-Loire qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 14 décembre 1988, déclare être entré irrégulièrement en France en 2009. Le 23 janvier 2018, il a sollicité un certificat de résidence au titre de sa vie privée et familiale et en qualité de parent d'enfant français. Par une décision du 1er août 2019, le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un certificat de résidence au motif que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public. M. A... relève appel du jugement du 25 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 4) Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins (...) ".

3. D'une part, aucune stipulation de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne prive l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour d'un ressortissant algérien en se fondant sur la circonstance que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Ainsi, et alors même que l'article 6 de cet accord ne prévoyait pas une telle possibilité, le préfet de Saône-et-Loire pouvait légalement fonder la décision contestée, contrairement à ce que soutient M. A..., sur ce motif.

4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, le 19 janvier 2017, M. A... a été condamné par le tribunal correctionnel de Chalon-sur-Saône à une peine d'un an et quatre mois d'emprisonnement, à une interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation et de séjourner sur le territoire de la commune de Montceau-les-Mines pendant cinq ans pour des faits qualifiés de menace de crime contre les personnes et de violence commise en réunion. En outre, il ressort des mentions non contestées de la décision attaquée que le requérant a été incarcéré du 28 mars 2018 au 5 juillet 2019 pour des faits de récidive de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, rébellion et refus d'obtempérer à une sommation dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité. Ces faits, eu égard à leur nature, à leur importance et à leur caractère récent à la date de la décision attaquée, établissent, à eux seuls, que M. A... constitue une menace actuelle pour l'ordre public. Si la décision contestée indique, à titre surabondant, que l'intéressé faisait l'objet de mentions dans le fichier automatisé de traitement des antécédents judiciaires comme auteur d'infractions pour d'autre faits commis depuis le 1er janvier 2017, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les seuls faits ayant donné lieu à des condamnations pénales pour caractériser la menace pour l'ordre public que représente la présence en France de l'intéressé. Au surplus, en se bornant à soutenir qu'il s'est vu reprocher des infractions qu'il n'a pas commises, M. A... ne conteste pas sérieusement la matérialité des faits qui ont donné lieu à son inscription comme auteur d'infractions dans le traitement des antécédents judiciaires, alors qu'il reconnaît lui-même qu'il a été placé en détention provisoire pour des faits qualifiés en septembre 2019 de violence aggravée.

5. Par suite, le préfet de Saône-et-Loire, qui n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la poursuite du séjour de M. A... en France constitue une menace pour l'ordre public, a pu légalement, pour ce seul motif, lui refuser la délivrance du certificat de résidence sollicité sur le fondement du 4) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. A... fait valoir qu'il réside de manière continue en France depuis 2010, qu'il vit maritalement depuis 2016 avec une ressortissante française, dont il a eu un enfant né le 4 août 2017, et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche. Toutefois, M. A..., qui ne justifie pas de sa présence en France depuis 2010, a été condamné pour les faits et dans les conditions énoncées au point 4 et a, en conséquence, été incarcéré du 1er janvier 2017 au 10 janvier 2018 puis du 28 mars 2018 au 5 juillet 2019. Il ne justifie pas davantage de la vie commune qu'il allègue avec la mère de son enfant alors qu'il ressort d'une attestation de la caisse d'allocations familiales de Saône-et-Loire du 30 novembre 2018 que celle-ci avait indiqué à ce service vivre isolée avec ses enfants depuis le 1er mars 2018. Il ressort des pièces du dossier que M. A... était incarcéré à la naissance de son enfant, dont il n'a ainsi pu s'occuper pour subvenir à ses besoins et à son éducation que durant une très courte période à la date de la décision attaquée et ce, alors même que la mère de son enfant et celui-ci lui ont rendu visite à quelques reprises pendant ses périodes d'incarcération. Dans ces conditions, alors que la décision litigieuse n'a ni pour objet ni pour effet d'empêcher l'intéressé de revenir régulièrement sur le territoire français pour bénéficier d'un titre de séjour dès lors qu'il ne constituerait plus une menace pour l'ordre public, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de Saône-et-Loire a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

8. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. M. A... soutient que le refus de l'admettre au séjour porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant puisque sa compagne est de nationalité française, qu'il est proche de son enfant, dont il contribue à l'entretien et à l'éducation, le requérant indiquant l'avoir vu à plusieurs reprises lors de visites qui lui ont été rendues en prison. Toutefois, en se bornant à produire une unique demande de virement qui a été refusée, des photographies non datées ainsi quelques facturettes qui soit ne comportent pas de date soit ont été émises durant les périodes où il était incarcéré, M. A... ne justifie pas, à la date de la décision attaquée, qu'il contribuait à l'entretien et à l'éducation de son enfant. Pour ces motifs et ceux énoncés aux points 4 et 7, le refus de titre de séjour litigieux n'a dès lors pas eu, compte tenu de la date à laquelle il est intervenu, pour objet ou pour effet d'affecter de manière suffisamment directe et certaine la situation de l'enfant de M. A.... Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse méconnaîtrait l'intérêt supérieur de son enfant garanti par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 4 février 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.

2

N° 20LY02413


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02413
Date de la décision : 25/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : BOUHALASSA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-25;20ly02413 ?
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