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25/02/2021 | FRANCE | N°19LY01959

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 25 février 2021, 19LY01959


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur enfant B..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à leur verser les sommes de 20 000 euros, s'agissant du préjudice du jeune B..., et de 8 000 euros chacun, s'agissant de leur préjudice propre, et de mettre à sa charge le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse pri

maire d'assurance maladie de l'Ain a demandé au tribunal administratif de Lyo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur enfant B..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à leur verser les sommes de 20 000 euros, s'agissant du préjudice du jeune B..., et de 8 000 euros chacun, s'agissant de leur préjudice propre, et de mettre à sa charge le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à lui verser une somme de 9 836,05 euros avec intérêts de droit à compter du jugement, et une somme de l 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1703725 du 26 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a condamné le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à verser à M. et Mme C... la somme de 4 450 euros au titre du préjudice de leur enfant B... et la somme de 2 500 euros chacun au titre de leur préjudice personnel et a rejeté les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 mai 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1703725 du 26 mars 2019 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté ses conclusions ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à lui verser la somme 6 584,60 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du jour de sa demande et leur capitalisation ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à lui verser la somme 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice.

Elle soutient que le tribunal administratif a rejeté à tort sa demande de remboursement de ses débours en les estimant liés aux infections nosocomiales contractées en clinique alors qu'une partie était directement liée à l'erreur de diagnostic commise par le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à l'origine d'une perte de chance de 80 % d'éviter une intervention chirurgicale.

Par un mémoire, enregistrée le 5 août 2019, M. et Mme C..., représentés par Me E..., déclarent s'en remettre à justice quant à l'appel formé par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain.

Par un mémoire, enregistré le 29 juin 2020, le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain ne peut demander le remboursement de débours pour la première fois en appel ; or, la caisse demande pour la première fois le remboursement de frais hospitaliers du 1er au 5 décembre 2010, du 20 janvier 2011, du 29 avril au 3 mai 2012 et du 24 août 2012 ainsi que des frais médicaux du 5 novembre 2010 au 4 août 2012 ;

- en tout état de cause, la caisse ne justifie pas du lien de causalité entre ses débours et la faute de l'hôpital en produisant seulement une attestation d'imputabilité de son médecin conseil ; l'hospitalisation du 1er au 5 décembre 2010 correspond au traitement de la fracture de la victime, celle du 29 janvier 2011 correspond à l'ablation de la broche trans articulaire découlant de la mauvaise exécution de l'opération précédente, tout comme l'intervention faite pendant le séjour du 29 avril au 2010, celle du 24 août 2012 est imputable aux complications liées à l'infection nosocomiale contractée lors de l'intervention du 3 décembre 2011 ; il n'est pas justifié que les frais médicaux soient en lien avec la faute reprochée à l'hôpital ; le taux de perte de chance de 80 % devra être appliqué en tout état de cause ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, président assesseur ;

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Demailly, avocat du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône.

Considérant ce qui suit :

1. Le 11 juin 2010, B... C..., né le 15 août 2005, a fait une chute dans un gymnase et a été transporté aux urgences du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône où a été diagnostiquée une fracture de l'ulna droit. Il a été suivi en consultations à l'hôpital jusqu'en octobre 2010, puis à la clinique du Val d'Ouest où a été diagnostiquée une fracture de Monteggia correspondant à une fracture de l'ulna associée à une luxation de la tête radiale. Une intervention chirurgicale pour ostéotomie oblique a eu lieu le 2 décembre 2010 mais une subluxation antérieure a été constatée nécessitant le retrait d'une broche trans-articulaire le 20 janvier 2011. Une nouvelle intervention pour réduction de la luxation de la tête radiale et ostéotomie de réaxation du cubitus avec greffon synthétique a eu lieu le 30 avril 2012. Suite à une infection nosocomiale, la plaque d'ostéosynthèse et le greffon ont dû être retirés le 8 juin 2012 et remplacés par un fixateur externe lui-même remplacé par un plâtre puis une orthèse brachio-antébrachale jusqu'à l'été 2013.

2. Les parents de B..., M. A... C... et Mme D... C..., ont saisi le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône qui, par ordonnance du 10 mai 2012, a ordonné une première expertise dont le rapport a été remis le 19 novembre 2012, puis, par ordonnance du 14 février 2013, une seconde expertise dont les conclusions ont été notifiées le 3 décembre 2013. Les consorts C... ont saisi le tribunal de grande instance de Lyon afin de voir condamner le Dr Hage, praticien du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, la clinique du Val d'Ouest et divers assureurs dont la société hospitalière d'assurances mutuelles, en raison de divers manquements dans la prise en charge de leur fils B.... Par jugement du 21 mars 2016, le tribunal de grande instance de Lyon a retenu la responsabilité de la clinique du Val d'Ouest pour l'infection nosocomiale contractée, a ordonné une nouvelle expertise dont le rapport a été rendu le 3 novembre 2016 et a sursis à statuer sur l'éventuelle responsabilité de la société hospitalière d'assurances mutuelles.

3. Les consorts C... ont saisi le tribunal administratif de Lyon qui, par jugement du 26 mars 2019, a condamné le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à verser la somme de 4 450 euros au titre du préjudice de B..., et celle de 2 500 euros à chacun de ses parents au titre de leurs préjudices personnels. Il a, en revanche, rejeté les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain tendant au remboursement de débours d'un montant de 9 836,05 euros. Par requête enregistrée le 24 mai 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain demande la réformation du jugement précité et la condamnation du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à lui verser la somme de 6 584,60 euros au titre de ses débours, celle de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et celle de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Il n'est pas contesté que le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône est responsable d'une insuffisance de diagnostic commise lors de la prise en charge initiale le 11 juin 2010 et réitérée lors des consultations de suivi jusqu'en octobre 2010 tenant à la pose d'un diagnostic de fracture fermée de l'extrémité supérieure de l'ulna droit alors que le jeune B... souffrait d'une fracture de Monteggia associant une luxation de la tête radiale seulement diagnostiquée à l'occasion de la prise en charge de l'enfant à la clinique du Val d'Ouest. Cette erreur de diagnostic a entrainé une perte de chance évaluée à 80 % d'éviter l'intervention chirurgicale pratiquée en clinique.

5. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain soutient que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant au remboursement des débours exposés pour la prise en charge du jeune B..., estimant que ceux-ci se rapportent aux opérations de reprises nécessitées par des infections nosocomiales et leurs suites survenues lors de la prise en charge par la clinique, et ne présentent pas de lien de causalité direct avec l'erreur de diagnostic de l'établissement public de santé. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain demande donc le remboursement des débours concernant des frais d'hospitalisation du 1er au 5 décembre 2010 pour 3 469,45 euros, du 20 janvier 2010 pour 753,29 euros, du 29 avril au 3 mai 2012 pour 1649,60 euros, du 24 aout 2012 pour 171,24 euros, et des frais médicaux du 5 novembre 2010 au 4 août 2012 pour 541,02 euros.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier de première instance que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain a demandé le remboursement des débours suivants : des frais hospitaliers correspondants aux séjours du 4 au 12 juin 2012 pour 445,79 euros et du 24 août 2012 pour 171,24 euros, des frais médicaux du 9 juin 2012 au 27 février 2014 pour 2 576,36 euros, des frais pharmaceutiques du 12 juin 2012 au 1er mars 2014 pour 940,26 euros et enfin des frais d'appareillage du 25 juin 2012 au 14 août 2013 pour 1 697,40 euros, soit un total de 9 836,05 euros. Comme l'oppose le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, les conclusions présentées pour la première fois en appel visant à être remboursées des débours exposés pour des frais d'hospitalisation du 1er au 5 décembre 2010 pour 3 469,45 euros, le 20 janvier 2010 pour 753,29 euros et du 29 avril au 3 mai 2012 pour 1649,60 euros, ainsi que pour des frais médicaux antérieurs au 9 juin 2012, sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables alors que la caisse n'établit, ni même n'allègue, que sa créance se rattache à un préjudice apparu postérieurement au jugement attaqué, ni que l'étendue réelle des prestations dont elle demande le remboursement ne pouvait être déterminée qu'après l'intervention du jugement de première instance.

7. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire du 3 décembre 2013, que l'hospitalisation du 24 août 2012 fait suite à une nouvelle chute de B... ayant entrainé un arrachement des broches proximales de l'ulna et a permis de réaliser la fin de l'ablation du matériel posé le 30 avril 2012 rendue nécessaire par l'infection nosocomiale contractée pendant cette intervention. De même, les frais médicaux exposés du 9 juin au 4 août 2012 découlent également de l'infection nosocomiale précitée ayant entrainé une réouverture de la cicatrice avec extériorisation de la plaque d'ostéosynthèse et nécessité une antibiothérapie par intraveineuse et l'ablation du matériel posé le 30 avril 2012. Par suite, comme l'oppose le centre hospitalier du Villefranche-sur-Saône, les débours tenant aux frais d'hospitalisation du 24 août 2012 et les frais médicaux exposés du 9 juin au 4 août 2012 ne sont pas imputables à la faute commise par l'hôpital mais à l'infection nosocomiale contractée lors de l'intervention réalisée à la clinique du Val d'Ouest et ne peuvent donner lieu à la condamnation de l'hôpital.

8. Il découle de ce qui précède que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant au remboursement de ses débours. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'octroi d'une indemnité forfaitaire de gestion et à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, au centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône et à M. et Mme A... et Myriam C....

Délibéré après l'audience du 4 février 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.

N° 19LY01959 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01959
Date de la décision : 25/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Diagnostic.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL AXIOME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-25;19ly01959 ?
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