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04/02/2021 | FRANCE | N°20LY00606

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 04 février 2021, 20LY00606


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 28 août 2018 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a suspendu à son égard le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile.

Par un jugement n° 1807342 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 février 2020, M. C..., représenté par Me B...,

demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er octobre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 28 août 2018 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a suspendu à son égard le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile.

Par un jugement n° 1807342 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 février 2020, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er octobre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 28 août 2018 du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

3°) d'enjoindre au directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de rétablir ses conditions matérielles d'accueil à compter du 28 août 2018, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. C... soutient que :

- la décision du 4 juillet 2018 le déclarant en fuite, soit, ce qui rend inintelligible cette décision, avant la fin du délai initial de transfert, est révélée par la décision litigieuse et est illégale ; s'il ne s'est pas présenté pour le " routing " prévu le 11 juillet 2018, c'est parce qu'il était hospitalisé ; il n'a donc eu aucun comportement actif et systématique de soustraction aux autorités ;

- son hospitalisation au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne du 25 au 27 juin 2018 constitue un motif légitime l'ayant empêché de se présenter à la gare le 11 juillet suivant, dès lors que son état nécessitait des soins continus ; l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a donc été méconnu ;

- l'article D 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu dès lors que sa vulnérabilité n'a pas été prise en compte.

La requête a été communiquée au directeur de l'Office de l'immigration et de l'intégration et au ministre de l'intérieur qui n'ont pas présenté d'observations.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- et les conclusions de Mme H..., rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant guinéen né le 20 juin 1993, a demandé le 7 décembre 2017 son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile. Le 6 mars 2018, le préfet de la Loire a décidé de le transférer vers l'Italie, Etat responsable, selon lui, de l'examen de sa demande d'asile. Le 28 août 2018, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a décidé de suspendre, à l'égard de M. C..., le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 744-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile (...) sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de la demande d'asile (...) Les conditions matérielles d'accueil comprennent les prestations et l'allocation prévues au présent chapitre (...) ". Aux termes de l'article L. 744-6 du même code : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d'accueil. Ces besoins particuliers sont également pris en compte s'ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d'asile. Dans la mise en oeuvre des droits des demandeurs d'asile et pendant toute la période d'instruction de leur demande, il est tenu compte de la situation spécifique des personnes vulnérables. / L'évaluation de la vulnérabilité vise, en particulier, à identifier les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines. ".

3. Aux termes de l'article L. 744-8 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile a abandonné son lieu d'hébergement (...), n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'information ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile (...) ". Et aux termes de l'article D. 744-35 de ce code : " Le versement de l'allocation peut être suspendu lorsqu'un bénéficiaire : (...) 2° Sans motif légitime, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'information ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile (...) ".

4. En l'espèce, pour suspendre les conditions matérielles d'accueil dont M. C... bénéficiait en tant que demandeur d'asile, le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration s'est fondé sur le fait que, convoqué par le préfet de la Loire pour un transfert vers le pays responsable de sa demande d'asile, M. C... ne s'était pas présenté et avait été déclaré en fuite le 4 juillet 2018.

5. Il ressort des pièces du dossier que les autorités italiennes ayant donné, le 12 février 2018, leur accord tacite à la reprise en charge de M. C..., le préfet de la Loire a convoqué M. C... le 26 juin 2018 en vue de le remettre aux autorités italiennes, le délai imparti au préfet pour exécuter son arrêté de transfert expirant, en principe, le 12 août 2018. Toutefois, si M. C... ne s'est pas présenté, le 26 juin 2018, à la convocation qui lui avait été faite en vue d'exécuter son transfert auprès des autorités italiennes, il ressort des pièces du dossier qu'il était hospitalisé depuis la veille au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, où il est demeuré jusqu'au 27 juin 2018, et où il ressort des certificats médicaux produits pour la première fois en appel qu'il a ensuite été pris charge pour des troubles de santé nécessitant un traitement médicamenteux et un suivi particulier. Ces éléments corroborent les difficultés psychiques dont M. C... a fait état dans un courrier adressé au préfet dès le 5 juillet 2018, expliquant selon lui sa non-présentation à la convocation pour son transfert en Italie. Dans ces conditions, M. C... disposait d'un motif légitime susceptible de justifier qu'il n'ait pas respecté, à une seule reprise, l'obligation de se présenter aux autorités, à laquelle il avait consenti au moment de l'acceptation initiale des conditions matérielles d'accueil. Ainsi, en suspendant le bénéfice desdites conditions matérielles d'accueil à M. C... au seul motif de sa non présentation le 26 juin 2018 à la convocation du préfet de la Loire, le directeur de l'office français de l'immigration et de l'intégration a méconnu les dispositions précitées.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. "

8. L'annulation, par le présent arrêt, de la décision du 28 août 2018 du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration suspendant le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile dont bénéficiait M. C..., implique nécessairement, compte tenu de son motif, que M. C... soit rétabli rétroactivement dans le bénéfice de ces conditions matérielles d'accueil, en particulier en ce qui concerne le versement de l'allocation pour demandeur d'asile. Toutefois, la cour n'est pas en mesure, au seul vu des écritures des parties, notamment en l'absence, en appel, d'écritures en défense de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et du ministre de l'intérieur, de procéder à la reconstitution exacte de la période au titre de laquelle M. C... a été illégalement privé du bénéfice de ces conditions. Par suite, il y a lieu, avant de statuer sur les conclusions de M. C... aux fins d'injonction, d'ordonner un supplément d'instruction tendant à la production par les parties, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, de toutes pièces ou observations permettant à la cour de déterminer :

1) Si le transfert de M. C... a été exécuté et, dans l'affirmative, à quelle date ;

2) Dans l'hypothèse où la France serait devenue responsable de la demande d'asile de M. C..., s'il a été statué sur cette demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, si oui, à quelle date ;

3) Si d'autres évènements sont susceptibles d'avoir une incidence sur la reconstitution, à laquelle il convient de procéder, de la période pendant laquelle M. C... a été illégalement privé du bénéfice des conditions d'accueil matériel des demandeurs d'asile.

Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me B..., avocat de M. C..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DECIDE :

Article 1er : La décision du 28 août 2018 du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et le jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er octobre 2019 sont annulés.

Article 2 : Avant de statuer sur les conclusions de M. C... aux fins d'injonction, il sera procédé à un supplément d'instruction tendant à la production par les parties de toutes pièces ou observations permettant à la cour de se prononcer sur les points mentionnés dans les motifs du présent arrêt au point 8.

Article 3 : Ces documents et observations devront parvenir au greffe de la cour administrative d'appel dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me B... la somme de 1 000 euros, au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à l'Office de l'immigration et de l'intégration et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme E..., présidente-assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2021.

2

N° 20LY00606


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00606
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : VRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-04;20ly00606 ?
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