Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... C... a demandé au tribunal des pensions de Lyon d'annuler la décision du 27 juin 2011, par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité et de lui reconnaître un droit à pension pour une symptomatologie de myofasciite à macrophages, et de lui accorder une pension d'invalidité au taux de 80 %.
Par un jugement n° 11/00019 du 23 septembre 2014, le tribunal départemental des pensions de Lyon lui a accordé une pension à compter du 28 juillet 2009 au taux de 50 % pour myofasciite à macrophages, 20 % pour fibromyalgie invalidante et 15% pour personnalité névrotique-anxiété.
Par un arrêt n° 14/00008 du 30 janvier 2018, la cour régionale des pensions de Lyon, sur appel de la ministre des armées, a annulé ce jugement et rejeté la demande de Mme C....
Par un arrêt n° 419329 du 13 février 2020, le Conseil d'État, statuant en cassation sur pourvoi de Mme C..., a annulé cet arrêt de la cour régionale des pensions de Lyon et renvoyé l'affaire à la cour.
Procédure devant la cour
Par des mémoires, enregistrés les 27 mai 2020, 29 juillet 2020 et 21 septembre 2020, la ministre des armées demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions du 23 septembre 2014 ;
2°) de rejeter la demande de Mme B... C... et confirmer la décision du 27 juin 2011.
Elle soutient que :
- la production des pièces jointes au mémoire du 27 mai 2020 est conforme aux articles R. 414-1 et R. 414-3 du code de justice administrative ;
- la circonstance que la décision en litige s'approprie l'avis de la commission consultative médicale n'a pas pour effet de lier le signataire à cet avis ;
- il ne ressort pas des expertises menées à l'instance une relation de cause à effet entre la myofasciite post-vaccinale et la fibromyalgie dont est principalement affectée Mme C..., pour un taux, à titre documentaire, de 50 % ;
- les infirmités invoquées relèvent de la maladie et non de la blessure reçue en service ;
- sans symptomatologie immédiatement postérieure aux vaccinations en 1981, 1982 et 1985, Mme C... présentait des troubles évolutifs de même nature que ceux au titre desquels elle demande la pension, avant les injections de 1995 et 1998 ;
- l'aspect histologique de la myofasciite à macrophages doit être distingué des manifestations cliniques fonctionnelles dont se plaint Mme C..., dont le lien avec la lésion au point d'injection ne peut être établi ni présumé ;
- les troubles psychologiques se rattachent à la fibromyalgie ;
- le taux d'invalidité résultant de l'exécution du jugement du 23 septembre 2014 est de 75 %, sans que le Conseil d'État, qui a relevé inexactement que le jugement accordait un taux de 80 %, ait statué sur ce taux ;
- la demande de pension a été enregistrée le 28 juillet 2009 et non le 22 juillet 2009.
Par un mémoire enregistré le 18 juin 2020, des productions complémentaires, enregistrées le 22 juin2020 (non communiquées) et des mémoires enregistrés les 31 août 2020 et 23 octobre 2020 (non communiqué), Mme B... C..., représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à :
- l'annulation de la décision du ministre de la défense du 27 juin 2011 ;
- ce que lui soit accordée une pension militaire d'invalidité pour myofasciite à macrophages au taux de 80 %, dont 15 % au titre de la dépression réactionnelle aux séquelles de cette infirmité ;
- ce que lui soient versés les intérêts moratoires depuis la date d'enregistrement de sa demande de pension ;
- ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 2 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre liminaire, les pièces produites par l'administration par voie électronique le 27 mai 2020 doivent être écartées des débats pour méconnaissance de la procédure fixée par les articles R. 414-1 et R. 414-3 du code de justice administrative ;
- en s'estimant lié par l'avis de la commission consultative médicale du 20 janvier 2011, l'auteur de la décision du 27 juin 2011 a méconnu l'étendue de sa compétence ;
- elle remplit les conditions fixées par les articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- elle justifie présenter les symptômes cliniques de la myofasciite à macrophages dont il n'est pas contesté qu'elle présente l'histologie ;
- le taux d'invalidité pour son infirmité doit être fixé à 80 %, dont 70 % pour la myofasciite à macrophages et 15 % pour la dépression réactionnelle, rendant sans intérêt pratique la distinction entre maladie ou blessure ;
- son état étant stabilisé depuis 2009, en application des articles L. 121-8, R. 121-4 et R. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, elle doit bénéficier d'une pension définitive à compter du 22 juillet 2009.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me A..., pour Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1 Mme B... C..., engagée dans l'armée de terre à compter du 1er mai 1981, a été soumise dans le cadre de son service à des vaccinations obligatoires, et notamment contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite le 16 mai 1995, renouvelée le 9 août 1995, et contre l'hépatite B, les 16 mai 1995, 28 avril 1998 et 27 mai 1998. A compter de 1999, selon ses affirmations, elle a présenté une symptomatologie clinique composée d'asthénie physique et cognitive, de douleurs musculo-articulaires et de troubles du sommeil, qui a évolué vers une affection invalidante à partir de 2001. Une biopsie réalisée en 2002 du muscle deltoïde gauche, au point d'injection des vaccins, a évoqué une myofasciite à macrophages, histologiquement confirmée le 2 avril 2009. Placée en congé de longue maladie à compter du 15 juin 2009, Mme C... a demandé, le 28 juillet 2009, une pension militaire d'invalidité pour des séquelles de myofasciite à macrophages constituées par une fatigabilité permanente, des troubles de la vision et des troubles psychologiques réactionnels. Le ministre de la défense a rejeté cette demande par une décision du 27 juin 2011, dont Mme C... a sollicité l'annulation devant le tribunal des pensions militaires de Lyon, lequel, après avoir ordonné une expertise, a accordé à l'intéressée, par jugement du 23 septembre 2014, une pension militaire d'invalidité pour myofasciite à macrophages, au taux de 50 %, fibromyalgie, au taux de 20 %, et troubles névrotiques et anxieux réactionnels, au taux de 15 %. Sur appel du ministre de la défense, par un arrêt du 30 janvier 2018, la cour régionale des pensions de Lyon, après avoir ordonné une nouvelle expertise, a annulé ce jugement et rejeté la demande de Mme C..., qui par ailleurs a été admise à faire valoir ses droits à la retraite au grade d'adjudant-chef à compter du 1er août 2014. Par un arrêt du 13 févier 2020, le Conseil d'État, statuant en cassation sur pourvoi de Mme C..., a annulé l'arrêt du 30 janvier 2018 et renvoyé l'affaire à la cour.
Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme C... aux pièces produites à l'instance le 27 mai 2020 par la ministre des armées :
2 Aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé (...) ". L'article R. 414-1 du même code dispose que : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat, un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, une personne morale de droit public autre qu'une commune de moins de 3 500 habitants ou un organisme de droit privé chargé de la gestion permanente d'un service public, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. La même obligation est applicable aux autres mémoires du requérant (...) ". Aux termes de l'article R. 414-3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Par dérogation aux dispositions des articles R. 411-3, R. 411-4, R. 412-1 et R. 412-2, les requérants sont dispensés de produire des copies de leur requête et des pièces qui sont jointes à celle-ci et à leurs mémoires. / Les pièces jointes sont présentées conformément à l'inventaire qui en est dressé. / Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête. / Les mêmes obligations sont applicables aux autres mémoires du requérant, sous peine pour celui-ci, après invitation à régulariser non suivie d'effet, de voir ses écritures écartées des débats. / Si les caractéristiques de certaines pièces font obstacle à leur communication par voie électronique, ces pièces sont transmises sur support papier, dans les conditions prévues par l'article R. 412-2. L'inventaire des pièces transmis par voie électronique en fait mention ".
3 Les dispositions citées au point 2 relatives à la transmission de la requête et des pièces qui y sont jointes par voie électronique définissent un instrument et les conditions de son utilisation qui concourent à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice. Elles ont pour finalité de permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure, selon des modalités communes aux parties, aux auxiliaires de justice et aux juridictions. A cette fin, elles organisent la transmission par voie électronique des pièces jointes à la requête à partir de leur inventaire détaillé et font obligation à son auteur de les transmettre soit en un fichier unique, chacune d'entre elles devant alors être répertoriée par un signet la désignant, soit en les distinguant chacune par un fichier désigné, l'intitulé des signets ou des fichiers devant être conforme à l'inventaire qui accompagne la requête. Ces dispositions ne font pas obstacle, lorsque l'auteur de la requête entend transmettre un nombre important de pièces jointes constituant une série homogène eu égard à l'objet du litige, à ce qu'il les fasse parvenir à la juridiction en les regroupant dans un ou plusieurs fichiers sans répertorier individuellement chacune d'elles par un signet, à la condition que le référencement de ces fichiers ainsi que l'ordre de présentation, au sein de chacun d'eux, des pièces qu'ils regroupent soient conformes à l'énumération, figurant à l'inventaire, de toutes les pièces jointes à la requête.
4 Il résulte de l'instruction que les dix-neuf pièces accompagnant le mémoire produit le 27 mai 2020 par la ministre des armées ont été réparties dans l'application électronique dénommée " Télérecours " en deux fichiers, et identifiées individuellement par un signet sous un numéro d'ordre correspondant à l'inventaire détaillé figurant en annexe du mémoire. La circonstance que le classement de ces pièces ne suivrait pas un ordre chronologique mais celui de l'exposé dans les écritures auxquelles elles viennent à l'appui en considération du déroulement de l'instance et des débats ne saurait faire regarder cette présentation comme non conforme aux dispositions précitées, dont Mme C... n'est dès lors pas fondée à se prévaloir de la méconnaissance pour opposer une fin de non-recevoir à ces pièces.
Sur le bien-fondé de la demande de Mme C... :
5 En premier lieu, d'une part, les omissions ou inexactitudes susceptibles d'affecter les visas d'une décision sont en tout état de cause sans influence sur la légalité de cette dernière. Dès lors, la circonstance que les visas de la décision en litige du 27 juin 2011 recopient littéralement la description des infirmités au titre desquelles l'intéressée a formulé sa demande de pension d'invalidité ne saurait, par elle-même, révéler que l'autorité signataire de cette décision se serait abstenue d'exercer sa compétence. D'autre part, s'il se l'est approprié au fond, il ne ressort pas de la motivation de cette décision que le ministre s'est estimé lié par l'avis émis le 20 janvier 2011 par la commission consultative médicale. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le ministre de la défense s'est abstenu d'exercer, dans l'examen de sa demande, la plénitude de sa compétence.
6 En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ".
7 Il résulte de ces dispositions, combinées avec celles de l'article L. 3 du même code, que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle
8 D'autre part, aux termes de l'article L. 4 de ce code, dans sa version applicable au litige : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / (...) Il est concédé une pension : (...) 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples. (...) ". Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. "
9 Il est constant que Mme C... a reçu, dans le cadre des obligations vaccinales liées à son service, des injections vaccinales le 16 mai 1995, le 28 avril 1998 et le 27 mai 1998 contre l'hépatite B, et le 16 mai 1995 contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, contenant des adjuvants aluminiques destinés à favoriser la réponse immunitaire à l'antigène vaccinal. Elle a développé de manière notable à compter de 2001 une symptomatologie d'asthénie physique et cognitive, de douleurs musculo-articulaires et de troubles du sommeil et d'attention. Une biopsie réalisée en 2002 au point d'injection a mis en évidence des lésions de myofasciite à macrophages. L'évolution de son état de santé a conduit à son placement en congé de longue durée à partir du 15 juin 2009.
10 Pour apprécier si une maladie est imputable au service, il y a lieu de prendre en compte le dernier état des connaissances scientifiques, lesquelles peuvent être de nature à révéler la probabilité d'un lien entre une affection et le service, alors même qu'à la date à laquelle l'autorité administrative a pris sa décision, l'état de ces connaissances excluait une telle possibilité.
11 En cet état, a été mise en évidence chez certains patients, à partir de 1998, une lésion dénommée myofasciite à macrophages, manifestation locale liée à la persistance d'aluminium dans les cellules immunitaires au lieu d'injection du vaccin, puis, par des études sur l'animal, la possible migration de nanoparticules d'aluminium vers différents organes, dont le cerveau, et a conduit à l'hypothèse d'une association entre une telle lésion et une combinaison de symptômes constitués notamment par une fatigue chronique, des douleurs articulaires et musculaires et des troubles cognitifs. En 2010, a été proposée la définition d'un " syndrome auto-immunitaire inflammatoire induit par les adjuvants ", et l'hypothèse d'une incidence de l'aluminium sur les cellules immunitaires du cerveau. Si les études consacrées aux adjuvants vaccinaux par l'Académie nationale de médecine, le Haut Conseil de la santé publique et l'Académie nationale de pharmacie, de même que des travaux de l'Organisation mondiale de la santé, n'ont établi aucun lien de causalité, à ce jour, entre adjuvants aluminiques et maladie auto-immune, eu égard notamment à l'hétérogénéité et à l'absence de spécificité des manifestations cliniques qui seraient associées à la lésion histologique de myofasciite à macrophages, l'existence d'un tel lien ne peut être exclue et revêt une probabilité suffisante pour qu'il puisse être regardé comme établi sous certaines conditions.
12 Tel peut être le cas lorsque la personne vaccinée présente des lésions musculaires de myofasciite à macrophages au site des injections et la combinaison des symptômes constitués notamment par une asthénie chronique marquée, des douleurs musculaires et articulaires et des troubles cognitifs et de l'attention, si ces symptômes sont apparus dans un délai normal pour ce type d'affection postérieurement à la vaccination ou, s'ils préexistaient, se sont aggravés à un rythme et une ampleur qui n'était pas prévisibles au vu de l'état de santé antérieur à celle-ci et si ces symptômes ne se rattachent pas à une autre cause identifiée.
13 Il ressort en premier lieu des rapports des 25 et 28 janvier 2002 de la biopsie réalisée sur le muscle deltoïde gauche de Mme C..., où ont été pratiquées les injections vaccinales en cause, qui ont écarté une cytopathie mitochondriale, une lésion histologique caractérisée par un amas de macrophages à cytoplasme granuleux évocatrice, selon le médecin lecteur de la biopsie, d'une myofasciite à macrophages. Le certificat médical du Professeur Authier rédigé le 2 juillet 2009 à la date de la demande de pension de l'intéressée, suivant un premier rapport en date du 2 avril 2009 confirmant cette évocation, indique que l'aspect de la lésion à cette date, caractérisé notamment par la persistance d'hydroxyde d'aluminium, établit le lien direct de celle-ci avec les injections vaccinales. Cette constatation n'est pas contestée par l'administration ni contredite par les autres pièces du dossier.
14 Il ressort en deuxième lieu de l'expertise médicale réalisée le 15 févier 2010 à la demande de l'administration que la symptomatologie globale présentée par Mme C... correspond au tableau clinique de manifestations anxieuses dans le contexte évolutif d'une maladie somatique aux conséquences invalidantes. La ministre des armées ne conteste pas que Mme C... souffre de ce syndrome, non plus que du lien de ce dernier avec la fibromyalgie très invalidante diagnostiquée dans son rapport du 6 novembre 2013 par l'expert désigné par le tribunal des pensions militaires.
15 Il résulte de ce qui précède aux points 13 et 14 que Mme C... établit l'existence des trois infirmités au titre desquelles elle a sollicité une pension d'invalidité.
16 Il ressort en troisième lieu de l'ensemble des rapports d'expertises que, si Mme C... montrait avant les injections en cause une propension à l'anxiété, la symptomatologie relevée à compter de 2002 ne préexistait pas à cette date, contrairement à ce que soutient l'administration en faisant état de pathologies distinctes relevées dans le rapport du médecin-conseil du 7 décembre 2012, avant de s'établir dans toutes ses composantes à la date de sa demande de pension, et que si des éléments de contexte privé ont pu inférer dans l'expression de cette symptomatologie, aucune cause extérieure n'a pu être établie.
17 Il résulte enfin de l'instruction que l'ensemble des symptômes histologiques et fonctionnels dont souffre Mme C..., qui relèvent du tableau de la myofasciite à macrophages, sont apparus dans un délai d'environ six ans après les injections en cause, compatible avec l'évolution connue de la maladie en l'état des connaissances scientifiques, qu'a suivi également dans sa progression le syndrome anxieux réactionnel, lié à cette dernière.
18 Dès lors, dans les circonstances particulières de l'espèce, le lien de causalité entre les vaccinations contenant des adjuvants aluminiques que Mme C... a dû subir en raison de son service en 1995 et 1998 et les infirmités au titre desquelles elle a demandé une pension militaire d'invalidité doit être regardé comme établi. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal des pensions a annulé le refus du 27 juin 2011 opposé à sa demande et lui a accordé une pension pour myofasciite à macrophages, trouble dépressif réactionnel et fibromyalgie.
19 En troisième lieu, aux termes de l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable à la date du litige : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. / A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. / Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. Tous les calculs d'infirmités multiples prévus par le présent code, par les barèmes et textes d'application doivent être établis conformément aux dispositions de l'alinéa premier du présent article sauf dans les cas visés à l'article L. 15 ". Il résulte des dispositions de l'article L. 9 du même code, dans sa rédaction applicable à la date du litige et dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 125-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, que " (...) Quand l'invalidité est intermédiaire entre deux échelons, l'intéressé bénéficie du taux afférent à l'échelon supérieur (...) ".
20 La ministre, qui ne peut valablement, ainsi qu'il a été dit précédemment, distinguer entre la fibromyalgie et les lésions histologiques de la myofasciite à macrophages pour réduire cette dernière, par nature polysymptomatique, à ces seules lésions, n'est pas fondée à contester le taux d'invalidité de 50 % estimé par l'expert de première instance au titre de la myofasciite à macrophages. C'est dès lors à bon droit que le tribunal, par le jugement attaqué, a fixé ce taux à 50 %, fixé respectivement à 20 % et 15 % les taux d'invalidité au titre de la fibromyalgie et du syndrome anxieux réactionnel et, en application des dispositions précitées au point 19, fixé au taux global de 80 % l'invalidité de Mme C....
21 Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Lyon a annulé la décision en litige et a accordé, au taux global de 80 %, une pension à Mme C.... Sa requête doit par suite être rejetée.
Sur les intérêts moratoires :
22 Les bénéficiaires de pensions militaires d'invalidité ont droit, sur leur demande, en cas de retard apporté au versement des sommes qui leur sont dues, à des intérêts moratoires. Il y a dès lors lieu de faire droit aux conclusions, par la voie de l'appel incident, de Mme C... tendant au versement de ces intérêts sur les sommes qui auraient dû lui être versées, à compter du 28 juillet 2009, date de présentation de sa demande de pension à l'administration et, dans cette mesure, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fait droit sur ce point à la demande de Mme C....
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23 Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à Mme C...,
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.
Article 2 : Le jugement n° 11/00019 du 23 septembre 2014 du tribunal des pensions de Lyon est annulé en tant qu'il n'a pas fait droit à la demande d'intérêts moratoires de Mme C....
Article 3 : Mme C... est renvoyée devant la ministre des armées, afin qu'il soit procédé au versement des intérêts au taux légal sur les sommes qu'elle aurait dû percevoir, à compter du 28 juillet 2009, au fur et à mesure des échéances successives de la pension à laquelle il lui a été fait droit par le jugement du 23 septembre 2014.
Article 4 : En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative l'État versera la somme de 1 200 euros à Mme C....
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à Mme B... C....
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2021.
N° 20LY00696 2