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11/02/2021 | FRANCE | N°20LY01947

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 11 février 2021, 20LY01947


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 1er juillet 2020 par lesquelles le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a désigné un pays de renvoi, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 1er juillet 2020 par lesquelles le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a désigné un pays de renvoi, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2004331 du 7 juillet 2020, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du préfet de l'Isère du 1er juillet 2020 interdisant M. A... de retourner sur le territoire français pour trois ans, a condamné l'Etat à verser au conseil de M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2020, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2004331 du 7 juillet 2020 du magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a annulé sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français et a condamné l'Etat à verser la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2°) de rejeter toutes les conclusions du requérant.

Il soutient que :

- il a motivé sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français au regard des quatre critères prévus par le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le magistrat délégué se contredit en invoquant un caractère disproportionné de la décision au regard de la situation personnelle de l'intéressé tout en indiquant que l'obligation de quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale alors qu'il est célibataire et sans charge de famille, que toute sa famille vit en Algérie, qu'il ne réside en France que depuis trois ans à la date de la décision attaquée et qu'il est défavorablement connu de la police ;

- le magistrat délégué n'a pas estimé que l'intéressé présentait une menace à l'ordre public alors qu'il a commis de nombreuses infractions dont un vol à l'arraché le 23 avril 2020, une occupation illégale d'un logement le 1er juillet 2020 et des faits d'arrestation, séquestration, enlèvement ou détention arbitraire de mineur de quinze ans le 20 mai 2020 alors même qu'il n'aurait pas été condamné pour ces dernier faits ;

- il n'est pas requis que les quatre critères prévus à l'article précité doivent être tous respectés pour fonder légalement la décision querellée ; or l'intéressé s'est soustrait à une mesure d'éloignement prise le 20 juin 2019 et n'a pas respecté l'obligation de pointage découlant de son assignation à résidence notifiée le 24 avril 2020 comme en atteste un procès-verbal de carence dressé le 22 mai 2020.

Par un mémoire, enregistré le 1er octobre 2020, M. D... A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Il fait valoir que :

- son comportement ne constitue pas une menace à l'ordre public pour le seul vol à l'arraché d'un portable n'ayant donné lieu qu'à un rappel à la loi ; les faits de mai 2020 ont manifestement été classés sans suite ;

- il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur isolé et poursuit actuellement un CAP.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gayrard, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 1er juillet 2020, le préfet de l'Isère a pris à l'encontre de M. D... A..., né le 15 avril 2001 en Algérie, une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un jugement du 7 juillet 2020, dont le préfet de l'Isère relève appel, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du préfet de l'Isère du 1er juillet 2020 interdisant à M. A... de retourner sur le territoire français pour trois ans, a condamné l'Etat à verser au conseil de M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande de M. A....

Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon :

2. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... déclare être entré en France le 22 juillet 2017, soit à l'âge de seize ans, et a été placé auprès de l'aide sociale à l'enfance en tant que mineur isolé. Le 20 juin 2019, il a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, décisions confirmées par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 décembre 2019, auxquels il n'a pas déféré. Il a été interpellé le 23 avril 2020 pour des faits de vol à l'arraché, puis le 25 mai 2020 pour des faits d'arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire de mineur de quinze ans, et enfin le 1er juillet 2020 pour des faits d'occupation sans droit ni titre d'un logement. Assigné à résidence selon arrêté du 24 avril 2020, il n'a pas respecté son obligation de se présenter deux fois par semaine auprès des services de la police. Il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charge de famille alors que ses parents et sa fratrie résident en Algérie. Si M. A... fait valoir qu'il est hébergé par une cousine et poursuit une formation d'agent polyvalent de restauration, à la date de la décision attaquée, il était sans ressources et sans logement. Eu égard à l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé dûment rappelés dans la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, et nonobstant la circonstance que les faits d'arrestation, enlèvement, séquestration ou détention provisoire arbitraire de mineur de quinze ans n'ont pas fait l'objet de poursuites ou de condamnations pénales, les motifs invoqués par le préfet de l'Isère sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans prononcée à l'encontre de M. A.... Par suite, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a inexactement apprécié les faits de l'espèce en estimant que la durée de trois ans dont la mesure d'interdiction de retour est assortie présente un caractère disproportionné au regard de la situation personnelle et du comportement de M. A.... Il appartient toutefois à la cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... dirigés contre la décision litigieuse.

Sur les autres moyens invoqués par M. A... :

4. En premier lieu, par arrêté du 10 février 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, tant accessible au juge qu'aux parties, le préfet de l'Isère a accordé une délégation de signature à Mme B..., sous-préfète, portant notamment sur les arrêtés d'obligations de quitter le territoire français assorties ou non d'une interdiction de retour sur le territoire français et fixant le pays de destination d'un ressortissant étranger. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué ne peut qu'être écarté.

5. En second lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 3, la décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur laquelle elle se fonde et est ainsi suffisamment motivée. Pour les mêmes motifs, il n'apparait pas que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de M. A....

6. Il découle de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français opposée à M. A... ainsi que la condamnation de l'Etat à verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, par suite, d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement.

Sur les frais du litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. A... la somme de 2 000 euros à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon du 7 juillet 2020, sous le n° 2004331, sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Isère lui interdisant de retourner sur le territoire français et les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... A.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01947
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : LAFORET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-11;20ly01947 ?
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