Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 6 janvier 2020 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 2000097 du 13 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 février 2020, M. E..., représenté par Me Dieye, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 janvier 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Isère du 6 janvier 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui remettre tout document de voyage en sa possession ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et l'interdiction de retour sur le territoire français :
- le préfet de l'Isère n'a pas préalablement procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;
- ces décisions portent atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et à son droit à se marier, en méconnaissance des articles 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, de l'article 23 du pacte des droits civils et politiques, du préambule de la Constitution de 1946 et de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français procède d'une erreur d'appréciation ;
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;
- elle a été adoptée en méconnaissance des droits de la défense ;
- elle n'est pas justifiée et est disproportionnée.
Par une ordonnance du 14 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme D... G..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant tunisien né le 7 avril 1993, relève appel du jugement du 13 janvier 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 6 janvier 2020 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et assignation à résidence.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français sans délai et l'interdiction de retour sur le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...). II. _ L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...). III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) ".
3. En premier lieu, le préfet de l'Isère, qui a rappelé les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a écarté l'existence de considérations humanitaires et a exposé les circonstances qui ont motivé la durée de cette mesure, a énoncé les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de M. E.... Par suite, M. E..., qui n'apporte aucune autre précision à l'appui de ce moyen, n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'est pas suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige, qui mentionne l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, que le préfet de l'Isère a, contrairement à ce que prétend M. E..., préalablement procédé à un examen de sa situation particulière. Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, par suite, être écarté, sans que ne puisse être utilement invoquée à son appui la prétendue erreur d'appréciation dont cet examen serait entaché.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".
6. M. E... déclare être entré en France en octobre 2017 sous couvert d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes, depuis expiré. A la date des décisions en litige, il résidait ainsi sur le territoire français depuis deux ans seulement, après avoir vécu jusqu'à l'âge de 24 ans dans son pays d'origine ou en Italie. S'il expose entretenir une relation avec une ressortissante française, Mme C..., il est constant que cette relation, débutée tout au plus au début de l'année 2018, était récente, sans qu'aucun enfant n'en soit issu et sans que les intéressés ne soient mariés, leur projet de mariage ayant été suspendu par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu pour suspicion de défaut d'intention matrimoniale. Si ce mariage a depuis été célébré, cette circonstance, postérieure aux décisions en litige, ne permet pas d'établir la réalité de leur relation, dont seule une brève attestation de Mme C... et quelques courriers adressés à leurs deux noms viennent témoigner. Il ne démontre pas davantage la nécessité de sa présence aux côtés des enfants de Mme C.... M. E... ne justifie, par ailleurs, d'aucune expérience professionnelle en France. Enfin, il est constant qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident notamment sa mère et sa soeur. Dans ces circonstances, il ne démontre nullement qu'ainsi qu'il le prétend, le centre de ses intérêts personnels et professionnels se trouvait sur le territoire français à la date des décisions en litige. Par suite, ces décisions, qui ne faisaient pas obstacle à son droit à se marier, ne peuvent être regardées comme portant au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit. Les moyens tirés de la méconnaissance des articles 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, de l'article 23 du pacte des droits civils et politiques, du préambule de la Constitution de 1946 et de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne doivent, en tout état de cause, être écartés.
7. En quatrième lieu, M. E... ne conteste pas qu'une obligation de quitter le territoire français sans délai pouvait être ordonnée à son encontre en application du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne se prévaut, eu égard à ce qui précède, d'aucune circonstance humanitaire. Par suite, et alors même que sa présence sur le territoire français ne constituerait pas une menace pour l'ordre public et qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur d'appréciation en assortissant sa mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire français, comme le permet le III du même article.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
8. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire (...) n'a pas été accordé (...). L'article L. 551-1 est applicable lorsqu'un étranger assigné à résidence en application du présent article :
a) Ne présente plus de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l'article L. 511-1 ; b) Présente un risque non négligeable de fuite, tel que défini aux 1° à 12° du II de l'article L. 551-1, dans le cas d'un étranger faisant l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge, en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 précité, ou d'une décision de transfert notifiée conformément à l'article L. 742-3. (...) ".
9. En premier lieu, pour justifier l'assignation en litige, le préfet de l'Isère, après avoir visé notamment l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a relevé que l'intéressé dispose d'une adresse, et ainsi de garanties de représentation permettant d'envisager son éloignement, et a remis son passeport, permettant ainsi que son éloignement demeure une perspective raisonnable. Il a donc énoncé les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision. Le moyen tiré de son insuffisante motivation doit, par suite, être écarté.
10. En deuxième lieu, il résulte de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie une mesure d'éloignement à l'étranger, laquelle est susceptible de donner lieu à une décision d'assignation à résidence. Aucune de ces dispositions n'obligeait le préfet à informer préalablement M. E... de son intention d'adopter à son encontre une mesure d'assignation à résidence. A supposer même qu'en invoquant le respect des droits de la défense, M. E..., qui ne se prévaut d'aucune disposition précise à l'appui de ce moyen, ait entendu se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, codifiant les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, celles-ci ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre de la décision en litige. Ce moyen doit dès lors être écarté.
11. Enfin, une obligation de quitter le territoire français sans délai ayant été prononcée à l'encontre de M. E..., le préfet de l'Isère a pu, en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assortir cette décision d'une assignation à résidence, sans que la circonstance, au demeurant non démontrée, que M. E... ne disposerait pas d'un moyen de transport ne permette à elle seule d'établir que cette mesure serait injustifiée ou disproportionnée.
12. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
13. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme F... A..., présidente de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme D... G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.
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N° 20LY00497