Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 10 juin 2020 par lequel le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an avec un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour et d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à exercer une activité salariée dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2003135 du 23 juin 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a admis provisoirement M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 juin 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 juin 2020 du préfet de la Savoie ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour lui permettant d'exercer une activité salariée dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant l'Algérie comme pays de renvoi :
- les décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa vie privée et familiale se situe en France ; les deux enfants du couple y sont scolarisés ; son épouse et lui-même sont parfaitement intégrés ainsi qu'en atteste les 120 signatures d'une pétition ; il a obtenu une promesse d'embauche en qualité d'agent d'entretien ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux et attentif de sa situation ;
- les décisions méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que ses deux enfants sont scolarisés en France et sont parfaitement intégrés ;
Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
- la décision est insuffisamment motivée dès lors que si le préfet indique qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes et qu'il existe un risque qu'il se soustraie à la décision, il n'indique pas en quoi ce risque existerait ;
- la décision est illégale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet s'est abstenu de procéder à un examen attentif et particulier de sa situation ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'existe pas de risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement ;
Sur la décision interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et de signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen :
- la décision interdisant son retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est présent avec son épouse et leurs enfants sur le territoire français depuis le 15 mai 2018, qu'il n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a vocation à vivre en France et qu'il est bien intégré.
M. A... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant algérien né le 31 octobre 1980, est entré en France le 15 mai 2018 avec son épouse et leurs deux enfants. A la suite d'un contrôle d'identité, le préfet de la Savoie a, le 10 juin 2020, pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français et fixation du pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. M. C... fait valoir que sa vie privée et familiale se situe en France compte tenu de ce qu'il y vit depuis 2018 avec son épouse et leurs enfants qui sont scolarisés et de ce qu'ils sont parfaitement intégrés. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer sa vie privée et familiale. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'entrée de l'intéressé en France est récente et qu'avant l'intervention de la décision critiquée, il n'a effectué aucune démarche en vue de régulariser sa situation administrative. Son épouse, de même nationalité, est elle-même en situation irrégulière. Il n'établit ni être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans ni que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer en Algérie alors que ses deux enfants, eu égard à leur jeune âge et à la courte durée de leur scolarisation en France, pourraient poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, et nonobstant la circonstance qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, la décision faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié font obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre ou que cette mesure méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
4. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Savoie se serait abstenu de procéder à un examen sérieux de la situation de M. C....
5. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il en résulte que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. Ainsi qu'il a été dit au point 3, M. C... ainsi que son épouse sont tous les deux en situation irrégulière en France et ne justifient pas de l'existence d'obstacles à la poursuite de leur vie familiale avec leurs enfants, nés le 16 août 2011 et le 6 février 2015, dans leur pays d'origine. Eu égard notamment à l'âge de ces enfants et à leur courte durée de scolarisation en France à la date de la décision querellée, il n'est pas davantage établi que les enfants de M. C... ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Algérie. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
7. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...)./ Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. "
8. M. C... fait valoir que la décision par laquelle le préfet de la Savoie a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée. Toutefois, la décision mentionne les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que M. C... ne présente pas de garanties de représentations suffisantes dans la mesure où bien qu'en possession d'un passeport en cours de validité, il ne peut justifier d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ; qu'il déclare avoir été pris en charge par le 115 et être hébergé dans un hôtel en Isère ; qu'il s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; qu'il ne justifie pas disposer de moyens d'existence, de la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris, d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France ainsi que de garanties de rapatriement ; qu'il a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français en déclarant refuser de repartir en Algérie et vouloir rester en France ou se rendre en Italie où il ne dispose d'aucun droit au séjour. Par suite, la décision critiquée, qui comporte un énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre du requérant n'est pas entachée d'illégalité et n'encourt pas l'annulation. Par suite, le requérant n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire.
10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Savoie se serait abstenu de procéder à un examen sérieux de la situation de M. C... et qu'il aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et de signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen :
11. Les moyens invoqués à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français.
12. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. "
13. La décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an précise que l'intéressé est dépourvu de toutes attaches familiales en France et ne justifie pas en être dépourvu dans son pays d'origine où réside sa famille, que son épouse est dans la même situation administrative que lui, que la cellule familiale, composée du couple et de leurs deux enfants mineurs pourra se reconstituer dans le pays d'origine, que son entrée sur le territoire français est récente et qu'il n'a engagé aucune démarche en vue de régulariser sa situation administrative.
14. Pour les mêmes raisons que celles qui ont été précédemment exposées, les moyens tirés de la méconnaissance du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur d'appréciation dont serait entachée la décision d'interdiction de retour sur le territoire français au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de M. C... doivent être écartés.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que ses conclusions tendant à ce que soient mis à la charge de l'État les frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021 .
N° 20LY01778 2