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09/02/2021 | FRANCE | N°19LY02573

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 09 février 2021, 19LY02573


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. J... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2017 par lequel le maire de Grignan a délivré un permis de construire de vingt-deux logements locatifs et de quatre villas à la société SDH constructeur ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre ce permis.

Par un jugement avant dire droit n° 1802915 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Grenoble a sursis à statuer sur cette demande en application de l'article L. 600-5-1 du

code de justice administrative.

Par un second jugement n° 1802915 du 15 octobr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. J... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2017 par lequel le maire de Grignan a délivré un permis de construire de vingt-deux logements locatifs et de quatre villas à la société SDH constructeur ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre ce permis.

Par un jugement avant dire droit n° 1802915 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Grenoble a sursis à statuer sur cette demande en application de l'article L. 600-5-1 du code de justice administrative.

Par un second jugement n° 1802915 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. B... ainsi que les conclusions présentées par la commune de Grignan et la société pétitionnaire sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

I - Par une première requête, enregistrée au greffe sous le n° 19LY02573 le 4 juillet 2019 et deux mémoires enregistrés les 4 décembre 2019 et le 3 février 2020, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. J... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 mai 2019, en tant qu'il écarte les autres moyens dirigés contre l'arrêté du 9 novembre 2017, ainsi que cet arrêté du 9 novembre 2017 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Grignan la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- sa demande ainsi que le recours gracieux contre le permis de construire ont été notifiés à la mairie et au pétitionnaire conformément à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- en tant que voisin immédiat, il a qualité pour agir, d'autant que le projet engendrera des préjudices de vues sur le château de Grignan depuis sa propriété, qu'il bénéfice d'une servitude de passage sur le terrain d'assiette du projet et subira des nuisances dues notamment au stationnement le long de sa propriété ;

- le dossier de permis de construire est incomplet au regard de l'article L. 431-10 du code de l'urbanisme, faute de comporter des photomontages et des prises de vues depuis le château afin que les services instructeurs, notamment l'architecte des bâtiments de France, puissent apprécier l'impact du projet dans l'environnement du château ;

- le permis méconnait le règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) de Grignan ; le projet prévoit d'araser les murs de clôture en moellons de pierre enduits alors que ces derniers sont des éléments traditionnels à conserver et à entretenir ; si l'AVAP dans sa version modifiée par délibération du 5 septembre 2017 permet de réduire la hauteur des murs de clôture, le règlement de l'AVAP modifié sur ce point, est illégal, dès lors que le conseil municipal n'était pas compétent pour procéder à cette modification ;

- le projet compte tenu de ses caractéristiques, notamment son caractère imposant, son aspect moderne et parce qu'il s'implante en lieu et place d'une parcelle à vocation agricole, méconnait les prescriptions du règlement de l'AVAP relatives aux vues panoramiques du secteur 1 ;

- le projet méconnait les prescriptions de l'AVAP relatives aux teintes des façades ; il prévoit une couleur de façade " B... cassé " qui ne s'intègre pas à son environnement ; le permis de construire qui comporte une prescription, laquelle renvoie à l'Architecte des bâtiments de France le soin de déterminer la teinte des façades du projet, est illégal ;

- le projet ne respecte pas les prescriptions du règlement de l'AVAP relatives aux cônes de vue applicables en secteur 1 et en secteur 3 ;

- le projet méconnaît l'article UA 1 du règlement du PLU de Grignan ;

- le projet méconnaît l'article UA 12 du règlement du PLU de Grignan ;

- le projet méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 11 septembre 2019 et 17 janvier 2020, la société SDH constructeur, représentée par la Selarl Cabinet Champauzac, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la Cour fasse usage de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et, en toute hypothèse, à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande de première instance est tardive, faute pour M. B... d'avoir notifié par lettre recommandée avec accusé de réception son recours gracieux auprès de la commune conformément à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, ce recours gracieux n'ayant pas conservé les délais de recours contentieux ;

- M. B... ne justifie pas d'un intérêt pour agir suffisant ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 18 novembre 2019 et 23 janvier 2020, la commune de Grignan, représentée par la SCP Deygas Perrachon et associés, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la Cour fasse usage des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et, en toute hypothèse, à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande de première instance est tardive, faute pour M. B... d'avoir notifié par lettre recommandée avec accusé de réception son recours gracieux auprès de la commune conformément à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, ce recours gracieux n'ayant pas conservé les délais de recours contentieux ;

- M. B... ne justifie pas d'un intérêt pour agir suffisant ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

II- Par une requête enregistrée au greffe sous le n° 19LY04257 le 21 novembre 2019, M. J... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 octobre 2019, ainsi que l'arrêté du 9 novembre 2017 et la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Grignan la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il se borne à statuer sommairement sur le moyen relatif à l'irrégularité de la délibération du conseil municipal de Grignan du 1er avril 2019 ;

- la délibération du conseil municipal de Grignan du 1er avril 2019 est illégale en ce qu'elle constitue une libéralité prohibée puisqu'elle met à la charge de la commune les frais d'entretien des voies et espaces communs au seul bénéfice des propriétaires du lotissement ;

- le dossier de permis de construire est incomplet au regard des articles L. 431-8 et L. 431-10 du code de l'urbanisme, faute de comporter des photomontages et des prises de vues depuis le château afin que les services instructeurs, notamment l'architecte des bâtiments de France, puissent apprécier l'impact du projet dans l'environnement du château ;

- le permis méconnait le règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) de Grignan ; le projet prévoit d'araser les murs de clôture en moellons de pierre enduits alors que ces derniers sont des éléments traditionnels à conserver et à entretenir ; si l'AVAP dans sa version modifiée par délibération du 5 septembre 2017 permet de réduire la hauteur des murs de clôture, le règlement de l'AVAP modifié sur ce point, est illégal, dès lors que le conseil municipal n'était pas compétent pour procéder à cette modification ;

- le projet compte tenu de ses caractéristiques, notamment son caractère imposant, son aspect moderne et parce qu'il s'implante en lieu et place d'une parcelle à vocation agricole, méconnait les prescriptions du règlement de l'AVAP relatives aux vues panoramiques du secteur 1 ;

- le projet méconnait les prescriptions de l'AVAP relatives aux teintes des façades ; il prévoit une couleur de façade " B... cassé " qui ne s'intègre pas à son environnement ; le permis de construire qui comporte une prescription, laquelle renvoie à l'Architecte des bâtiments de France le soin de déterminer la teinte des façades du projet, est illégal ;

- le projet ne respecte pas les prescriptions du règlement de l'AVAP relatives aux cônes de vue applicables en secteur 1 et en secteur 3 ;

- le projet méconnaît l'article UA 1 du règlement du PLU de Grignan ;

- le projet méconnaît l'article UA 12 du règlement du PLU de Grignan ;

- le projet méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 janvier 2020, la société SDH constructeur, représentée par la Selarl Cabinet Champauzac, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la Cour fasse usage de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et, en toute hypothèse, à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle reprend les fins de non-recevoir opposées en défense dans la requête n° 19LY02573 et fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mai 2020, la commune de Grignan, représentée par la SCP Deygas Perrachon et associés, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la Cour fasse usage des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et, en toute hypothèse, à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle reprend les fins de non-recevoir opposées en défense dans la requête n° 19LY02573 et fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu dans les deux affaires au 3 février 2020 par une ordonnance du 27 janvier 2020 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Par courrier en date 18 décembre 2020, les parties ont été informées, sur le fondement des dispositions de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme que la Cour était susceptible d'écarter comme irrecevable le moyen nouveau soulevé dans le mémoire enregistré au greffe le 3 février 2020 dans l'affaire n° 19LY02573 et tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

Un mémoire a été enregistré au greffe le 13 janvier 2021, pour M. B... et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I... H..., première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me E..., substituant Me D..., pour M. B..., celles de Me C... pour la commune de Grignan et celles de Me G... pour la société SDH constructeur ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 19LY02573 et 19LY04257 de M. B... concernent des jugements successivement rendus dans la même instance, les mêmes parties et le même permis. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par un seul arrêt.

2. Par un arrêté du 9 novembre 2017, le maire de Grignan a délivré à la Société d'HLM SDH constructeur un permis de construire un bâtiment de vingt-deux logements locatifs sociaux et quatre villas destinées à l'accession sociale, situés sur les parcelles cadastrées section C n° 1601 et 1602, en zone UA du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune. M. J... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler ce permis de construire. Par un jugement avant-dire droit du 28 mai 2019 pris sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et après avoir considéré que, parmi les moyens soulevés par M. B..., seul était fondé le moyen tiré de l'absence dans le dossier de demande de permis du projet de constitution d'une association syndicale ou d'une convention prévoyant le transfert dans le domaine de la commune de la totalité des voies et espaces communs une fois les travaux achevés, mentionnés à l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif a sursis à statuer sur la demande d'annulation qui lui était soumise jusqu'à l'expiration du délai de deux mois imparti aux défendeurs pour justifier de la délivrance d'un permis de construire modificatif régularisant le vice ainsi relevé. Par un jugement du 15 octobre 2019 mettant fin à l'instance, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté l'intervention d'un permis de construire modificatif du 29 juin 2019 et jugé que ce dernier avait purgé le vice dont était entaché le permis de construire en litige, a rejeté la demande de M. B.... Ce dernier relève appel de ces jugements des 28 mai et 15 octobre 2019.

Sur la requête n° 19LY02573 :

En ce qui concerne la légalité du permis de construire du 9 novembre 2017 :

S'agissant de la composition du dossier de permis de construire :

3. L'article R. 431-10 du code de l'urbanisme dispose que le projet architectural comprend : " (...) c) un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain ".

4. Le dossier de demande du permis de construire qui a été délivré le 9 novembre 2017 comporte des planches photographiques et un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, notamment par rapport au château de Grignan, proche. Alors que la liste des pièces exigibles par les services instructeurs est limitativement énumérée par les article R. 431-8 et suivants du code de l'urbanisme et alors que les bâtiments existants sur la parcelle d'assiette du projet, qui ont d'ailleurs vocation à être démolis, ne bénéficient d'aucune protection, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le dossier serait incomplet dès lors qu'il ne comporterait pas de vues du projet prises du château de Grignan. Par suite, le moyen selon lequel le dossier de demande du permis de construire ne serait pas conforme à l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme doit être écarté.

S'agissant du respect du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP)

5. En premier lieu, le requérant fait valoir que le projet, en ce qu'il prévoit d'écrêter un mur de clôture en moellons de pierre enduits existant, viole le règlement de l'AVAP adopté par délibération du 16 octobre 2016 qui prévoit que la hauteur de mur de clôture, lequel fait partie des éléments traditionnels à conserver et à entretenir, doit être conservée. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le règlement de l'AVAP en vigueur à la date d'édiction du permis de construire du 9 novembre 2017 est le règlement modifié par délibération du conseil municipal de la commune du 5 septembre 2017, lequel après avoir rappelé que les murs de clôtures traditionnels sont à conserver et à entretenir, autorise une modification de leur hauteur.

6. En deuxième lieu, le requérant soutient que le projet en litige a été autorisé au bénéfice d'un règlement d'AVAP tel qu'issu de la modification du 5 septembre 2017 illégal. M. B... fait valoir qu'en application de l'article L. 631-1 du code du patrimoine, cette modification relevait de la seule compétence du ministre chargé de la culture et non de la compétence du conseil municipal. Toutefois, l'article L. 631-1 ne concerne que la création de sites patrimoniaux remarquables et, s'agissant des AVAP existantes à la date de publication de la loi n° 2016-925 comme celle de Grignan, l'article 112 de cette loi dispose que " le règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (...) applicable avant la date de publication de la présente loi continue de produire ses effets de droit dans le périmètre du site patrimonial remarquable jusqu'à ce que s'y substitue un plan de sauvegarde et de mise en valeur ou un plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine ", que ce règlement " peut être modifié lorsqu'il n'est pas porté atteinte à ses dispositions relatives à la protection du patrimoine bâti et des espaces " et que " cette modification est prononcée par l'autorité compétente en matière de plan local d'urbanisme ". Alors que la commune de Grignan était compétente en matière d'élaboration du PLU à la date du 5 septembre 2017 et que l'évolution de l'AVAP en litige a le caractère d'une modification au sens des dispositions précitées, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la modification du règlement de l'AVAP est illégale pour ne pas avoir été décidée par le ministre chargé de la culture.

7. En troisième lieu, M. B... fait valoir que le projet, compte tenu de son caractère imposant, de son " aspect moderne " et parce qu'il s'implante en lieu et place d'une parcelle à vocation agricole, méconnait les prescriptions du règlement de l'AVAP qui disposent que " les vues panoramiques en belvédère depuis les rues du bourg et les terrasses du château sont à préserver de toute dégradation. Toute intervention concernant un immeuble bâti ou un espace libre, doit permettre le maintien et la mise en valeur de cette vue, une attention particulière est apportée au maintien des espaces agricoles et au paysage emblématique du secteur 3, les espaces jardinés du bourg ". Il ressort toutefois des pièces du dossier que les vues panoramiques du château ne sont pas significativement impactées par les constructions projetées, qui ne les obstruent pas. Par ailleurs, les parcelles d'assiette du projet s'implantent en zone UA, constructible et étaient pourvues de bâtiments existants lesquels ne font l'objet d'aucune protection particulière et lesquels ont d'ailleurs vocation à être démolis. Elles ne relèvent ainsi pas d'un espace agricole ou d'un paysage emblématique à préserver au sens et pour l'application des dispositions précitées du règlement de l'AVAP.

8. En quatrième lieu, le règlement de l'AVAP identifie des cônes de vue à préserver dans lesquels toute intervention concernant un immeuble bâti ou un espace libre, situé dans le cône de vue ainsi repéré, doit permettre le maintien et la mise en valeur des vues sans créer d'obstacle visuel. Si M. B... fait valoir que le projet ne préserverait pas les cônes de vue du château présents en zone 1 ainsi que les cônes de vues des espaces agricoles sur le château en zone 3, il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment du plan de zonage de l'AVAP que les cônes de vue de la zone 1 concernent des espaces situés à l'exact opposé des parcelles d'assiette du projet. Si un cône de vue situé en zone 3 serait susceptible de concerner le projet, il ressort toutefois des photographies versées aux débats que les bâtiments projetés s'insèrent dans un espace urbanisé, le long de la route départementale 14. Dans ces conditions, le projet litigieux n'entraîne pas de modification paysagère substantielle ni ne crée d'obstacle visuel sur les perspectives paysagères en direction du château.

9. En cinquième et dernier lieu, ce même règlement dispose que " les couleurs de façade sont à choisir dans la gamme des teintes du rocher de Grignan, afin de garantir une bonne intégration dans le paysage " et interdit le B..., le noir et les couleurs vives. Alors que le pétitionnaire prévoyait que les façades seraient recouvertes d'un enduit " B... cassé ", le permis de construire délivré le 9 novembre 2017 est assorti d'une prescription prévoyant que " Les façades seront enduites dans un ton proche des tonalités des anciens enduits visibles sur les édifices voisins. Le traitement sera identique au rez-de-chaussée et aux étages. La finition de l'enduit est frottassée ou talochée fin. Des échantillons d'enduits seront présentés à l'Architecte des Bâtiments de France avant réalisation ". Cette prescription, laquelle reprend d'ailleurs les recommandations de l'avis de l'Architecte des Bâtiments de France mentionnées dans son avis obligatoire, est suffisamment précise et porte sur une modification mineure du projet. Elle n'est dès lors pas illégale.

S'agissant de l'application du règlement du PLU de Grignan :

10. Si le requérant soutient tout d'abord que l'opération en litige relève de la qualification de lotissement, lesquels ne sont pas autorisés en zone UA en vertu de l'article UA 1, il ressort toutefois des pièces du dossier que le permis de construire en litige n'est pas une opération de lotissement mais un permis de construire valant division en jouissance de propriété relevant de l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme.

11. En second lieu, si l'article UA 12 du règlement du PLU de Grignan prévoit des dispositions relatives au stationnement des véhicules, l'article L. 151-35 du code de l'urbanisme dispose que : " Il ne peut, nonobstant toute disposition du plan local d'urbanisme, être exigé pour les constructions destinées à l'habitation mentionnées aux 1° à 3° de l'article L. 151-34 la réalisation de plus d'une aire de stationnement par logement (...) ". L'article L. 151-34 du code de l'urbanisme dispose que : " Le règlement peut ne pas imposer la réalisation d'aires de stationnement lors de la construction : 1° De logements locatifs financés avec un prêt aidé par l'Etat ; ". Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit la construction de vingt-deux logements locatifs financés par un prêt aidé par l'Etat ainsi que quatre villas destinées à l'accession sociale. Seuls les logements locatifs sociaux entrent dans le champ des dispositions précitées et nécessitaient, suivant les dispositions précitées de l'article L. 151-35 du code de l'urbanisme lesquelles s'appliquent nonobstant toute autre disposition du PLU, 22 places de stationnement et au maximum, en application des prescriptions du PLU lesquelles prévoient 1.5 places pour chaque logement de catégorie T3 à T5, 6 places de stationnement pour les logements destinés à l'accession à la propriété. Or, le projet qui propose 30 places de stationnement, est conforme aux dispositions précitées.

S'agissant de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme :

12. Aux termes de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative. / Le président de la formation de jugement, ou le magistrat qu'il désigne à cet effet, peut, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l'affaire le justifie. / Le présent article n'est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire. ".

13. Il ressort des pièces du dossier, notamment des notifications de l'application télérecours, que le premier mémoire en défense, produit en appel par la société pétitionnaire le 17 septembre 2019 a été adressé au conseil de M. B... dont il a accusé réception le même jour. En vertu des dispositions précitées de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme, lesquelles s'appliquent à la requête de M. B... enregistrée au greffe de la Cour le 4 juillet 2019, le requérant disposait alors d'un délai de deux mois pour présenter des moyens nouveaux. Or, le moyen tiré de la méconnaissance par le permis de construire du 9 novembre 2017 de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme a été soulevé pour la première fois dans un mémoire, lequel n'a d'ailleurs pas été communiqué, enregistré au greffe de la Cour le 3 février 2020 soit postérieurement au délai imparti de deux mois avant cristallisation automatique des moyens. Dans ces conditions, le requérant n'est pas recevable à soulever ce moyen, lequel devra, comme tel être écarté.

Sur la requête n° 19LY04257 :

14. Les parties peuvent, à l'appui de la contestation de l'acte de régularisation, invoquer des vices affectant sa légalité externe et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant-dire droit. Elles ne peuvent soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant-dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.

15. En premier lieu, M. B... soutient que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative, dès lors qu'il ne répond qu'au moyen tiré de l'absence de régularisation du permis de construire du 9 novembre 2017 et écarte, par prétérition, les autres moyens, nombreux, mentionnés dans ses écritures. Il ressort toutefois des principes exposés au point précédent que les premiers juges ont répondu au seul moyen opérant de la requête et n'avaient pas à répondre à nouveau à l'ensemble des moyens déjà écartés par la décision avant-dire-droit ni au moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, lequel n'est pas fondé sur des éléments révélés par la procédure de régularisation. Ainsi, le jugement attaqué est suffisamment motivé et le moyen tiré de son irrégularité doit être écarté.

16. En deuxième lieu, pour contester le permis de construire de régularisation du 29 juin 2019, le requérant excipe de l'illégalité de la délibération du conseil municipal du 1er avril 2019 que ce permis vise et qui autorise le maire à signer une convention prévoyant le transfert dans le domaine communal des voies et espaces communs, au motif que cette délibération met illégalement à la charge de la commune les frais d'entretien des voies et espaces communs au seul bénéfice des propriétaires du lotissement. Toutefois, le permis de construire du 29 juin 2019 n'étant pas un acte d'application de cette délibération, l'exception d'illégalité ainsi soulevée doit être écartée. En tout état de cause, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, cette possibilité est expressément prévue par l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme qui, en évoquant un " transfert ", dispose nécessairement que le changement de propriétaire intervient sans aucune contrepartie financière.

17. En troisième et dernier lieu, et compte tenu de ce qui a été dit au point 14, les autres moyens de la requête de M. B..., tirés de la méconnaissance des articles R. 111-2 et R. 111-27 du code de l'urbanisme, de la méconnaissance de l'article R. 431-10 du même code, de la méconnaissance des prescriptions du règlement de l'AVAP ainsi que du règlement du PLU de la commune de Grignan sont inopérants dès lors qu'ils ont déjà été écartés ou qu'ils ne sont pas fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation. Ainsi, le requérant ne peut utilement les reprendre en appel au soutien de sa contestation du permis de construire de régularisation du 29 juin 2019.

18. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a, dans le jugement du 28 mai 2019, rejeté le surplus de ses moyens dirigés contre le permis de construire du 9 novembre 2017 et, dans le jugement du 15 octobre suivant, rejeté finalement sa demande.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande M. B... au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge de la commune de Grignan, qui n'est pas partie perdante en appel. Il y a en revanche lieu de faire application de ces mêmes dispositions à l'encontre du requérant et de mettre à sa charge la somme de 1 000 euros à verser à la commune de Grignan et la somme de 1 000 euros à verser à la société SDH constructeur.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera d'une part, à la commune de Grignan la somme de 1 000 euros et d'autre part à la société SDH constructeur la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... B..., à la commune de Grignan et à la société SDH Constructeur.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme F... A..., présidente ;

M. Thierry Besse, président-assesseur ;

Mme I... H..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2021.

1

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N° 19LY02573-19LY04257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02573
Date de la décision : 09/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : LPA CGR Avocats

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-09;19ly02573 ?
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