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14/01/2021 | FRANCE | N°19LY03553

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 14 janvier 2021, 19LY03553


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière (SCI) Hilaire a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2012 au 30 septembre 2013.

Par un jugement n° 1804498 du 16 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a dit qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande de décharge pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012, à hauteur de 749 euros (article 1er)

et a rejeté le surplus des conclusions de la demande (article 2).

Procédure devant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière (SCI) Hilaire a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2012 au 30 septembre 2013.

Par un jugement n° 1804498 du 16 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a dit qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande de décharge pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012, à hauteur de 749 euros (article 1er) et a rejeté le surplus des conclusions de la demande (article 2).

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2019, la SCI Hilaire, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée maintenus à sa charge pour la période du 1er janvier 2012 au 30 septembre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'a pas répondu à l'ensemble des moyens développés en première instance ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle fait référence à une précédente proposition de mars 2013 ni reproduite, ni jointe, en méconnaissance du principe du contradictoire ; l'irrégularité n'est pas couverte par le dégrèvement intervenu ultérieurement ;

- la discordance entre les loyers facturés à la SARL Delali et les loyers encaissés s'explique par des compensations opérées en raison du paiement par le locataire de certaines factures du bailleur ; il existe des impayés ; les redressements prennent en compte la facturation et non les encaissements, base des revenus fonciers ;

- les majorations appliquées sont contestées, dès lors que les déclarations ont été produites et qu'elle n'a eu aucune volonté d'éluder l'impôt.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la proposition de rectification est régulière, le caractère suffisant de la motivation ne dépendant pas du bien-fondé des motifs de rectification ;

- la SCI Hilaire était tenue de déclarer la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur les loyers dont elle avait perçu le montant, quel que soit le mode de paiement de ces loyers ;

- la preuve n'est pas apportée que les loyers facturés n'auraient pas été encaissés ;

- les majorations appliquées sont justifiées.

En application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction est intervenue trois jours francs avant l'audience.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., premier conseiller,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Hilaire, propriétaire de biens immobiliers à Saint-Etienne qu'elle donne en location, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant notamment donné lieu à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis des pénalités correspondantes, mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2012 au 30 septembre 2013, selon proposition de rectification du 25 mars 2014. Elle demande à la cour d'annuler l'article 2 du jugement du 16 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon, après avoir jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer, à hauteur de 749 euros, pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012, a rejeté le surplus de la demande de la SCI Hilaire tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée maintenus à sa charge, à concurrence de 6 411 euros en droits et de 2 489 euros en pénalités, pour la période du 1er janvier 2012 au 30 septembre 2013.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Lyon a expressément répondu à tous les moyens contenus dans la requête de la SCI Hilaire. En particulier, les premiers juges n'ont pas omis de répondre au moyen tiré de l'irrégularité alléguée de la proposition de rectification. Par suite, la SCI Hilaire n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Il résulte des dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales qu'une proposition de rectification adressée à un contribuable relevant de la procédure contradictoire définie aux articles L. 55 et suivants du même livre doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation, en lui faisant connaître la nature et les motifs de la rectification envisagée. Il s'ensuit que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal, ainsi que les années d'imposition concernées.

4. Il résulte par ailleurs du premier alinéa de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, applicable en cas de mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office prévue notamment au 3° de l'article L. 66 du même livre, que les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination doivent être portées à la connaissance du contribuable par voie de notification.

5. En l'espèce, la proposition de rectification du 25 mars 2014 indique la nature des impôts concernés et les périodes visées par ces impositions, en précisant, pour chaque sous-période en ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, si elle relève de la procédure contradictoire ou de la procédure de taxation d'office mise en oeuvre pour certains trimestres en raison d'un défaut de déclaration trimestrielle de chiffre d'affaires. Elle mentionne en outre le fondement légal, la nature et les motifs des rectifications envisagées, tenant à l'omission de déclaration de recettes de loyers pourtant encaissées, ainsi que leurs bases de calcul et leur montant global.

6. L'administration fiscale n'était tenue ni de joindre ni de reproduire les termes d'une notification du 5 mars 2013 dont elle fait état, régulièrement portée à la connaissance du contribuable, et par laquelle elle avait déjà mis d'office à la charge de la SCI Hilaire des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du second semestre de l'année 2012, dès lors que la nouvelle imposition d'office est établie pour des motifs distincts. L'incidence de cette précédente taxation d'office sur le montant des rappels mis à la charge du contribuable relève par ailleurs du seul bien-fondé de l'imposition. La SCI Hilaire, taxée d'office pour la période du premier semestre 2012, ne peut enfin utilement invoquer une méconnaissance du principe du contradictoire.

7. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit être écarté.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

8. Aux termes, d'une part, du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". En vertu du 2° de l'article 260 du même code, les personnes qui donnent en location des locaux nus pour les besoins de l'activité d'un preneur assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée peuvent, sur leur demande, acquitter la taxe sur la valeur ajoutée, dont le 1 de l'article 266 du même code prévoit que : " La base d'imposition est constituée : / a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ". Le c) du 2 de l'article 269 du même code prévoit enfin que, pour les prestations de services, la taxe est exigible lors de l'encaissement des acomptes, du prix ou de la rémunération.

9. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". L'article R. 193-1 du même livre dispose que, dans ce cas, le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. Par ailleurs, en vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ". Il ne résulte pas de l'instruction que la SCI Hilaire aurait répondu dans le délai légal à la proposition de rectification. Il lui incombe dès lors de démontrer le caractère exagéré de l'imposition pour l'ensemble de la période vérifiée, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre.

10. Il résulte de l'instruction que la SCI Hilaire est propriétaire à Saint-Etienne d'un local commercial situé rue des Francs-Maçons et d'un appartement situé avenue de la Libération, donnés à bail en 2012 et 2013 à la SARL Delali, dont le gérant est également celui de la SCI Hilaire, en contrepartie de loyers soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. Pour procéder à des rappels de cette taxe au titre des périodes en litige, l'administration fiscale, après avoir exercé son droit de communication auprès de l'administrateur de biens en charge de la gestion de ces immeubles en vue d'obtenir les comptes de gestion s'y rapportant, a retenu que la SCI Hilaire s'était abstenue d'inclure à son chiffre d'affaires déclaré une partie des loyers perçus.

11. S'agissant en premier lieu de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, la circonstance que la SARL Delali se serait acquittée de ses loyers par compensation en procédant au règlement de diverses factures auprès de créanciers de la SCI Hilaire, pour le compte de cette dernière, ne fait pas obstacle à ce que le bailleur soit assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée sur les sommes ainsi indirectement encaissées, rendant par suite exigible l'imposition. Les montants des paiements " par compensation " déclarés par la SCI Hilaire dans sa réclamation préalable, ajoutés à ceux parallèlement perçus par l'administrateur de biens en règlement des loyers, étant par ailleurs du même ordre de grandeur que ceux retenus par le service vérificateur pour fonder les rappels en litige, la SCI Hilaire n'est pas fondée à contester les rappels mis à sa charge pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012.

12. S'agissant en second lieu de la période du 1er janvier au 30 septembre 2013, le paiement de loyers par compensation ne fait pas davantage obstacle à l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée. Par ailleurs, la seule production du compte de gestion de l'administrateur de biens de la SCI Hilaire pour les mois de mai à juillet 2013 faisant état d'un important solde débiteur et de l'absence d'encaissement au cours de la période pour les deux immeubles en cause est insuffisante à remettre en cause le montant des encaissements retenus par l'administration fiscale, dès lors que ce document n'inclut pas le décompte des paiements effectués par le preneur auprès des créanciers du bailleur, pour le compte de ce dernier, et que les seules déclarations du bailleur quant au montant de ces encaissements indirects sont insuffisantes à caractériser l'existence d'impayés. Il suit de là que la SCI Hilaire n'est pas non plus fondée à contester le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2013.

Sur les pénalités :

13. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ". L'article 1729 du même code prévoit en outre que : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ".

14. En premier lieu, la SCI Hilaire, qui ne conteste pas s'être abstenue de déposer ses déclarations des deuxième et troisième trimestres 2012 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, n'est pas fondée à s'opposer à la majoration de 10% appliquée pour cette période sur le fondement du a du 1 de l'article 1728 précité du code général des impôts au motif qu'une telle majoration aurait déjà été appliquée à l'occasion de la taxation d'office intervenue en 2013, dès lors que, compte tenu des dégrèvements prononcés en cours de première instance, la majoration ne s'applique plus qu'aux impositions supplémentaires taxées par la notification du 25 mars 2014.

15. En deuxième lieu, la SCI Hilaire reprend en appel le moyen invoqué en première instance contestant la majoration de 40% appliquée pour la période du 1er avril au 30 septembre 2013 sur le fondement du b du 1 de l'article 1728 précité du code général des impôts, au motif qu'elle aurait déposé ses déclarations. Il y a lieu pour la cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

16. En troisième lieu, eu égard à ce qui a été dit précédemment, l'administration fiscale établit que la SCI Hilaire a volontairement omis de déclarer des recettes importantes, notamment en faisant prendre en charge directement par la SARL Delali des factures dues à des tiers par la SCI Hilaire, plutôt que de procéder au règlement des loyers entre les mains de l'administrateur de biens, alors que la société bailleresse et la société preneuse ont le même gérant. Il s'ensuit que la SCI Hilaire n'est pas fondée à contester l'application de la majoration pour manquement délibéré.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Hilaire n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée maintenus à sa charge pour la période du 1er janvier 2012 au 30 septembre 2013.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SCI Hilaire la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Hilaire est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Hilaire et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente assesseure,

Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 janvier 2021.

2

N° 19LY03553


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03553
Date de la décision : 14/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : POMEON

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-14;19ly03553 ?
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