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11/02/2021 | FRANCE | N°20LY02731

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 11 février 2021, 20LY02731


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 25 novembre 2019 par lesquelles le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1909626 du 25 mai 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 septembre 2020, Mme F..., représenté

e par Me B..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1909626 du 25 mai 2020 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 25 novembre 2019 par lesquelles le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1909626 du 25 mai 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 septembre 2020, Mme F..., représentée par Me B..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1909626 du 25 mai 2020 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- eu égard aux risques encourus par ses filles au Nigéria, cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire enregistré le 18 janvier 2021, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., présidente assesseure,

- et les observations de Me B..., représentant Mme F... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., née le 8 novembre 1993, de nationalité nigériane, serait entrée en France, selon ses déclarations, le 24 juillet 2016. Par décision du 15 novembre 2018, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile. Ce refus a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile, le 18 octobre 2019. Par décisions du 25 novembre 2019, le préfet de l'Ain, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme F... fait appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 25 novembre 2019.

2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

3. Il est constant qu'à la date de l'obligation de quitter le territoire en litige, Mme F... avait introduit, le 12 juillet 2019, deux demandes d'asile au nom de ses filles, nées en France respectivement le 4 novembre 2017 et le 4 juin 2019, ainsi que le confirment les deux attestations de demandeurs d'asile délivrées à ces enfants et produites à l'instance. A ce titre, la requérante fait valoir que ses deux filles risquent de subir une mutilation génitale féminine en cas de retour au Nigéria, à l'instar de celle qu'elle-même a subie dans ce pays. Elle produit plusieurs études dont il ressort que l'excision demeure une pratique importante et permanente dans l'État de Lagos, au sein de l'ethnie Edo dont elle est originaire. Compte tenu du très jeune âge des filles de Mme F..., l'examen de leurs demandes d'asile nécessitait la présence de leur mère à leurs côtés. En conséquence, en faisant obligation à Mme F... de quitter le territoire français, le préfet a méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par suite, la décision portant obligation pour Mme F... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, ainsi que, par voie de conséquence, celle fixant le pays de renvoi sont entachées d'illégalité.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, Mme F... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ".

6. Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. (...) ".

7. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. / Si la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire ou la décision d'assignation à résidence est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) ".

8. Il résulte de ce qui précède que, eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a seulement lieu de prescrire au préfet de l'Ain de délivrer, dans le délai de quinze jours, à Mme F... une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me B..., avocate de Mme F..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1909626 du 25 mai 2020 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon et les décisions du 25 novembre 2019 du préfet de l'Ain portant obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Ain de délivrer, dans le délai de quinze jours, à Mme F..., une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me B..., avocate de Mme F..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... F..., à Me B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme A..., présidente,

Mme E..., première conseillère,

Mme G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.

2

N° 20LY02731


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02731
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-11;20ly02731 ?
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