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28/01/2021 | FRANCE | N°20LY02036

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 28 janvier 2021, 20LY02036


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2019 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet du Rhône, dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et fam

iliale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.

Par un jugement n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2019 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet du Rhône, dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1908246 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2020, Mme C... épouse D..., représentée par la SELARL BS2A Bescou et E... avocats associés, agissant par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 septembre 2019 du préfet du Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; la circonstance qu'elle n'a sollicité la délivrance d'un titre de séjour qu'en 2017 ne peut justifier la légalité des décisions ; la procédure de regroupement familial, qui entraîne une séparation entre les enfants avec l'un au moins des parents, est disproportionnée ;

- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il est de l'intérêt supérieur des enfants de vivre auprès de leur mère en situation régulière ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors que cette décision entraîne une séparation des enfants de l'un au moins des parents ; si le couple était dans l'obligation de reconstituer la cellule familiale en Algérie, son époux serait sans activité professionnelle et sans ressource pour élever leurs enfants ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de délivrance d'un titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., ressortissante algérienne née le 3 octobre 1994, est entrée en France le 7 mars 2015 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Le 13 août 2016, elle a épousé un compatriote, M. D..., titulaire d'un certificat de résidence de dix ans obtenu en qualité de conjoint de Français valable jusqu'au 27 janvier 2020. Le 29 mai 2017, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 30 septembre 2019, le préfet du Rhône a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... épouse D... relève appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2019.

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord francoalgérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précitées ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

3. Mme D... fait état de son mariage avec un compatriote titulaire d'une carte de résident de dix ans avec lequel elle a eu trois enfants. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie familiale. En l'espèce, Mme D... était en situation irrégulière lorsqu'elle a développé sa vie privée et familiale en France. Elle ne pouvait ignorer par suite qu'elle était susceptible de faire l'objet d'un refus de délivrance d'un titre de séjour accompagné d'une mesure d'éloignement. Elle ne peut se prévaloir, à la date de la décision attaquée, de l'ancienneté de son mariage avec son époux avec lequel elle s'est mariée le 13 août 2016. Si Mme D... indique que la contraindre à engager une procédure de regroupement familial apparait disproportionnée et implique une séparation du couple, elle n'établit pas, d'une part, qu'elle ne pourrait pas bénéficier du regroupement familial dès lors que son époux dispose de ressources financières et, d'autre part, la durée d'instruction de la demande de regroupement familial n'apparait pas, dans les circonstances de l'espèce, excessive. Par ailleurs, et nonobstant la circonstance que M. D... a créé une société d'achat, de vente de véhicules et des pièces détachées postérieurement à la décision critiquée, rien ne s'oppose à ce que les époux D..., eu égard à leur nationalité commune, puisse développer leur vie familiale en Algérie avec leurs enfants. En outre, Mme D... dispose d'attaches familiales en Algérie où résident ses parents et ses deux frères. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressée en France, le préfet n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel ladite décision a été prise. Par suite, il n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

4. En sa qualité de conjoint d'un ressortissant étranger séjournant régulièrement en France depuis plusieurs années sous couvert d'un titre de séjour, Mme D... entre dans les catégories qui ouvrent droit au regroupement familial. Elle ne peut dès lors utilement se prévaloir des stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

5. Contrairement à ce que soutient la requérante, le refus de délivrance d'un certificat de résidence, qui n'a ni pour objet ni pour effet de la séparer de son époux ou de ses enfants ni de l'empêcher de pourvoir à leur éducation et à leurs intérêts matériels, n'implique pas la séparation durable de la famille ni la rupture des liens affectifs entre l'un des deux parents et leurs enfants. Il existe de plus, en l'espèce, des possibilités de visite et de reconstitution de la cellule familiale en Algérie, pays dont le couple a la nationalité. Par suite, dans ces conditions, en refusant de délivrer le certificat de résidence sollicité, le préfet du Rhône n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des enfants de Mme D... protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

6. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le refus de délivrance d'un titre de séjour pris à l'encontre de la requérante n'est pas entaché d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité dudit refus de délivrance d'un titre de séjour ne peut être accueillie.

7. Pour les motifs énoncés au point 3, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Si Mme D... fait état de ce que la décision induit une séparation soit du couple soit d'avec ses enfants, ce risque de séparation résulte du maintien du domicile familial en France malgré la situation irrégulière de l'intéressée et la circonstance que son époux a créé une société postérieurement à la décision critiquée ou qu'il serait dans l'obligation de retrouver un emploi en Algérie pour pourvoir aux intérêts matériels de sa famille n'est pas de nature à faire obstacle à la reconstitution de la cellule familiale en Algérie. Par suite, et eu égard à ce qui a été dit au point 5, la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

9. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme D... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône .

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.

2

N° 20LY02036


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02036
Date de la décision : 28/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-28;20ly02036 ?
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