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25/02/2021 | FRANCE | N°19LY01955

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 25 février 2021, 19LY01955


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'Association universitaire de recherche et d'enseignement sur le patrimoine a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1601713 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoi

re, enregistrés le 24 mai 2019 et le 15 septembre 2020, l'Association universitaire de recherc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'Association universitaire de recherche et d'enseignement sur le patrimoine a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1601713 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 mai 2019 et le 15 septembre 2020, l'Association universitaire de recherche et d'enseignement sur le patrimoine, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 19 mars 2019 ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 et des majorations correspondantes ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction, à hauteur de 130 336 euros, de ces seuls rappels de taxe sur la valeur correspondant aux prestations pour lesquelles elle a eu recours à des intervenants extérieurs non titulaires de l'attestation d'exonération prévue à l'article 202 A de l'annexe II au code général des impôts, au titre de la même période ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en sa qualité d'organisme de formation professionnelle continue, elle relève de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue au 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts au titre des opérations de formation professionnelle continue qu'elle effectue au profit de ses clients, sans qu'il y ait lieu d'opérer une distinction suivant qu'elle a eu recours à des salariés ou à des intervenants extérieurs ;

- ni la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ni l'article 261 du code général des impôts ne subordonne le bénéfice de l'exonération à la condition que la prestation soit réalisée par le titulaire de l'attestation d'exonération prévue à l'article 202 A de l'annexe II au code général des impôts ;

- les prestations effectuées pour son compte par des intervenants extérieurs ne constituent pas des prestations accessoires à la prestation principale, si bien que la jurisprudence issue de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 juin 2007, C-434/05, Horizon Collège n'est pas applicable ;

- les interventions de ces personnels extérieurs font partie intégrante de la prestation qu'elle délivre et sont indispensables à son activité ;

- compte tenu de son mode de fonctionnement, il n'est pas possible de distinguer, au sein de son chiffre d'affaires, la part résultant du recours à des salariés et celle résultant du recours à des intervenants extérieurs ;

- à titre subsidiaire, si la cour estimait que les prestations effectuées au moyen du recours à des sous-traitants extérieurs n'entraient pas dans le champ de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée, elle doit être déchargée des rappels mis à sa charge à raison des prestations effectuées par le biais d'intervenants extérieurs titulaires de l'attestation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme G..., rapporteure publique,

- et les observations de Me F... représentant l'Association universitaire de recherche et d'enseignement sur le patrimoine ;

Considérant ce qui suit :

1. L'Association universitaire de recherche et d'enseignement sur le patrimoine (AUREP), qui a pour objet le développement des études et des recherches économiques, juridiques et fiscales concernant la gestion du patrimoine ainsi que la réalisation de formations continues en gestion du patrimoine à destination notamment des professionnels de la banque et de l'assurance et était assujettie aux impôts commerciaux à raison de cette activité, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, à l'issue de laquelle l'administration, après avoir constaté qu'elle n'était pas titulaire de l'attestation mentionnée au a) du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée une fraction des prestations de formation qu'elle a dispensées au cours de la période vérifiée au motif qu'il ne s'agissait pas d'activités de formation professionnelle continue. A la suite d'un recours hiérarchique exercé par l'association, l'administration a admis que les prestations effectuées au moyen de personnels salariés pouvaient bénéficier de l'exonération prévue au 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts et n'a exclu du champ de l'exonération que les prestations pour lesquelles elle avait eu recours à des intervenants extérieurs lui facturant des honoraires d'intervention. L'Association universitaire de recherche et d'enseignement sur le patrimoine relève appel du jugement du 19 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à ce titre et des majorations correspondantes.

2. D'une part, aux termes de l'article 132 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 : " 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes : (...) / i) l'éducation de l'enfance ou de la jeunesse, l'enseignement scolaire ou universitaire, la formation ou le recyclage professionnel, ainsi que les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectués par des organismes de droit public de même objet ou par d'autres organismes reconnus comme ayant des fins comparables par l'État membre concerné ; (...) ". Aux termes de l'article 133 de cette directive : " Les États membres peuvent subordonner, au cas par cas, l'octroi, à des organismes autres que ceux de droit public, de chacune des exonérations prévues à l'article 132, paragraphe 1, points b), g), h), i), l), m) et n), au respect de l'une ou plusieurs des conditions suivantes : / a) les organismes en question ne doivent pas avoir pour but la recherche systématique du profit, les bénéfices éventuels ne devant jamais être distribués mais devant être affectés au maintien ou à l'amélioration des prestations fournies ; / b) ces organismes doivent être gérés et administrés à titre essentiellement bénévole par des personnes n'ayant, par elles-mêmes ou par personnes interposées, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation ; / c) ces organismes doivent pratiquer des prix homologués par les autorités publiques ou n'excédant pas de tels prix ou, pour les opérations non susceptibles d'homologation des prix, des prix inférieurs à ceux exigés pour des opérations analogues par des entreprises commerciales soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; / d) les exonérations ne doivent pas être susceptibles de provoquer des distorsions de concurrence au détriment des entreprises commerciales assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée (...) ". Enfin, l'article 134 de cette directive exclut l'exonération des livraisons de biens et les prestations de services : " a) lorsqu'elles ne sont pas indispensables à l'accomplissement des opérations exonérées ; b) lorsqu'elles sont essentiellement destinées à procurer à l'organisme des recettes supplémentaires par la réalisation d'opérations effectuées en concurrence directe avec celles d'entreprises commerciales soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 261 du code général des impôts, dans sa version applicable aux années en litige : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 4. (Professions libérales et activités diverses) : (...) / 4° a. les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectuées dans le cadre (...) de la formation professionnelle continue, telle qu'elle est définie par les dispositions législatives et réglementaires qui la régissent, assurée soit par (...) des personnes de droit privé titulaires d'une attestation délivrée par l'autorité administrative compétente reconnaissant qu'elles remplissent les conditions fixées pour exercer leur activité dans le cadre de la formation professionnelle continue (...) ".

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable emporte son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

5. Il résulte de l'instruction que l'Association universitaire de recherche et d'enseignement sur le patrimoine propose à ses clients, banques, sociétés d'assurance, particuliers ou demandeurs d'emploi, des prestations de formation dans le domaine de la gestion patrimoniale, qui correspondent, soit à des actions ponctuelles de formation professionnelle en vue de l'entretien et de la mise à jour des connaissances, d'une durée variant d'une journée à trois semaines, soit à la préparation de diplômes universitaires dans le domaine de la gestion du patrimoine, d'une durée de plusieurs mois. Pour la réalisation de ces formations, l'association a recours tant à des salariés qu'elle emploie sous contrat à durée indéterminée qu'à des vacataires ou à des intervenants extérieurs, universitaires ou professionnels recrutés pour leur compétence et leur renommée, qui lui facturent des honoraires au titre de leurs interventions.

6. L'administration a admis, au cours de la procédure d'imposition, que les prestations assurées par l'Association universitaire de recherche et d'enseignement sur le patrimoine au moyen de personnels propres pouvaient être exonérées de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts et n'a maintenu les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qu'à raison des prestations assurées par l'association en ayant recours à des intervenants extérieurs. Si elle relève, dans ses écritures en appel, que la circonstance que l'association n'est pas titulaire de l'attestation mentionnée au a) du 4° du 4 de l'article 261 serait de nature à justifier la remise en cause de l'exonération dont elle s'est prévalue, l'administration n'oppose pas l'absence de détention de cette attestation à l'association et soutient que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur une partie des prestations délivrées par elle se justifient par le fait que l'activité de l'association consistant à sous-traiter ses prestations à des intervenants extérieurs ne peut être regardée comme une prestation de service effectuée dans le cadre de la formation professionnelle continue au sens du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts et qu'elle ne présente pas davantage le caractère d'une " prestation de service étroitement liée " aux opérations de formation professionnelle continue.

7. Il résulte toutefois de l'instruction, et, notamment, des contrats conclus entre l'Association universitaire de recherche et d'enseignement sur le patrimoine et ses clients, des bilans pédagogiques et financiers retraçant l'activité de prestataire de formation professionnelle prévus par les articles L. 6352-6 et suivants du code du travail ainsi que des plaquettes d'offre de formation produites par l'association requérante que les prestations qu'elle assure au moyen d'intervenants extérieurs sont délivrées selon des modalités similaires et répondent, quant à leur contenu, aux mêmes exigences de qualité que les autres prestations. Ainsi, ces prestations sont de la même nature et sont délivrées au même titre que celles qu'elle fournit par le biais de ses propres salariés, et ce, alors même que les moyens qu'elle met en oeuvre pour fournir ces prestations sont différents. Enfin, ces prestations constituent une fin en soi pour les clients de l'association qui souhaitent bénéficier de prestations de formation professionnelle continue. Par suite, il n'y a pas lieu de distinguer, au sein des prestations dispensées par l'Association universitaire de recherche et d'enseignement sur le patrimoine, d'une part, une activité principale de formation professionnelle continue, assurée par la requérante au moyen de ses salariés, et d'autre part, une activité, distincte, d'enseignement assurée par ses sous-traitants, susceptible d'être caractérisée d'accessoire et qui devrait être exclue, pour ce motif, de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue au 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts.

8. Il résulte par ailleurs de l'instruction que l'ensemble des prestations en litige constitue des opérations de formation professionnelle continue. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, l'administration ne se prévaut pas de la circonstance que l'association requérante n'est pas titulaire de l'attestation mentionnée au a) du 4° du 4 de l'article 261. Dans ces conditions, les prestations de formation professionnelle continue dispensées dans le domaine de la gestion patrimoniale par l'Association universitaire de recherche et d'enseignement sur le patrimoine au bénéfice de ses clients, pour lesquelles l'association a fait appel à des intervenants extérieurs, sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée en application du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts.

9. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de l'Association universitaire de recherche et d'enseignement sur le patrimoine tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités correspondantes, qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 30 décembre 2011.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à l'Association universitaire de recherche et d'enseignement sur le patrimoine d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 19 mars 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : L'Association universitaire de recherche et d'enseignement sur le patrimoine est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembres 2010 ainsi que des majorations correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à l'Association universitaire de recherche et d'enseignement sur le patrimoine sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association universitaire de recherche et d'enseignement sur le patrimoine et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme D..., présidente-assesseure,

Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.

2

N° 19LY01955


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01955
Date de la décision : 25/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : DELSOL et AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-25;19ly01955 ?
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