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28/01/2021 | FRANCE | N°19LY01964

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 28 janvier 2021, 19LY01964


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'enjoindre à la commune de Saint-Rambert-d'Albon de réaliser des travaux d'insonorisation préconisés par l'expert dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de condamner la commune de Saint-Rambert-d'Albon à leur verser la somme de 91 233 euros en réparation des préjudices subis du fait du fonctionnement de la salle des fêtes communale.

Par un jugement

n° 1605270 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'enjoindre à la commune de Saint-Rambert-d'Albon de réaliser des travaux d'insonorisation préconisés par l'expert dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de condamner la commune de Saint-Rambert-d'Albon à leur verser la somme de 91 233 euros en réparation des préjudices subis du fait du fonctionnement de la salle des fêtes communale.

Par un jugement n° 1605270 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Saint-Rambert-d'Albon à verser à M. et Mme D... la somme de 10 000 euros, a mis les frais d'expertise à la charge définitive de la commune de Saint-Rambert-d'Albon et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mai 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 18 novembre 2019, Mme et M. D..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du 2 avril 2019 en tant que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant, d'une part, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Saint-Rambert-d'Albon d'insonoriser la salle des fêtes communale et, d'autre part, à ce que la commune de Saint-Rambert-d'Albon soit condamnée à les indemniser du préjudice financier subi lié à la perte de valeur vénale de leur bien immobilier ;

2°) d'enjoindre à la commune de Saint-Rambert-d'Albon de réaliser les travaux préconisés par l'expert sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

3°) de condamner la commune de Saint-Rambert-d'Albon à leur verser la somme de 98 233 euros en réparation du préjudice financier subi et lié à la perte de la valeur vénale de leur bien immobilier ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Rambert-d'Albon la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité de la commune de Saint-Rambert-d'Albon est engagée dès lors que le maire de la commune n'a pas fait usage de ses pouvoirs de police dans des conditions permettant de mettre fin aux atteintes portées à la tranquillité publique du fait du fonctionnement de la salle des fêtes ; dès le 27 juin 2014, le maire de la commune a été mis en demeure de réaliser des travaux d'insonorisation et, à la suite du dépôt du rapport d'expertise, la commune n'avait toujours pas entrepris de réaliser les travaux recommandés par l'expert ;

- la responsabilité de la commune est engagée sur le terrain de la carence fautive du maire dans la mise en oeuvre de ses pouvoirs de police et consistant à réglementer l'utilisation de la salle des fêtes ; l'expert relève également que la salle des fêtes n'a pas été soumise à une étude d'impact des nuisances sonores conformément aux articles R. 571-25 à R. 571-30 du code de l'environnement avant sa mise en service ;

- la responsabilité sans faute de la commune peut également être recherchée en raison du fonctionnement de l'ouvrage public ; l'expert a relevé que le fonctionnement de la salle des fêtes était la cause de nuisances sonores anormales provenant des éléments de la structure et de la présence de ventilateurs extérieurs ou d'extracteurs ;

- le tribunal administratif de Grenoble a fait une juste appréciation des troubles dans leurs conditions d'existence en leur allouant la somme de 10 000 euros ;

- le tribunal administratif a, à tort, estimé que les travaux avaient été réalisés par la commune à la fin de l'année 2017 alors que les travaux préconisés par l'expert n'ont pas été réalisés ; si une délibération du 15 mars 2017 a autorisé le maire à solliciter une subvention pour le programme d'insonorisation de la salle des fêtes, il ne s'agit pas de la preuve de la réalisation effective des travaux ; la délibération ultérieure du 10 novembre 2017 par laquelle le conseil municipal a approuvé les signatures des marchés d'architecture et de travaux d'insonorisation de la salle des fêtes n'établit pas plus la réalisation des travaux ; le 30 novembre 2018, ils ont signé un compromis de vente de leur maison qui précise qu'à cette date une procédure est en cours en raison des nuisances sonores, preuve de l'absence de réalisation des travaux ;

- les nuisances sonores font partie des causes directes de la perte de la valeur vénale de leur propriété et les autres causes de la perte de valorisation du bien sont plus mimines et régularisables ; ils ont acquis le terrain pour la somme de 80 000 euros le 26 novembre 2012, ont fait construire leur maison pour la somme de 166 233 euros et ont revendu leur propriété pour un montant de 156 000 euros, dont 8 000 euros de mobilier ; le différentiel représente une perte de 98 233 euros ;

- le procès-verbal de réception des travaux ne permet pas de vérifier que les travaux litigieux sont conformes aux préconisations de l'expert judiciaire ; si la commune fait état d'un bordereau de pièces qui aurait été transmis au tribunal administratif, ces pièces n'ont jamais été transmises en première instance de sorte que le tribunal administratif ne pouvait considérer que les travaux d'insonorisation ont été réalisés ; postérieurement aux travaux, ils se sont plaints des nuisances provenant de la salle des fêtes ; le compromis de vente du 30 novembre 2018 et l'acte authentique du 26 mars 2019 font état de la procédure engagée contre la commune, ce qui démontre que les travaux n'ont pas été réalisés à la date citée par la commune ;

- le prix de la réalisation de la maison n'incluait pas les finitions et la terrasse ; s'agissant de l'achèvement de la réalisation du chemin d'accès, cet achèvement incombait aux propriétaires indivis du chemin et ils ne pouvaient réaliser de tels travaux sans l'autorisation des autres propriétaires ; la circonstance qu'ils ont fait construire leur bien postérieurement à l'édification de la salle des fêtes est inopérant dès lors qu'ils n'avaient pas à subir des troubles anormaux de voisinage en raison d'un niveau sonore supérieur à celui qui est toléré.

Par des mémoires, enregistrés le 11 septembre et le 3 décembre 2019, la commune de Saint-Rambert-d'Albon, représentée par la SELARL Jean-Michel et Sophie E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge des époux D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- si les époux D... persistent à indiquer que les travaux d'insonorisation n'auraient pas été réalisés, la commune a confié à un cabinet d'architecture la maîtrise d'oeuvre des travaux selon un bon de commande du 3 mars 2017 ; les travaux ont été réceptionnés le 22 décembre 2017 ; par suite, les conclusions à fin d'injonction sont devenues sans objet ; elle justifie qu'elle a communiqué les pièces numérotées 21 à 25 le 7 mars 2019 au tribunal administratif et les pièces 26 à 34 le 14 mars 2019 ; la pièce 26 constitue la facture d'honoraires du cabinet d'architecture du 17 janvier 2018 dont l'objet est l'isolation phonique des ventilations de la salle des fêtes ; les pièces 27 à 32 constituent les factures d'intervention des prestataires concernant les travaux d'isolation réalisés ;

- s'agissant du préjudice financier, l'avis de valeur du 6 septembre 2016 fait état de travaux de finitions restant à terminer ainsi que d'aménagements des terrasses, de la cour, de clôtures partiellement réalisés et que l'ensemble ne permet pas une bonne valorisation du bien ; l'agence immobilière relève également que le chemin d'accès n'est pas achevé ; cela manifeste que la maison d'habitation n'a pas été achevée par les époux D... ; ils ont acquis leur maison à usage d'habitation postérieurement à la construction de la salle des fêtes ; la vente a été conclue postérieurement à la réalisation des travaux d'insonorisation qui ont été achevés en décembre 2017 ; par suite, la perte de la valeur vénale de la propriété ne saurait être liée aux nuisances sonores, les travaux ayant remédié à ces problèmes acoustiques dès le mois de décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public ;

- et les observations de Me E..., représentant la commune de Saint-Rambert-d'Albon.

Considérant ce qui suit :

1. Le 26 novembre 2012, M. et Mme D... ont acquis des parcelles de terrain cadastrées section B 1802 et 1804 situées 4 rue du Levant à Saint-Rambert-d'Albon et sur lesquelles ils ont fait édifier une maison d'habitation qu'ils ont occupée à compter du 24 août 2013. La salle des fêtes communale jouxte leur propriété. Le 13 février 2014, les époux D... ont informé le maire des nuisances sonores occasionnées par les soirées organisées dans la salle des fêtes. Par courrier du 5 juin 2014, le maire de la commune s'est engagé à faire réaliser une étude acoustique qui n'a pas été effectivement menée en raison du désaccord entre les époux D... et la commune sur les modalités de sa prise en charge financière et de sa mise en oeuvre. Estimant subir des préjudices à raison du fonctionnement de cette salle, les époux D... ont saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la désignation d'un expert. Par une ordonnance du 7 mai 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a désigné M. C... en qualité d'expert. Celui-ci a déposé son rapport le 27 avril 2016 et a préconisé la réalisation de travaux aux fins de remédier aux nuisances sonores. Le 13 avril 2016, la commune de Saint-Rambert-d'Albon a indiqué accepter de réaliser les travaux mais n'a entrepris aucune démarche en ce sens. Le 16 septembre 2016, les époux D... ont saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant, d'une part, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Saint-Rambert-d'Albon de réaliser les travaux d'insonorisation préconisés par l'expert et, d'autre part, à ce que la commune de Saint-Rambert-d'Albon soit condamnée à les indemniser des préjudices subis du fait du fonctionnement de la salle des fêtes. Par un jugement du 2 avril 2019, dont M. et Mme D... demandent la réformation, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Saint-Rambert-d'Albon à verser à M. et Mme D... la somme de 10 000 euros, a mis les frais d'expertise à la charge définitive de la commune de Saint-Rambert-d'Albon et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Sur la responsabilité de la commune de Saint-Rambert-d'Albon :

2. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / (...) / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui perturbent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) ". Il incombe au maire, en vertu des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, de prendre les mesures appropriées pour empêcher sur le territoire de sa commune les bruits excessifs de nature à troubler le repos et la tranquillité des habitants.

3. Aux termes de l'article R. 1334-31 du code de la santé publique : " Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité ". Aux termes de l'article R. 1334-32 du même code : " Lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1334-31 a pour origine (...) une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, et dont les conditions d'exercice relatives au bruit n'ont pas été fixées par les autorités compétentes, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1334-33, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article ". Aux termes de l'article R. 1334-33 de ce code : " L'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause. / Les valeurs limites de l'émergence sont de 5 décibels A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 dB (A) en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif en dB (A), fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier (...) ".

4. Il appartient au maire d'une commune d'éviter que le bruit engendré par les manifestations autorisées dans une salle communale ne porte une atteinte excessive à la tranquillité publique et méconnaisse les normes maximales d'émission fixées par le code de l'environnement et le code de la santé publique, en faisant notamment usage, en cas de besoin, des pouvoirs de police municipale qui lui sont confiés par l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ou, le cas échéant, des pouvoirs de police spéciale dont il dispose en vertu des articles L. 1311-1 et suivants et R. 1311-1 et suivants du code de la santé publique qui renvoient au code de l'environnement. D'autre part, il appartient à la commune, propriétaire et gestionnaire d'une telle salle, de prendre, sans préjudice des mesures de police relevant de la compétence propre du maire, les mesures nécessaires pour que les nuisances résultant de son fonctionnement n'excèdent pas, par leur intensité, leur fréquence ou leur durée, les sujétions inhérentes au voisinage d'un ouvrage public, notamment en réglementant l'utilisation de la salle ou en décidant de renforcer son insonorisation.

5. Il résulte de l'instruction que dès le 13 février 2014, les époux D... ont informé le maire de la commune de Saint-Rambert-d'Albon des nuisances sonores provoquées par la diffusion de musique amplifiée à l'intérieur de la salle des fêtes communale et par son système de ventilation. Si la commune s'est engagée, le 5 juin 2014, à réaliser une étude acoustique, cette étude n'a pas été réalisée compte tenu de ce que la commune a refusé de prendre en charge la totalité de son coût alors qu'il lui appartenait de supporter le coût d'une telle étude nécessaire pour s'assurer que le fonctionnement de la salle des fêtes, dont la commune est propriétaire, est conforme à la réglementation en vigueur. Il résulte du rapport d'expertise, remis le 27 avril 2016, que l'expert a indiqué que la gêne au sens des dispositions réglementaires précitées issues du code de la santé publique " est constatée en valeurs pondérées (dB(A)) tant pour la perception de la musique que pour le bruit des extracteurs. L'absence d'un sas efficace ne fait qu'aggraver le problème. La gêne est essentiellement due à l'existence d'orifices contenant des ventilateurs obsolètes. Tant le bruit de ces ventilateurs que la transmission directe des musiques via ces orifices sont les causes de la gêne sans qu'il soit nécessaire de faire la part de chacun. Vu les heures de fonctionnement, les niveaux atteints dans les chambres à coucher sont susceptibles de troubler gravement le sommeil, donc potentiellement d'altérer la santé. La jouissance du jardin est troublée par la nuisance sonore en cas d'utilisation le soir en été ". L'expert a conclu que " la salle des fêtes communale est source de nuisances sonores " et que " les émergences mesurées constituent un trouble anormal de voisinage " et a préconisé la réalisation de travaux. Le maire de la commune de Saint-Rambert-d'Albon n'a saisi que le 15 mars 2017 son conseil municipal pour être autorisé à solliciter une subvention dans le cadre de la dotation de soutien à l'investissement public local pour l'insonorisation de la salle des fêtes. En ne donnant pas plus rapidement une suite effective aux doléances des époux D... pour prendre des mesures appropriées à la situation portée à sa connaissance plus de trois ans auparavant, le maire de la commune de Saint-Rambert-d'Albon a manqué aux obligations qu'il tient, en sa qualité d'autorité de police administrative, des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales sans qu'il puisse se prévaloir de la circonstance que les époux D... ne pouvaient ignorer les inconvénients résultant de la proximité de la salle des fêtes préexistante compte tenu du non-respect des prescriptions réglementaires relevé par le rapport d'expertise. Par suite, le maire de la commune de Saint-Rambert-d'Albon a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Rambert-d'Albon.

Sur l'évaluation des préjudices :

6. Les époux D... font valoir que si le tribunal administratif de Grenoble a fait une juste appréciation des troubles dans leurs conditions d'existence en leur allouant la somme de 10 000 euros, ils ont subi un préjudice financier résultant de ce que les nuisances sonores sont la cause de la perte de valeur vénale de leur bien.

7. Il résulte de l'instruction que les époux D... ont acquis, le 26 novembre 2012, une parcelle de terrain à bâtir viabilisée hormis l'assainissement à Saint-Rambert-d'Albon pour un montant de 80 000 euros et qu'ils ont fait construire une maison d'habitation sur cette parcelle pour un montant de 166 233 euros. Le 26 mars 2019, après avoir signé un compromis de vente le 30 novembre 2018, les époux D... ont vendu leur maison pour un montant de 156 000 euros dont 8 000 euros de mobilier. La promesse de vente et l'acte de vente stipulent que le vendeur a engagé trois procédures, l'une contre la mairie pour nuisances sonores de la salle des fêtes, l'autre contre le voisin pour avoir édifié trois maisons et la dernière contre le vendeur et le constructeur pour la non réalisation des viabilités du terrain. Selon une expertise immobilière réalisée le 6 septembre 2016, la propriété des époux D... a été estimée à 165 000 euros en tenant compte du marché immobilier et des travaux de finition restant à terminer (peinture, décoration et diverses finitions), des aménagements des terrasses et de la cour qui restent à réaliser ainsi que la mise en place de la totalité des clôtures. Cette estimation tient également compte de " la présence de la salle des fêtes en limite nord qui apporte des nuisances sonores régulières jusque tard dans la nuit ". Le rapport d'expertise a précisé que si les nuisances sonores perdurent, " la valeur immobilière du bien s'en trouverait affectée ".

8. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'à la date de la signature du compromis de vente de la propriété des époux D... le 30 novembre 2018, la commune de Saint-Rambert-d'Albon avait fait réaliser les travaux d'insonorisation de la salle des fêtes ainsi qu'en attestent la facture du 10 novembre 2017 faisant état de la dépose du sas d'entrée et de la création d'un nouveau sas, le procès-verbal de réception des travaux d'isolation phonique des ventilations de la salle des fêtes du 22 décembre 2017 et les photographies produites établissant que les orifices existants ont été obturés. Il n'est pas sérieusement contesté que ces travaux correspondent à ceux préconisés par l'expert, à savoir le démontage des deux extracteurs, la fermeture en maçonnerie pleine des deux ouvertures existantes, la démolition du sas d'entrée et la pose d'une double porte ainsi que la réfection du système de ventilation. Par suite, les requérants n'établissent pas l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la perte de valeur vénale de leur propriété et l'existence de nuisances sonores provenant du fonctionnement de la salle des fêtes à la date du compromis de vente le 30 novembre 2018.

Sur les conclusions à fin d'injonction de réaliser les travaux préconisés par l'expert :

9. Lorsque le juge administratif statue sur un recours indemnitaire tendant à la réparation d'un préjudice imputable à un comportement fautif d'une personne publique et qu'il constate que ce comportement et ce préjudice perdurent à la date à laquelle il se prononce, il peut, en vertu de ses pouvoirs de pleine juridiction et lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, enjoindre à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d'en pallier les effets.

10. Les requérants demandent, outre la réparation du préjudice financier subi du fait de la carence fautive du maire de la commune de Saint-Rambert-d'Albon, d'ordonner à cette commune de réaliser les mesures nécessaires pour mettre fin aux nuisances sonores. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 7, les époux D... ont vendu leur maison d'habitation le 26 mars 2019. En tout état de cause et compte tenu de ce qui a été dit au point 8, il ne résulte pas de l'instruction que les nuisances sonores du fait du fonctionnement de la salle des fêtes perdurent à la date du présent arrêt. Il suit de là que les époux D... ne sont pas fondés à demander qu'il soit enjoint à la commune de Saint-Rambert-d'Albon de réaliser les travaux préconisés par l'expert.

11. Il résulte de ce qui précède que les époux D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de la commune de Saint-Rambert-d'Albon à les indemniser du préjudice financier allégué et à ce qu'il soit enjoint à la commune de Saint-Rambert-d'Albon de réaliser les travaux préconisés par l'expert.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Rambert-d'Albon qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. et Mme D... au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme D... la somme que demande la commune de Saint-Rambert-d'Albon sur le fondement de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Rambert-d'Albon au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... et Mme F... D... et à la commune de Saint-Rambert-d'Albon.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme B..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition du greffe le 28 janvier 2021 .

2

N° 19LY01964


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01964
Date de la décision : 28/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-03-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services de police. Police municipale. Police de la tranquillité.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BAUDELET ET PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-28;19ly01964 ?
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