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11/02/2021 | FRANCE | N°19LY03381

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 11 février 2021, 19LY03381


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 21 novembre 2017 par laquelle le jury de l'examen du certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale (CAFERUIS) l'a déclaré non admis à l'examen pour la session de l'année 2017 et d'enjoindre au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes de le déclarer admis à cet examen pour la session de l'année 2017 ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de son mémoire par

un jury impartial et indépendant, au besoin dépaysé et ce dans un délai de deux...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 21 novembre 2017 par laquelle le jury de l'examen du certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale (CAFERUIS) l'a déclaré non admis à l'examen pour la session de l'année 2017 et d'enjoindre au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes de le déclarer admis à cet examen pour la session de l'année 2017 ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de son mémoire par un jury impartial et indépendant, au besoin dépaysé et ce dans un délai de deux mois.

Par un jugement n° 1800295 du 22 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération du jury de la session d'examen de novembre 2017 du certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale (CAFERUIS) en tant qu'elle a déclaré M. E... non admis et a enjoint au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes de procéder au réexamen de la situation de M. E... dans le délai de quatre mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 août 2019, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 juillet 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Lyon.

Il soutient que :

- le procès-verbal évoqué précise que la composition du jury a été fixée par un arrêté n° 17-283 qui lui est annexé ; cet arrêté mentionne l'ensemble des jurys ayant participé à la session d'examen de novembre 2017 ; ces documents ont été transmis au tribunal administratif ; le procès-verbal est signé du président du jury sans devoir être signé par l'ensemble des membres du jury ayant participé à la délibération ;

- la circulaire n° DGAS/4A/2004/412 du 2 septembre 2004, dans le paragraphe III 3.3. précise que dans un souci d'efficacité, lorsque le nombre de candidats le justifie, le jury peut, sur décision de son président, être organisé en groupes d'examinateurs ; le jury a été régulièrement constitué ainsi qu'en atteste la liste nominative des membres du jury ; si deux membres initialement désignés n'ont pu, en raison de problèmes de transport, se rendre sur les lieux de l'examen, n'alertant la direction régionale et départementale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRDJSCS) que le matin de l'épreuve, ces deux absences ne sont pas une cause d'annulation de la délibération compte tenu de ce que l'administration a été placée dans l'impossibilité matérielle de pourvoir en temps utile aux remplacements de ces deux membres ;

- la publicité de la composition du jury est sans influence sur la régularité de la délibération.

Par un mémoire, enregistré le 31 octobre 2019, M. E..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête d'appel présentée par le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes est irrecevable dès lors que seul le ministre intéressé pouvait relever appel du jugement en application des dispositions de l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative ;

- il ignorait la composition du jury d'examen et si les jurys étaient valablement composés et nommés ; l'arrêté n°17-283 du préfet la région Auvergne-Rhône-Alpes fixant la composition du jury de la session d'examen de novembre 2017 ne précise pas la composition exacte du jury ; la feuille d'émargement du jury ne permet pas de s'assurer de la régularité de sa composition ; l'arrêté n° 17-283 est taisant sur la possibilité de sous-jury ou sur la possibilité de réunir un jury plénier restreint ; la composition du jury ayant noté son mémoire et sa soutenance n'est pas indiquée ; deux membres du jury étaient absents ;

- la délibération n'est pas motivée ; les fiches d'évaluations ne sont pas datées et il n'est pas fait mention des auteurs de la notation et elles ne sont pas signées ; il manque à l'acte la délibération finale du jury ; l'auteur du courrier du 20 novembre 2017 lui reproche un plagiat et l'obscurité de la motivation de la décision peut être assimilée à un défaut de motivation ;

- la délibération est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la décision de non admission est la conséquence du plagiat supposé ; il n'est pas établi qu'il est l'auteur d'une contrefaçon et s'il a repris des éléments historiques dans son mémoire, ces éléments sont issus d'un site internet collaboratif nommé wikiterritorial, cnfpt ; il n'est pas interdit de reprendre les articles de ce site ; la reproduction des écrits issus du site ne l'a pas été en violation des droits de l'auteur ; le plagiat a été évoqué avant la délibération du jury ; la note sanctionne ce constat alors qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne permet une telle sanction ; il y a une incohérence entre l'appréciation et la note attribuée ;

- la délibération est entachée d'une erreur de droit dès lors les appréciations du jury ne répondent pas au référentiel résultant de l'annexe II de l'arrêté du 8 juin 2004 relatif au certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale ; ni la contextualisation du questionnement ni la mobilisation des connaissances actualisées ne sont à évaluer ; le maître de conférence qui a suivi son travail a certifié qu'il avait rempli ses obligations en termes de rendez-vous et de travail ; la critique relative à l'absence de prise en considération des usagers dans l'analyse du projet interroge dès lors que le sujet portait sur le service rendu aux usagers ; s'agissant de la soutenance, les appréciations relatives aux fonctions d'encadrant ne sont pas conformes au référentiel réglementaire ; les notes attribuées sont une sanction du plagiat allégué.

Par un mémoire, enregistré le 5 août 2020, le ministre des solidarités et de la santé demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 juillet 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Lyon ;

Il soutient que :

- il est seul compétent pour faire appel du jugement rendu par le tribunal administratif de Lyon sur un tel litige ;

- il entend s'approprier la requête d'appel présentée par le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes ;

- parmi les pièces produites figure la liste d'émargement comportant les noms et signatures des membres du jury ayant participé à la délibération et sur laquelle est relevée l'absence de deux membres du jury ; l'absence d'un des membres du jury n'est pas de nature à entacher d'illégalité la délibération attaquée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2004-289 du 25 mars 2004 portant création du certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale ;

- l'arrêté du 8 juin 2004 relatif au certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... E... est cadre socio-éducatif au sein du foyer départemental de l'enfance et de la famille de la Loire (FDEF) après avoir été chef de service d'une maison d'enfants à caractère social (MECS). En 2016, il s'est présenté au certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale (CAFERUIS) qui comporte quatre unités de formation et a obtenu les unités de formation 3, " expertise technique " et 4, " gestion administrative et budgétaire ". En 2017, il a obtenu l'unité de formation 2, " expertise technique ". Par une délibération du 16 novembre 2017, notifiée le 21 novembre 2017, le jury d'examen n'a pas admis M. E... au certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale compte tenu de ses notes dans l'unité de formation 1, " conception et conduite de projet ", où il a obtenu la note de 8 sur 20 pour la rédaction de son mémoire et la note de 3 sur 20 pour sa soutenance orale. Par un jugement du 22 juillet 2019, dont le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes et le ministre des solidarités et de la santé relèvent appel, le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération du jury de la session d'examen de novembre 2017 du certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale (CAFERUIS) en tant qu'elle a déclaré M. E... non admis et a enjoint au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes de procéder au réexamen de la situation de M. E... dans le délai de quatre mois.

Sur la recevabilité de l'appel du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes :

2. Aux termes de l'article R. 811-10 du code de justice administrative, " Devant la cour administrative d'appel, l'Etat est dispensé de ministère d'avocat soit en demande, soit en défense, soit en intervention. Sauf dispositions contraires, les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat. /Les ministres peuvent déléguer leur signature dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur. " et aux termes de l'article R. 811-10-1 du même code, " Par dérogation aux dispositions de l'article R. 811-10, le préfet présente devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat lorsque le litige est né de l'activité des services de la préfecture dans les matières suivantes : 1° Entrée et séjour des étrangers en France ; 2° Expulsion des ressortissants étrangers ; 3° Mise en jeu de la responsabilité de l'Etat du fait des dommages causés par les attroupements et rassemblements ; 4° Agrément et armement des agents de police municipale ; 5° Exercice des activités de surveillance, de gardiennage ou de transport de fonds ; 6° Réglementation des armes ; 7° Exercice de l'activité de conducteur et de la profession d'exploitant de taxi ; 8° Police des débits de boisson ; 9° Hospitalisation sous contrainte. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables dans la collectivité départementale de Mayotte. "

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque la notification d'un jugement rendu dans une matière autre que celles qui sont mentionnées à l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative doit être faite à l'Etat, l'expédition est adressée au ministre dont relève l'administration intéressée au litige ou au préfet lorsque celui-ci présente une demande en application du code général des collectivités territoriales. A défaut de notification régulière, le délai d'appel ne court pas.

4. Il est constant que le jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 juillet 2019 annulant, à la demande de M. E..., la délibération du 21 novembre 2017 par laquelle le jury l'a déclaré non admis à l'examen du certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale concernant la session 2017, n'a pas été notifié au ministre des solidarités et de la santé ni à aucun autre ministre, mais, en ce qui concerne l'Etat, seulement au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes qui avait représenté l'Etat devant le tribunal administratif. Dès lors que le litige n'entrait pas dans l'une des matières mentionnées à l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que, d'une part, seul le ministre des solidarités et de la santé avait compétence pour interjeter appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 juillet 2019 mais, d'autre part, et en l'absence de notification du jugement au ministre des solidarités et de la santé, le délai d'appel n'avait pas commencé à courir à son égard. Par suite, la requête présentée par le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes est irrecevable. Toutefois, la requête enregistrée le 5 août 2020 et présentée par le ministre des solidarités et de la santé est recevable.

Sur le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article R. 451-20 du code de l'action sociale et des familles, " Le certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale atteste des compétences nécessaires pour animer une unité de travail dans le champ de l'intervention sociale et conduire son action dans le cadre du projet et des missions de l'employeur. " Aux termes de l'article R. 451-24 du même code, " Le préfet de région nomme le jury du diplôme qui comprend : 1° Le directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, ou son représentant, président ; 2° Des formateurs ou des enseignants ; 3° Des personnalités qualifiées dans le domaine social ou médico-social ou dans le domaine de la gestion ; 4° Pour un quart au moins de ses membres, des représentants des professionnels de l'action sociale ou médico-sociale. "

6. Aux termes de l'article 7 du décret n° 2004-289 du 25 mars 2004 portant création du certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale, " Le préfet de région nomme le jury du diplôme qui comprend : - le directeur régional des affaires sanitaires ou sociales, ou son représentant président ; - des formateurs ou des enseignants ; - des personnes qualifiées dans le domaine social ou médico-social ou dans le domaine de la gestion ; - pour un quart au moins de ses membres, des représentants des professionnels de l'action sociale ou médico-sociale. " Aux termes de l'article 8 de ce même décret, " Le jury décide de la validation prévue aux articles 5 et 6 du décret du 26 avril 2002 susvisé et arrête la liste des candidats admis au certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale. "

7. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté n° 17-283 du 25 octobre 2017, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes a fixé la composition du jury de la session d'examen du certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale (CAFERUIS) pour la session de novembre 2017. Le jury plénier restreint, composé de 16 membres, a procédé, le 16 novembre 2017, à une délibération finale ainsi qu'en atteste le procès-verbal signé par Mme A... G..., présidente du jury, auquel est annexé la liste d'émargement des membres du jury plénier restreint, produite pour la première fois en appel, et comportant les noms et signatures des membres de ce jury plénier. Par suite, c'est à tort que, pour annuler la délibération du jury de la session d'examen de novembre 2017 du certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale (CAFERUIS) en tant qu'elle a déclaré M. E... non admis, le tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur le motif tiré de ce que la délibération ne mentionne pas les noms des membres ayant participé à la délibération en litige et ne comporte que la signature de la présidente du jury.

8. Il y a lieu toutefois pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens invoqués en première instance et en appel par M. E....

Sur la légalité de la délibération du 16 novembre 2017 du jury d'examen du certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale (CAFERUIS) en tant qu'elle a déclaré M. E... non admis :

9. Aux termes de l'article 9 de l'arrêté du 8 juin 2004 relatif au certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale, " Le référentiel de certification comprend quatre épreuves dont les objectifs sont précisés à l'annexe II du présent arrêté. Elles sont organisées comme suit : 1. Trois épreuves organisées en cours de formation par l'établissement de formation : - une épreuve relative à l'expertise technique ; - une épreuve relative au management d'équipe ; - une épreuve relative à la gestion administrative et budgétaire. /Chacune de ces épreuves est évaluée par deux examinateurs, l'un désigné par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales, l'autre par l'établissement de formation. /Chaque épreuve doit être validée séparément sans compensation des notes. Une épreuve est validée si le candidat obtient une note au moins égale à 10 sur 20. Les résultats obtenus aux épreuves sont portés au livret de formation du candidat. /Le préfet de région agrée le règlement des épreuves de certification organisées par l'établissement de formation dans les conditions précisées au titre IV du présent arrêté. /2. La réalisation d'un mémoire relatif au domaine de compétence " conception et conduite de projet " soutenu devant le jury composé conformément à l'article 7 du décret n° 2004-289 du 25 mars 2004. La rédaction du mémoire est notée sur 20 points, coefficient 2, la soutenance, d'une durée de 40 minutes, est notée sur 20 points, coefficient 1. Cette épreuve est validée lorsque le candidat a obtenu au moins 30 points sur 60. "

10. Aux termes du paragraphe 3 de la partie 3-3 de la circulaire n° DGAS/4A/2004/412 du 2 septembre 2004, relative aux modalités de la formation préparatoire au certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale et à l'organisation des épreuves de certification, du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, du ministre de la santé et de la protection sociale et du ministre de la famille et de l'enfance, " dans un souci d'efficacité, lorsque le nombre de candidats le justifie, le jury peut, sur décision de son président, être organisé en groupes d'examinateurs. L'organisation en groupes d'examinateurs doit être conforme, dans sa composition, au jury du certificat d'aptitude ".

11. La division du jury en groupes d'examinateurs est légalement possible si elle est nécessaire à l'organisation de l'examen, compte tenu notamment de la nature des épreuves et du nombre de candidats et qu'elle ne compromet pas l'égalité entre les candidats. En l'espèce, eu égard tant au nombre de candidats qui s'élevait à 160, qu'à la nature de l'épreuve consistant en la soutenance d'un mémoire relatif au domaine de compétence " conception et conduite de projet ", le jury a pu légalement se diviser en groupes d'examinateurs conformément aux dispositions de la circulaire précitée du 2 septembre 2004. Par suite, l'examen litigieux n'a pas été organisé en violation des dispositions précitées en ce qu'elles ne se sont pas limitées à un unique jury d'examen.

12. Il n'est pas sérieusement contesté que M. E... a été entendu par un des groupes d'examinateurs constitué au sein du jury et identifié sous le n° 08-03 concernant l'appréciation de son mémoire et la soutenance orale. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le jury qui a procédé à son évaluation était irrégulièrement composé.

13. M. E... fait valoir que deux membres du jury étaient absents et que, par suite, la composition du jury était irrégulière. Si, effectivement, la liste d'émargement mentionne l'absence de deux membres du jury, cette circonstance n'est pas, à elle-seule, de nature à entacher d'irrégularité la composition du jury dès lors qu'il n'est pas sérieusement contesté que l'administration a eu connaissance de l'empêchement de deux membres du jury le matin même du jour de la délibération litigieuse, soit dans un délai trop bref pour permettre à l'administration de procéder au remplacement de ces deux membres du jury.

14. Il ne résulte ni des dispositions du code de l'action sociale et des familles ou de celles issues du décret du 25 mars 2004 portant création du certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale et de l'arrêté du 8 juin 2004 ni de celles de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration que la délibération par laquelle le jury d'examen chargé d'apprécier les mérites des candidats à l'examen litigieux doit être motivée. Dès lors, le moyen tiré de ce que la délibération du jury ayant examiné le mémoire et apprécié sa soutenance orale est insuffisamment motivée doit être écarté.

15. Aucune disposition légale ou réglementaire n'impose, d'une part, de faire figurer le nom et la signature des membres du jury sur la fiche d'évaluation établie à la suite de l'entretien avec le candidat et, d'autre part, de joindre à la lettre notifiant la décision du jury concernant un candidat la délibération du jury d'examen dans son ensemble.

16. Il ressort de la fiche de notation afférant à l'appréciation écrite du mémoire de M. E... que la note de 8 sur 20 lui a été attribuée aux motifs " d'une contextualisation du questionnement superficielle, mobilisant des connaissances qui ne sont pas actualisées (cf. loi du 14 mars 2016 = protection de l'enfance). La méthodologie de projet n'est pas suffisamment maîtrisée. Les usagers ne sont pas pris en compte dans l'analyse du projet " et de la fiche de notation afférant à l'appréciation orale de la soutenance du mémoire que la note de 3 sur 20 a été attribuée à M. E... aux motifs que " Le candidat n'a pas réussi à problématiser le sujet du mémoire et n'évoque sa pratique qu'à partir d'anecdotes. Absence totale d'analyse. Des difficultés à répondre aux questions posées. Le candidat n'a pas démontré une compréhension de la fonction, de la posture, des enjeux liés aux métiers d'encadrant ". Par lettre du 20 novembre 2017, postérieurement à la délibération du jury d'examen, la présidente du jury a indiqué à M. E... que " le jury a tenu à souligner qu'au-delà du plagiat, c'est le niveau insuffisant relevé qui a entraîné la non-validation de l'unité de formation concernée et l'attribution des notes de 8/20 à l'écrit et de 3/20 pour la soutenance orale ". Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que les notes qui ont été attribuées par le jury résulteraient d'une appréciation étrangère à l'analyse du mémoire de l'intéressé portant sur " Les astreintes au foyer départemental de l'enfance vers un dispositif entièrement dédié " et sur la qualité de sa prestation orale. Ainsi ces notes ne constituent pas, dans les circonstances de l'espèce et contrairement à ce que soutient M. E..., une sanction du plagiat reproché à l'intéressé.

17. Il résulte de l'annexe II de l'arrêté du 8 juin 2004 relatif au certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale que le référentiel de certification précise pour l'unité de formation 1 " Conception et conduite de projets " les domaines de compétences évaluées. Pour la conception et la conduite de projet, l'évaluation doit porter sur la capacité à " concevoir et mettre en oeuvre un projet d'unité ou de service, participer à la construction de projets individuels ou collectifs et assurer leur suivi ". Pour l'évaluation, développement de la qualité, le jury doit apprécier la capacité du candidat à " évaluer le projet, l'organisation, le fonctionnement, les résultats, les prestations et l'action des intervenants et assurer et développer la qualité du service rendu ".

18. S'agissant de l'appréciation de son mémoire, M. E... fait valoir que ni la contextualisation du questionnement ni la mobilisation des connaissances actualisées ne sont à évaluer. Toutefois, la capacité à contextualiser le projet présenté en le mettant en relation avec d'autres faits ou d'autres projets dans le cadre légal applicable à la date à laquelle le candidat a rédigé son mémoire n'est pas étranger à la compétence évaluée à savoir " concevoir et mettre en oeuvre un projet " ou encore " évaluer le projet et ses résultats ". En se bornant à soutenir que le sujet de son mémoire porte sur le service rendu aux usagers, M. E... n'établit pas que l'appréciation du jury selon laquelle " Les usagers ne sont pas pris en compte dans l'analyse du projet " serait sans rapport avec le référentiel précité ou serait matériellement erronée. La circonstance que M. E... a été suivi par un maître de conférences qui fait état seulement du dispositif d'accompagnement et de ce que le mémoire est le fruit de la réflexion personnelle de M. E... n'est pas de nature à établir que la méthodologie de projet est suffisamment maîtrisée. S'agissant de la soutenance du mémoire, il n'est pas établi que les appréciations du jury selon lesquelles l'intéressé n'a pas démontré une compréhension de la fonction, de la posture et des enjeux liés aux métiers d'encadrant ne sont pas conformes au référentiel dès lors que l'appréciation de la capacité à concevoir et à mettre en oeuvre un projet, à évaluer l'organisation, le fonctionnement, les résultats, les prestations et l'action des intervenants sont en lien avec les responsabilités des encadrants et responsables d'unité d'intervention sociale qui, selon l'annexe I de l'arrêté précité " ont pour mission principale l'encadrement d'une équipe et des actions directement engagées auprès des usagers. Ils pilotent l'action dans le cadre du projet de service dans le respect du projet de l'organisation. Leur position d'interface leur confère une fonction spécifique de communication interne ". Par suite, M. E... n'établit pas que les évaluations du jury procéderaient de considérations étrangères au programme du certificat.

19. Il résulte de ce qui précède que le ministre des solidarités et de la santé est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération du jury de la session d'examen de novembre 2017 du certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale (CAFERUIS) en tant qu'elle a déclaré M. E... non admis et a enjoint au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes de procéder au réexamen de la situation de M. E... dans le délai de quatre mois.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 22 juillet 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Lyon et ses conclusions d'appel tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre des solidarités et de la santé. Copie en sera adressée au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.

2

N° 19LY03381


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03381
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-01-04-01 Enseignement et recherche. Questions générales. Examens et concours. Organisation.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : VILLAND GERALDINE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-11;19ly03381 ?
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