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11/02/2021 | FRANCE | N°19LY02592

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 11 février 2021, 19LY02592


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner la commune de Montbard à lui verser la somme de 55 240 euros en réparation du préjudice subi du fait de la chute de bicyclette dont il a été victime le 18 mars 2014, à titre subsidiaire d'ordonner une nouvelle expertise médicale, et de mettre à la charge de la commune de Montbard la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

La caisse primaire d'assura

nce maladie de la Côte-d'Or a, dans la même instance, demandé au tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner la commune de Montbard à lui verser la somme de 55 240 euros en réparation du préjudice subi du fait de la chute de bicyclette dont il a été victime le 18 mars 2014, à titre subsidiaire d'ordonner une nouvelle expertise médicale, et de mettre à la charge de la commune de Montbard la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or a, dans la même instance, demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner la commune de Montbard à lui verser la somme de 22 389,54 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre des prestations qu'elle a servies à son assuré, ainsi que la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et, subsidiairement, d'ordonner une nouvelle expertise.

Par un jugement n° 1800463 du 2 mai 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juillet 2019, M. C..., représenté par la SCP Maniere-Paget-F..., agissant par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800463 du 2 mai 2019 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de condamner la commune de Montbard à lui verser une somme de 55 240 euros en réparation du préjudice subi du fait de la chute de bicyclette dont il a été victime le 18 mars 2014 ;

3°) subsidiairement, de désigner avant-dire droit un expert médical afin d'évaluer et de chiffrer les postes de préjudice qui n'ont pas été examinés ou insuffisamment évalués par le premier expert ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Montbard la somme de 3 000 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa chute trouve son origine dans la présence d'un cassis, non signalé, d'une vingtaine de centimètres de hauteur, en travers du chemin de la Combe du Beugnon fréquemment emprunté par les cyclistes ; cet obstacle révèle un défaut d'entretien normal de la voie communale de nature à engager la responsabilité de la commune de Montbard ;

- il n'a pas commis d'imprudence ;

- l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Dijon n'a pas évalué l'ensemble des postes de préjudice de sorte qu'il sollicite une nouvelle expertise ;

- il a droit à :

* la somme de 15 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent subi ;

* la somme de 5 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire subi ;

* la somme de 8 000 euros au titre des souffrances endurées, évaluées par l'expert à 3,5/7 ;

* la somme de 5 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire subi ;

* la somme de 1 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent subi, évalué par l'expert à 1/7 ;

* la somme de 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

* la somme de 3 240 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, à raison de trois heures par jour durant trois mois ;

* la somme de 8 000 euros au titre de l'incidence professionnelle qu'il a subie et du retard subi dans sa formation professionnelle ;

* la somme de 5 000 euros au titre des dépenses de santé liées à des séances de kinésithérapie restées à sa charge avant et après la consolidation de son état de santé.

Par un mémoire enregistré le 19 septembre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or, représentée par la SELARL BDL avocats, agissant par Me B... G..., conclut à l'annulation du jugement n° 1800463 du 2 mai 2019 du tribunal administratif de Dijon, à la condamnation de la commune de Montbard à lui rembourser les débours engagés au bénéfice de son assuré à hauteur de la somme de 22 389,54 euros, à lui verser la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Montbard en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité pleine et entière de la commune de Montbard est engagée en raison du défaut d'entretien normal du chemin communal et de l'absence de signalisation du cassis à l'origine de l'accident de M. C... ; le caractère excessif de la vitesse de M. C... n'est pas démontré ;

- elle a engagé des frais hospitaliers, des frais médicaux, des pharmaceutiques et des frais de transport en lien avec cet accident à hauteur de la somme de 22 389,54 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 janvier 2020, la commune de Montbard, représentée par la société DSC avocats, agissant par Me E..., conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce que le préjudice subi par M. C... soit ramené à de plus justes proportions, et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête méconnaît les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et est ainsi irrecevable ;

- à titre subsidiaire, elle n'a commis aucune faute dans l'entretien du chemin dans la signalisation de l'ouvrage ;

- la chute de M. C... a été causée uniquement par sa négligence ;

- à titre infiniment subsidiaire, les préjudices doivent être évalués à de plus justes proportions.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la commune de Montbard.

Considérant ce qui suit :

1. Le 18 mars 2014, aux alentours de 14 heures, alors qu'il circulait à bicyclette, de type vélo tous terrains, M. C... a été victime d'une chute sur la voie communale dite du chemin de la Combe du Beugnon se trouvant sur le territoire de la commune de Montbard. M. C... a demandé au tribunal administratif de Dijon la condamnation de la commune de Montbard à réparer les conséquences dommageables de cet accident à raison d'un défaut d'entretien normal de la voie communale. La caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or, appelée à la cause, a demandé que la commune soit condamnée à lui rembourser ses débours, à hauteur de 22 389,54 euros. Par un jugement du 2 mai 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ces demandes. M. C... et la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or relèvent appel de ce jugement.

Sur la responsabilité de la commune de Montbard :

2. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.

3. Il résulte de l'instruction que le chemin de la Combe du Beugnon, en forte pente et qui longe une route départementale sur une longueur d'environ 650 mètres, permet de rejoindre deux parties agglomérées de Montbard en traversant un bois. Il est constant que M. C... a, sur cette portion de chemin, chuté sur une dénivellation en béton, formant un cassis d'une hauteur d'environ vingt centimètres sur toute la largeur de la voie, cet exhaussement ayant été érigé en 2012 afin de diriger les eaux pluviales vers un déversoir préexistant et de prévenir des inondations les habitations situées en contrebas. Il résulte de l'instruction que le chemin en cause est délimité, en amont, par une barrière en bois apposée sur toute la largeur de sa partie bitumée, destinée à en interdire l'accès aux véhicules et, à l'aval, par un escalier, dont il est constant qu'il n'est pas équipé d'une rampe permettant l'accès aux bicyclettes. Compte tenu de cette configuration particulière, et alors même qu'à la date de l'accident la circulation des deux roues n'y était pas expressément interdite, le chemin de la Combe du Beugnon devait ainsi être regardé comme principalement destiné à un usage piétonnier. En outre, à supposer même, comme le fait valoir M. C..., que ce chemin était alors fréquemment emprunté par des cyclistes, il est constant qu'il ne relevait pas d'un parcours reconnu et répertorié comme tel et qui aurait exigé de la commune de Montbard qu'elle en tienne compte dans son entretien. Eu égard à ces circonstances et à la vocation pédestre de ce chemin, le cassis en cause, visible sur toute la largeur du chemin, n'avait pas à faire l'objet d'une signalisation spécifique, alors que les éléments que constituent la barrière en bois et l'escalier délimitant cette portion de chemin étaient suffisants pour alerter les promeneurs, notamment cyclistes, sur les conditions d'usage de l'ouvrage. Cette dénivellation n'excède pas, en l'espèce et eu égard notamment à la vocation de la voie décrite ci-dessus, ce à quoi un cycliste utilisant un vélo tous terrains, prenant toutes les précautions qu'exigeait la situation, pouvait raisonnablement s'attendre à rencontrer sur un tel chemin. Dans ces conditions, la chute de M. C... trouve uniquement son origine dans son manque d'attention et son imprudence. Par suite, le lien direct de causalité entre la chute et l'état de l'ouvrage public n'est pas rapporté.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Montbard ni d'ordonner une expertise médicale, que M. C... et la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or relatives à l'indemnité forfaitaire de gestion ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les dépens :

5. Il résulte de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article R. 761-1 du code de justice administrative que, lorsque la partie perdante bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, et hors le cas où le juge décide de faire usage de la faculté que lui ouvre l'article R. 761-1 du code de justice administrative, en présence de circonstances particulières, de mettre les dépens à la charge d'une autre partie, les frais d'expertise incombent à l'Etat.

6. Les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Dijon, liquidés et taxés pour un montant de 800 euros par une ordonnance de son président du 10 juillet 2017, doivent être laissés à la charge de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale dont M. C... est bénéficiaire.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Montbard qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme à ce titre. Doivent, de même, être rejetées les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme que demande la commune de Montbard au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or sont rejetées.

Article 3 : Les frais d'expertise sont maintenus à la charge de l'Etat.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Montbard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à la commune de Montbard et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.

2

N° 19LY02592


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02592
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : MANIERE - PAGET - CHAMPENOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-11;19ly02592 ?
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