Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les hospices civils de Lyon à lui verser la somme totale de 45 515,05 euros en réparation du dommage consécutif à sa prise en charge à l'hôpital Edouard Herriot le 8 mars 2005 et aux entiers dépens.
La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les hospices civils de Lyon et la société hospitalière d'assurances mutuelles à lui verser la somme de 90 535,38 euros en remboursement de ses débours, avec intérêts de droit à compter du jugement, et une somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 1509405 du 20 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a condamné les hospices civils de Lyon à verser à M. B... la somme de 3 671,88 euros en réparation des préjudices subis, a condamné solidairement les hospices civils de Lyon et la société hospitalière d'assurances mutuelles à verser à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 5 152 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2017, la somme de 1 050 euros en application du quatrième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et une pénalité de 772,80 euros au titre du cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 16 juin 2020, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, représentée par Me E... H..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 novembre 2018 en tant que le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner solidairement les hospices civils de Lyon et la société hospitalière d'assurances mutuelles à lui verser les sommes de 90 535,38 euros au titre des débours engagés en faveur de son assuré après application du taux de perte de chance de 80 % et de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
3°) de mettre à la charge solidaire des hospices civils de Lyon et de la société hospitalière d'assurances mutuelles la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'est pas contestable que l'hôpital Edouard Herriot a commis une faute lors de la consultation du 8 mars 2005 compte tenu de ce que l'expert précise que les radiographies pratiquées en urgence ne montrent pas une fracture une fois sur deux alors qu'elle existe en fait et qu'elle ne devient visible que huit à dix jours après ; M. B... aurait dû être informé de la nécessité de consulter à nouveau dans ce délai de huit à dix jours en vue de refaire des radiographies en cas de persistance des douleurs ; le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu une perte de chance de 80 % ;
- elle a justifié de sa créance en visant expressément le rapport d'expertise ; elle produit en outre une attestation d'imputabilité ; cette attestation est précise et justifie du lien de causalité entre les prestations servies et l'accident dont M. B... a été victime ; elle verse au débat la décision de l'assurance maladie fixant le taux d'incapacité permanente pour l'attribution d'une rente d'accident du travail ;
- elle justifie que sa créance s'élève à la somme de 4 538,46 euros au titre de la prise en charge des deux hospitalisations pour traitement de la pseudarthrose et pour l'ablation du matériel, des soins, pharmacie et appareillage jusqu'à la date de consolidation, à la somme de 11 038,72 euros au titre de la perte de gains professionnels correspondant aux indemnités journalières versées du 18 avril 2006 jusqu'au 15 mai 2007, à la somme de 74 958,20 euros au titre de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent ; l'expert a précisé que le principal préjudice était le préjudice professionnel compte tenu du métier de maçon exercé par M. B....
Par des mémoires, enregistrés le 3 septembre 2019 et le 4 janvier 2021, les hospices civils de Lyon et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par Me G..., concluent au rejet de la requête.
Ils soutiennent que :
- il appartient à l'organisme de sécurité sociale de démontrer que le remboursement des débours qu'il allègue avoir exposés correspond directement et exclusivement à des frais engagés à la suite du manquement reproché à l'hôpital ; si la caisse primaire d'assurance maladie produit pour la première fois en appel une attestation d'imputabilité établie le 16 janvier 2019, le document est rédigé de façon stéréotypée ; le nom du patient est indiqué une seule fois ; il est indiqué à plusieurs reprises que l'accident a eu lieu le 7 mars 2005 alors que l'accident a eu lieu le 8 mars 2005 ; aucun des postes de préjudice n'a été chiffré par le médecin-conseil et il n'est pas fait état de frais médicaux, pharmaceutiques ou d'appareillages ; il existe une discordance entre l'attestation d'imputabilité et le relevé des débours ; ni l'attestation d'imputabilité ni le relevé des débours du 12 janvier 2018 ne sont à même de justifier de la réalité et du montant des dépenses engagées ; il en va de même de la nouvelle attestation d'imputabilité produite par la caisse primaire d'assurance maladie ;
- la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas recevable à demander le remboursement de la somme de 94 628,38 euros alors que le détail du relevé des débours fait état des sommes qui ont été arrêtées au plus tard au 15 novembre 2017, soit bien avant le jugement du 20 novembre 2018 ;
- ils ne peuvent être condamnés à prendre en charge le paiement d'une rente accident du travail allouée par un organisme de sécurité sociale dès lors qu'ils n'ont pas été condamnés à indemniser la victime au titre de la perte de gains professionnels ou de l'incidence professionnelle ; par suite, la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas fondée à demander qu'ils soient condamnés à lui rembourser la somme de 18 556,41 euros au titre des arrérages échus de la rente d'accident du travail et le capital de 56 401,79 euros que la caisse a versé à M. B... au titre de la rente ;
- la caisse primaire a omis d'appliquer à ses demandes indemnitaires le taux de 80 % retenu par le tribunal administratif de Lyon au titre de la perte de chance.
Par un mémoire, enregistré le 17 juin 2020, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me de la Grange, conclut à ce qu'il soit mis hors de cause.
Il soutient que :
- les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie sont formulées exclusivement à l'encontre des hospices civils de Lyon ;
- les conditions d'intervention de la solidarité nationale ne sont pas réunies dès lors qu'une faute est à l'origine de l'entier dommage, ce qui exclut son intervention ; l'expert a mis en évidence que ce manquement était à l'origine d'une perte de chance d'éviter la complication et le taux de perte de chance a été évalué à 80 % eu égard aux risques d'évolution défavorable même en présence d'une prise en charge conforme ; les hospices civils de Lyon n'ont pas contesté leur mise en cause dans le cadre de la procédure d'appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 4 décembre 2020 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public ;
- et les observations de Me F..., substituant Me G..., représentant les hospices civils de Lyon et la société hospitalière d'assurances mutuelles.
Considérant ce qui suit :
1. Le 8 mars 2005, M. A... B... a chuté sur son poignet gauche et s'est rendu, le jour même, à l'hôpital Edouard Herriot, dépendant des hospices civils de Lyon. Les examens pratiqués ont conduit à prescrire à M. B... le port d'une attelle amovible pendant huit jours en l'absence de diagnostic de fracture. Devant la persistance des douleurs, un scanner a été réalisé le 8 novembre 2005 et a révélé l'existence d'une pseudarthrose lâche du tiers moyen du scaphoïde gauche. Le 10 janvier 2006, M. B... a subi une intervention chirurgicale consistant en une greffe osseuse avec la mise en place d'une vis à la clinique Pasteur. Estimant avoir été victime d'une faute lors de sa prise en charge aux hospices civils de Lyon, M. B... a saisi, le 9 mai 2006, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) Rhône-Alpes d'une demande d'indemnisation des préjudices subis. La commission régionale de conciliation et d'indemnisation a ordonné une expertise qui a été confiée au docteur Sassoon. A la suite du dépôt du rapport d'expertise, la commission a estimé, par un avis du 11 octobre 2006, que la responsabilité des hospices civils de Lyon était engagée en raison d'une faute commise lors de la prise en charge de M. B... le 8 mars 2005 et qu'il appartenait à la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), assureur des hospices civils de Lyon, de réparer les préjudices en lien avec la perte de chance évaluée à 80 % d'éviter les complications présentées par M. B... et de faire une offre d'indemnisation à titre provisionnel, l'état de santé du patient n'étant pas encore consolidé. Par un courrier du 18 janvier 2007, la société hospitalière d'assurances mutuelles a refusé d'indemniser l'intéressé. M. B... a demandé à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), en vertu de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, de se substituer à l'établissement hospitalier responsable et à son assureur à la suite du refus de la société hospitalière d'assurances mutuelles de proposer une offre d'indemnisation. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a indemnisé M. B... à hauteur de 5 152 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence subis du 18 novembre 2005 au 30 août 2006, des souffrances endurées et du préjudice esthétique ainsi qu'en atteste le protocole d'indemnisation transactionnelle provisionnelle signé le 3 juillet 2007. A la suite du dépôt du second rapport d'expertise du docteur Sassoon le 8 novembre 2007, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation a estimé, dans un avis du 13 février 2008, qu'il appartenait à la société hospitalière d'assurances mutuelles de faire une offre d'indemnisation à la victime. La société hospitalière d'assurances mutuelles ayant à nouveau refusé de faire une proposition d'indemnisation, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a adressé à M. B... un second protocole d'indemnisation transactionnelle d'un montant de 2 196,80 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, du préjudice d'agrément, du déficit fonctionnel permanent et des frais d'assistance. M. B... a refusé de signer ce second accord. Par un jugement du 20 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a condamné les hospices civils de Lyon à verser à M. B... la somme de 3 671,88 euros en réparation des préjudices subis, a condamné solidairement les hospices civils de Lyon et la société hospitalière d'assurances mutuelles à verser à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 5 152 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2017, la somme de 1 050 euros en application du quatrième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et une pénalité de 772,80 euros au titre du cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et a rejeté le surplus des conclusions des parties. La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône relève appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire des hospices civils de Lyon et de la société hospitalière d'assurances mutuelles à lui verser les sommes de 90 535,38 euros au titre des débours engagés en faveur de son assuré et de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Sur la recevabilité de la demande présentée par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône devant le tribunal administratif de Lyon :
2. Aux termes de l'article L. 122-1 du code de la sécurité sociale, " Tout organisme de sécurité sociale est tenu d'avoir un directeur et un agent comptable. (...) Le directeur général ou le directeur de tout organisme de sécurité sociale décide des actions en justice à intenter au nom de l'organisme dans les matières concernant les rapports dudit organisme avec (....) les établissements de santé. (...) Le directeur général ou le directeur représente l'organisme en justice et dans tous les actes de la vie civile. "
3. Par une décision du 27 avril 2015 du directeur général de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, Mme I... D... a été nommée dans les fonctions de directrice de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône à compter du 29 juin 2015. Par suite, elle avait qualité pour signer la requête de première instance, enregistrée le 6 février 2018, présentée au nom de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône. Il s'ensuit que la fin de non recevoir présentée en première instance par le centre hospitalier et son assureur doit être écartée.
Sur la responsabilité pour faute des hospices civils de Lyon :
En ce qui concerne la faute des hospices civils de Lyon :
4. Aux termes du I de l'article L. 11421 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".
5. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, et il n'est au demeurant pas contesté par les hospices civils de Lyon, que M. B... s'est présenté à l'hôpital Edouard Herriot à la suite de sa chute sur son poignet gauche le 8 mars 2005 et que l'examen médical, accompagné d'une radiographie, n'a pas permis d'identifier une fracture alors que M. B... avait fait état d'une douleur de la tabatière anatomique, du versant radial du poignet qui " doit évoquer absolument la suspicion d'une fracture du scaphoïde même si les radios sont normales ". L'expert précise que, compte de ces douleurs, " il aurait dû être donné comme information au patient qu'il était nécessaire de consulter à nouveau dans huit à dix jours pour refaire des radios en cas de douleurs persistantes. Cette information n'a pas été donnée, ce qui est regrettable car il est unanimement reconnu que tout traumatisme au poignet sans signe radiologique de fracture doit être considéré comme une fracture du scaphoïde jusqu'à preuve du contraire. Il est également tout à fait classique de savoir que les radiographies en urgence ne montrent pas une fracture une fois sur deux alors qu'elle existe en fait et qu'elle ne devient visible seulement que huit à dix jours après ". L'expert poursuit en indiquant qu'" il y a une relation directe entre le traumatisme de mars et la pseudarthrose découverte radiologiquement en novembre et que l'absence d'information donnée aux urgences est responsable en partie de cette évolution. En effet, le diagnostic en urgence d'une fracture du scaphoïde et un traitement correct par plâtre permet la consolidation en deux à trois mois dans 80 à 95 % des cas alors que la méconnaissance de cette fracture aboutit quasi inéluctablement à la pseudarthrose. " Par suite, ce manquement relatif au défaut d'information quant à la nécessité de réaliser une nouvelle radiographie dans un délai de huit à dix jours après la première consultation en cas de persistance des douleurs pour vérifier l'existence d'une fracture présente le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité des hospices civils de Lyon.
En ce qui concerne le lien de causalité entre les débours exposés par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et la faute des hospices civils de Lyon :
6. Le second rapport d'expertise du docteur Sassoon fixant la date de consolidation de l'état de santé de M. B... précise que " l'intervention du mois de janvier 2006 pratiquée par le docteur Grégoire n'a pas permis d'obtenir un résultat satisfaisant, ce résultat satisfaisant est obtenu dans un pourcentage relativement important des cas (70 à 80 %) et permet d'obtenir la consolidation du scaphoïde sans séquelle évidente. Cette intervention de pseudarthrose du scaphoïde carpien avec greffe osseuse et ostéosynthèse n'apporte pas toujours un tel résultat et il est évident que dans un pourcentage non négligeable, la consolidation peut ne pas se faire, l'évolution vers l'arthrose également " et conclut que " le mauvais positionnement de la vis est responsable en partie des séquelles que présente M. B... ".
7. Il résulte de l'instruction que la faute commise par les hospices civils de Lyon consistant dans le défaut d'information quant à la nécessité de réaliser une nouvelle radiographie dans un délai de huit à dix jours en cas de persistance des douleurs pour vérifier l'existence d'une fracture a contraint M. B... à subir l'intervention chirurgicale du 10 janvier 2006 compte tenu de l'évolution de la fracture passée inaperçue vers la pseudarthrose et du risque d'évolution spontanée de la pseudarthrose du scaphoïde vers l'arthrose. Il s'ensuit que les préjudices subis par M. B... notamment à la suite de l'intervention chirurgicale du 10 janvier 2006 présentent un lien de causalité direct et certain avec la faute initiale commise par les hospices civils de Lyon.
Sur l'évaluation des débours de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône :
En ce qui concerne la perte de chance :
8. Dans le cas où la ou une faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
9. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que " sur le plan statistique, on peut considérer qu'une fracture non diagnostiquée du scaphoïde passée inaperçue évolue vers la pseudarthrose dans 90 à 95 % des cas d'autant qu'il est effectué un travail manuel de force. En revanche, si la fracture de scaphoïde avait été plâtrée, il y avait quand même un risque d'évolution de la fracture vers une pseudarthrose qui peut être évalué entre 5 et 20 % selon les données récentes de la littérature ". Il n'est pas contesté que le taux de perte de chance résultant de la faute commise par les hospices civils de Lyon retenu par les premiers juges doit être évalué à hauteur de 80 % et que, par suite, il y a lieu de mettre à la charge des hospices civils de Lyon et de la société hospitalière d'assurances mutuelles la réparation de cette fraction du dommage.
En ce qui concerne les dépenses de santé actuelles :
10. La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône produit pour la première fois en appel une attestation d'imputabilité établie le 16 novembre 2019 par son médecin-conseil qui concerne les frais hospitaliers, la perte de gains professionnels actuels et la rente d'accident du travail. Si cette attestation fait état à tort de ce que l'accident dont M. B... a été victime a eu lieu le 7 mars 2005, et non le 8 mars, cette erreur de plume est en soi sans incidence sur l'établissement du lien de causalité entre la faute commise par les hospices civils de Lyon et les débours engagés par la caisse primaire d'assurance maladie du fait de cette faute.
11. Comme l'a jugé le tribunal administratif de Lyon, " lors de son hospitalisation à la clinique Pasteur en janvier 2006, relative à son opération du scaphoïde consécutive à la faute des hospices civils de Lyon, une somme totale de 168,60 euros est restée à la charge de M. B..., ce dont il justifie par la production d'une facture ". Il s'ensuit que le montant des dépenses de santé restées à la charge de M. B... doit être fixé à la somme de 168,60 euros.
12. La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône justifie de manière suffisante avoir exposé pour le compte de son assuré la somme de 4 538,46 euros pour les dépenses de santé actuelles, dont 1 107,25 euros au titre des frais hospitaliers engagés du 9 au 11 janvier 2006 pour l'intervention de greffe osseuse avec mise en place d'une vis du 10 janvier 2006 et 550,89 euros correspondant aux frais engagés le 28 novembre 2006 pour l'ablation du matériel d'ostéosynthèse, la somme de 2 629,09 euros au titre des frais médicaux engagés du 22 décembre 2005 au 17 juillet 2007, date de consolidation de l'état de santé de M. B..., la somme de 194,59 euros au titre des frais pharmaceutiques engagés du 11 janvier 2006 au 16 janvier 2007 et la somme de 56,64 euros au titre des frais d'appareillage consistant en une attelle. Il n'est pas sérieusement contesté que ces frais sont en lien avec les préjudices subis par M. B... à la suite de la faute commise par les hospices civils de Lyon. Il s'ensuit que le montant global des dépenses de santé restées à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône doit être fixé à la somme de 4 538,46 euros.
13. Par suite, le poste de préjudice " dépenses de santé actuelles " peut être estimé à la somme de 4 707,06 euros. Il y a lieu d'appliquer à cette somme de 4 707,06 euros le taux de perte de chance de 80 % retenu pour calculer la somme due par les hospices civils de Lyon, soit 3 765,64 euros. Le centre hospitalier et son assureur doivent ainsi verser à la caisse primaire d'assurance maladie le solde restant après soustraction des dépenses de santé restées à la charge de M. B... estimées à 168,60 euros, soit la somme de 3 597,04 euros.
En ce qui concerne les indemnités journalières et la rente d'accident du travail :
14. D'une part, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudice, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ou du fait que celle-ci n'a subi que la perte d'une chance d'éviter le dommage corporel. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale.
15. D'autre part, la rente d'accident du travail prévue par l'article L. 3411 du code de la sécurité sociale doit, en raison de la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par les dispositions qui l'instituent et de son mode de calcul, appliquant le taux d'incapacité permanente au salaire de référence défini par l'article L. 4342 du code de la sécurité sociale, être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de son incapacité. Dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une telle rente ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice.
16. Il appartient au juge de déterminer si l'incapacité permanente conservée par M. B... à la suite des séquelles en lien avec le défaut d'information et l'opération du 10 janvier 2006 a entraîné pour lui des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils donnaient lieu au versement de prestations de sécurité sociale. Pour déterminer ensuite dans quelle mesure ces préjudices ont été réparés par ces prestations, il y a lieu de regarder chaque prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime n'a pas subi de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes est inférieur au montant de la prestation. La victime doit se voir allouer, le cas échéant, une somme correspondant à la part de ces postes de préjudice non réparée par les prestations de sécurité sociale, évaluées ainsi qu'il a été dit cidessus.
17. La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône fait valoir qu'elle a exposé la somme de 15 131,72 euros au titre des indemnités journalières versées du 18 novembre 2005 au 15 mai 2007 dont il convient de déduire 90 jours qui correspondent, selon l'attestation du médecin-conseil, à la durée de l'arrêt de travail qu'aurait subi M. B... si le diagnostic avait été porté plus précocement, ce qui réduit le montant des indemnités journalières consécutives au retard de diagnostic à la somme de 12 784,64 euros. Il résulte de l'instruction qu'à la suite du scanner du 8 novembre 2005 qui a mis en évidence une pseudarthrose lâche du tiers moyen du scaphoïde gauche, M. B... a été placé en arrêt de maladie et l'expert précise que M. B... a subi une période d'incapacité temporaire totale du 18 novembre 2005 au 15 mai 2007. Il résulte également de l'instruction et notamment de son avis d'impôt sur le revenu que M. B..., qui effectuait des missions d'intérim, a perçu au titre de l'année 2005 un revenu de 10 042 euros soit 837 euros mensuels. Par suite, et compte tenu de son salaire mensuel moyen de 837 euros, le montant que M. B... aurait dû percevoir entre le 18 novembre 2005 et le 15 mai 2007, période de versement des indemnités journalières, sera évalué à la somme de 15 066 euros. Compte tenu du taux de perte de chance de 80 % mis à la charge des hospices civils de Lyon, la somme maximale des pertes pouvant être mise à la charge des hospices civils de Lyon est de 12 052,80 euros. En l'absence de pertes de gains professionnels subis par M. B..., il y a lieu de mettre à la charge des hospices civils de Lyon la somme de 12 052,80 euros.
18. Il résulte également de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que, selon l'expert, " il est probable que l'état du poignet gauche de M. B... lui interdise de reprendre de manière définitive son métier de maçon coffreur pour lequel il avait une formation et d'une manière générale toute activité professionnelle manuelle lourde, nécessitant des travaux lourds et l'utilisation d'engins vibrants ". Compte tenu de son état de santé, M. B... s'est reconverti et exerce désormais la profession de conducteur receveur de cars. Si M. B... a dû abandonner la profession qu'il exerçait avant le dommage au profit d'une autre en raison de son état de santé, il n'est pas établi qu'il subirait du fait de cette reconversion une incidence professionnelle et ce indépendamment de l'absence de perte de revenus. Il s'ensuit que la caisse primaire d'assurance maladie n'établit pas l'existence d'un préjudice d'incidence professionnelle subi par la victime du fait de cette reconversion indemnisable. Par suite, la caisse primaire d'assurance maladie ne peut solliciter la condamnation des hospices civils de Lyon à l'indemniser des prestations servies à son assuré au titre des arrérages échus et du capital de la pension d'invalidité.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande indemnitaire et est seulement fondée à demander la condamnation des hospices civils de Lyon et de la société hospitalière d'assurances mutuelles à lui verser la somme de 15 649,84 euros en remboursement des débours exposés à la suite de la faute commise par les hospices civils de Lyon.
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :
20. La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône ayant obtenu le remboursement par les hospices civils de Lyon et son assureur de la somme de 15 649,84 euros, il y a lieu de faire droit aux conclusions de cette caisse tendant au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion fixée à la somme de 1 098 euros par l'arrêté du 4 décembre 2020 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2021.
Sur les frais de l'instance :
21. Il y a lieu de mettre à la charge des hospices civils de Lyon et de la société hospitalière d'assurances mutuelles le versement à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 20 novembre 2018 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.
Article 2 : Les hospices civils de Lyon et la société hospitalière d'assurances mutuelles sont condamnés à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône la somme de 15 649,84 euros en remboursement des débours exposés et la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Article 3 : Les hospices civils de Lyon et la société hospitalière d'assurances mutuelles verseront la somme de 1 500 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, aux hospices civils de Lyon, à la société hospitalière d'assurances mutuelles, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 4 février 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
Mme C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.
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N° 19LY00397