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11/02/2021 | FRANCE | N°18LY04638

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 11 février 2021, 18LY04638


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 décembre 2018 et 27 septembre 2019, la société Parc Éolien des terres et vents de Ravières, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté n° PREF-SAPPIE-BE-2018-378 du 4 septembre 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande d'autorisation environnementale en vue d'exploiter un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Ravières, ensemble le rejet de son recours gracieux ;

2°)

d'enjoindre au préfet de l'Yonne de poursuivre l'instruction de sa demande d'autorisation...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 décembre 2018 et 27 septembre 2019, la société Parc Éolien des terres et vents de Ravières, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté n° PREF-SAPPIE-BE-2018-378 du 4 septembre 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande d'autorisation environnementale en vue d'exploiter un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Ravières, ensemble le rejet de son recours gracieux ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de poursuivre l'instruction de sa demande d'autorisation environnementale et d'engager la phase d'enquête publique, dans le délai d'un mois et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- le secteur d'entraînement à très basse altitude opposé pour fonder l'arrêté attaqué est dépourvu de toute valeur légale et règlementaire et il ne serait être opposé aux tiers notamment dans le cadre de l'instruction d'une demande d'autorisation environnementale ; la commune de Ravières est située en dehors des zones de servitudes et contraintes techniques dans le schéma régional éolien Bourgogne ; le secteur SETBA ne fait l'objet d'aucune publication ni dans les publication d'information aéronautique du service d'information aéronautique ni sur les cartes aéronautiques et n'est ainsi pas opposable ; en se fondant sur l'avis du ministre des armées le préfet a entaché son arrêté d'une illégalité ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur d'appréciation dès lors que la part occupée par le projet éolien sur la superficie du SETBA AUBE est négligeable et représente pour les trois parcs TVR n° 2, n° 3 et n° 4, une superficie de 0,05 % de cette zone ; il n'est pas démontré que la seule implantation d'un projet éolien au sein de ce secteur, à moins de 2,5 kilomètres de la bordure Sud, serait de nature à créer une contrainte préjudiciable à la sécurité des vols ; la localisation du projet, à la limite de la zone de 2 kilomètres, au regard des contraintes règlementaires qui s'imposent pour le survol de la commune de Ravières et de ses abords rend peu réaliste l'exploitation de ce secteur ; il appartient aux équipages de respecter les règles et devoirs de sécurité vis-à-vis des autres aéronefs, des personnes et des biens à la surface ; la carte aéronautique produite par le ministre est erronée et les risques induits par l'implantation du parc éolien ne sont pas démontrés.

Par mémoire enregistré le 30 août 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête de la société Parc Éolien des terres et vents de Ravières.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 4 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'aviation civile ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 10 octobre 1957 relatif au survol des agglomérations et des rassemblements de personnes ou d'animaux ;

- l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., pour la société Parc Éolien des terres et vents de Ravières ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Parc Éolien des terres et vents de Ravières demande à la cour d'annuler l'arrêté n° PREF-SAPPIE-BE-2018-378 du 4 septembre 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande d'autorisation environnementale en vue d'exploiter un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Ravières, parc " TVR n° 2 ", ensemble la décision du 18 décembre 2018 portant rejet de son recours gracieux.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 181-2 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l'article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : (...) 10° Autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité en application de l'article L. 311-1 du code de l'énergie (...) ". Aux termes de l'article L. 181-17 du même code : " Les décisions prises sur le fondement de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 181-9 et les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 181-32 du même code, dans sa version alors en vigueur : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme : 1° Le ministre chargé de l'aviation civile (...) ". Aux termes de l'article R. 181-34 du même code : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : (...) 2° Lorsque l'avis de l'une des autorités ou de l'un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable (...) ". Aux termes de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile : " À l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté susvisé du 25 juillet 1990 : " Les installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé des armées comprennent : a) En dehors des agglomérations, les installations dont la hauteur en un point quelconque est supérieure à 50 mètres au-dessus du niveau du sol (...) ".

4. En vertu de ces dispositions combinées, l'autorité administrative compétente pour délivrer une autorisation unique doit, lorsque la construction envisagée en dehors d'une agglomération est susceptible de constituer un obstacle à la navigation aérienne en raison de sa hauteur, saisir de la demande les ministres chargés de l'aviation civile et des armées afin de recueillir leur accord, de sorte que l'autorisation unique tienne lieu de l'autorisation prévue à l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, et qu'à défaut d'accord de ces ministres légalement fondés sur les risques d'atteinte à la sécurité de la navigation aérienne, l'autorisation doit être refusée.

5. Pour rejeter, lors de la phase d'examen, la demande d'autorisation environnementale présentée par la société Parc Éolien des terres et vents de Ravières en vue d'exploiter un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et un poste de livraison à Ravières, le préfet de l'Yonne s'est fondé sur l'avis défavorable de la direction de la sécurité aéronautique d'État du ministère des armées, émis le 7 août 2018, en raison de la localisation du projet dans un espace permanent (SETBA AUBE) dédié à l'entraînement au vol à très basse altitude, de jour à une hauteur inférieure à 150 mètres, exigeant une charge de travail très importante des équipages en raison de la proximité du sol, de la gestion de l'anti-abordage avec les autres usagers aériens et des trajectoires imposées par le déroulement tactique des missions ; qu'ainsi, le projet serait préjudiciable à la sécurité des vols et la réalisation des missions des forces armées.

6. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment de la cartographie aérienne du SETBA Aube dans la zone de Ravières et de la carte de France des SETBA que la pointe sud-ouest du SETBA couvre le nord de la commune et que, dans ce secteur, les aéronefs empruntent deux couloirs parallèles orientés sud-ouest/nord-est pour pénétrer dans le SETBA puis pour obliquer par un premier couloir vers le nord, ou, par un second couloir, vers l'est en longeant la limite sud du SETBA avant de simuler des missions d'attaques au sol ou des combats aériens ou de rentrer à leurs bases. Il s'ensuit que la partie du SETBA concernée par le lieu d'implantation du projet n'est utilisée que pour pénétrer dans le secteur et que les appareils n'y simulent pas d'exercices. En outre, les périmètres de sécurité tracés sur la cartographie du secteur autour des éoliennes projetées, et comprenant un rayon de 2 350 mètres afin de matérialiser le temps de réaction laissé aux pilotes d'aéronefs pour établir une trajectoire, soit la distance parcourue par un chasseur en 10 secondes de vol, n'empiètent pas sur le second couloir aérien, le plus proche des aérogénérateurs à implanter. Dès lors, ces ouvrages ne sont pas susceptibles de constituer un obstacle pour la navigation aérienne au sens de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile et que le ministre des armées, en émettant un avis conforme défavorable à la demande d'autorisation unique déposée par la société requérante pour le parc TVR n° 2, a méconnu les dispositions précitées.

7. Il suit de là que la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 4 septembre 2018 par lequel, le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande d'autorisation environnementale en vue d'exploiter un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Ravières, ensemble la décision du 18 décembre 2018 portant rejet de son recours gracieux.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 181-9 du code de l'environnement : " L'instruction de la demande d'autorisation environnementale se déroule en trois phases :1° Une phase d'examen ; 2° Une phase d'enquête publique ; 3° Une phase de décision. / Toutefois, l'autorité administrative compétente peut rejeter la demande à l'issue de la phase d'examen lorsque celle-ci fait apparaître que l'autorisation ne peut être accordée en l'état du dossier ou du projet (...) ".

9. En application de ces dispositions et compte tenu du motif d'annulation ainsi retenu, le présent arrêt implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que le préfet de l'Yonne reprenne l'instruction de la demande d'autorisation environnementale et, notamment, sollicite de nouveau un avis du ministre des armées, purgé du vice censuré. Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de lui impartir un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer d'astreinte.

Sur les frais du litige :

10. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'État, partie perdante, le versement d'une somme de 1 500 euros à la société Parc Éolien des terres et vents de Ravières.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté n° PREF-SAPPIE-BE-2018-378 du 4 septembre 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a rejeté la demande d'autorisation environnementale de la société Parc Éolien Terres et Vents de Ravières en vue d'exploiter un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Ravières, ensemble la décision du 18 décembre 2018 portant rejet du recours gracieux sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Yonne de poursuivre l'instruction de la demande d'autorisation environnementale dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à la société Parc Éolien des terres et vents de Ravières une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc Éolien des terres et vents de Ravières et au ministre de la transition écologique.

Copie sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.

N° 18LY04638


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04638
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : LPA CGR Avocats

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-11;18ly04638 ?
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