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11/02/2021 | FRANCE | N°19LY00273

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 11 février 2021, 19LY00273


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Denuzière 6 a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1705357 du 20 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 janvier, 30 août 2019 et 23 décembre 2020, la SCI Denuzi

re 6, représentée par Me C..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Denuzière 6 a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1705357 du 20 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 janvier, 30 août 2019 et 23 décembre 2020, la SCI Denuzière 6, représentée par Me C..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 novembre 2018 ;

2°) de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la différence de prix entre les lots cédés aux associés et les lots cédés à la fois aux tiers et à un associé ne résulte pas d'une volonté de fraude ou d'évasion fiscale mais se trouve être la simple conséquence d'une augmentation du coût du programme au cours de sa réalisation, comme cela est fréquent en matière de promotion immobilière ;

- la détermination du prix de vente des lots n'est pas lié à l'existence de liens capitalistique entre les associés de la SCI et la société Economiste de la construction, la SARL INGEGROUP ;

- elle a utilisé un modèle de contrat préliminaire de vente prévoyant un prix ferme ;

- la finalité du projet des six associés était d'abord personnelle et patrimoniale ;

- en tout état de cause, la différence apparaît insuffisante pour justifier une entorse aux principes de la TVA et si elle avait emprunté l'intégralité des fonds pour la réalisation de son projet immobilier, elle aurait supporté un surcoût de 136 633 euros et l'écart moyen de 14,55 % se réduit-il à 5,02 %.

Par un mémoire enregistré le 8 août 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la valeur vénale retenue pour les biens litigieux est significativement supérieure aux prix de vente constatés pour les six ventes aux associés de la société et les bénéficiaires sont étroitement liés au vendeur ;

- le chiffrage initial comportait des incertitudes manifestes que ne pouvaient ignorer les associés de la SCI et ces tarifs n'ont pas été proposés à d'autres personnes que les associés ;

- les écarts de prix étaient suffisants pour démontrer la perte pour l'administration fiscale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- les observations de Maître C..., représentant la SCI Denuzière 6 ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 janvier 2021, présentée pour la SCI Denuzière 6 ;

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Denuzière 6 qui exerce une activité de construction-vente d'immeubles a été constituée par six associés détenant chacun 16,67 % des parts sociales. Au mois de décembre 2011, elle a vendu en l'état futur d'achèvement, dix appartements avec garage ou parking d'un immeuble qu'elle avait acquis, le 5 août 2011, afin de le reconstruire. Six de ces appartements ont été vendus à chacun des six associés. Au mois de mars 2012, un autre appartement a été vendu à un des associés. La livraison de ces appartements a été réalisée au cours des mois d'avril et mai 2013. La SCI Denuzière 6 a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, à l'issue de laquelle l'administration, après avoir estimé que la requérante avait vendu des appartements à ses associés à un prix inférieur à leur valeur vénale et qu'eu égard aux liens existant entre le vendeur et les acheteurs, cette différence de prix résultait de la fraude ou de l'évasion fiscale, lui a adressé une proposition de rectification, le 17 juillet 2015, lui notifiant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, ainsi que des pénalités correspondantes. La SCI Denuzière 6 relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes.

2. Aux termes du I de l'article 257 du code général des impôts : " Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (...) " et aux termes du 2 de l'article 266 du même code : " En ce qui concerne les opérations mentionnées au I de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est assise : (...) / b. Pour les mutations à titre onéreux (...) sur : / Le prix de la cession (...) augmenté des charges qui s'y ajoutent ; / La valeur vénale réelle des biens, établie dans les conditions prévues à l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, si cette valeur vénale est supérieure au prix (...) augmenté des charges. ". Enfin, l'article L. 17 du livre des procédures fiscales dispose que : " En ce qui concerne les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits ou taxe, l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations./ La rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L. 55, l'administration étant tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations ".

3. Les dispositions de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales ont pour objet et pour effet de donner à l'administration la faculté de substituer, pour la détermination de l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée, la valeur vénale réelle du bien, au prix stipulé lorsque cette valeur vénale est supérieure. Conformément aux dispositions de l'article 27 de la sixième directive n° 77/388 du Conseil des communautés européennes, reprises aux dispositions de l'article 395 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, et aux termes de la demande française notifiée à la Commission européenne le 23 décembre 1977, il ne peut être recouru à ce mécanisme de substitution que dans le cas de livraisons d'immeubles et dans le but de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale. Dès lors que l'administration relève, d'une part, que les prix de locaux faisant l'objet de mutations ont été minorés et, d'autre part, que le vendeur et l'acheteur sont étroitement liés, elle peut, en application de l'article 27 de la sixième directive et du 2-b de l'article 266 du code général des impôts, substituer la valeur vénale des immeubles aux prix déclarés pour l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée à condition de rapporter la preuve que l'insuffisance du prix de vente des locaux résulte d'une volonté d'évasion fiscale au sens de l'article 27 de la sixième directive, l'importance de l'insuffisance de prix n'étant pas, à elle seule, de nature à établir une telle volonté d'évasion fiscale. Celle-ci, toutefois, se présume du seul fait de l'insuffisance significative du prix, lorsque les parties sont en relation d'intérêt, sauf preuve contraire apportée par le contribuable.

4. Afin d'établir la minoration du prix de vente des appartements vendus aux associés de la SCI Denuzière 6, l'administration a évalué le prix moyen de vente à des tiers de quatre appartements situés dans la même résidence et présentant des caractéristiques identiques qu'elle a comparés aux prix de vente des appartements vendus aux associés. Elle a constaté que les appartements vendus aux associés l'avaient été à des prix par dix-millième inférieurs de 13,87 % à 15,59 % pour cinq d'entre eux et de 25,42 % pour le sixième, pour finalement retenir une différence de 14,66 % en ce qui concerne le dernier appartement situé au rez-de-chaussée.

5. Toutefois, la requérante fait valoir que cet écart est justifié par les engagements financiers supportés à titre personnel par ses associés et qui ont été pour elle une source d'économie sur le prix de revient. Invitée par lettre du 7 décembre 2020 à verser au dossier, dans le délai de 15 jours, le calcul de la moyenne d'écart entre le prix convenu entre les parties et la valeur vénale des biens litigieux fixée par l'administration fiscale, qui est actuellement établie par l'administration à 14,66%, en y intégrant la rémunération que la SCI aurait supportée si elle avait emprunté l'intégralité des fonds pour la réalisation de son projet immobilier et la rémunération que la SCI aurait supporté si elle avait demandé à la banque de se porter caution à la place des associés, la requérante a produit en appel des calculs permettant d'évaluer à la somme de 136 633 euros le surcoût qu'elle aurait dû supporter si elle avait emprunté l'intégralité des fonds pour la réalisation de son projet immobilier. Elle en déduit que l'écart moyen entre les prix de vente des appartements vendus aux associés et ceux vendus à des tiers se trouve réduit à 5,02 %. L'administration, qui a reçu la même demande que la requérante, ne conteste pas les calculs ainsi présentés par la requérante. Dès lors, et en l'absence de démonstration de l'existence d'écarts de prix significatifs, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve de l'insuffisance du prix des cessions en cause.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la SCI Denuzière 6 est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SCI Denuzière 6 sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1705357 du 20 novembre 2018 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La SCI Denuzière 6 est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à la SCI Denuzière 6 une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Denuzière 6 et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.

2

N° 19LY00273

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00273
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-08-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : PHILIPPE MOULINIER CABINET JURIDIQUE ET FISCAL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-11;19ly00273 ?
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