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14/01/2021 | FRANCE | N°18LY03111

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 14 janvier 2021, 18LY03111


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le département de la Nièvre à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral et de la faute commise par cette collectivité au regard de son obligation de sécurité des agents.

Par un jugement n° 1602128 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requ

te et deux mémoires, enregistrés les 10 août 2018, 2 août 2019 et 13 octobre 2020, les deux m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le département de la Nièvre à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral et de la faute commise par cette collectivité au regard de son obligation de sécurité des agents.

Par un jugement n° 1602128 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 10 août 2018, 2 août 2019 et 13 octobre 2020, les deux mémoires n'ayant pas été communiqués, Mme E... A..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 12 juin 2018 ;

2°) d'annuler la décision du conseil départemental de la Nièvre du 19 mai 2016 ;

3°) de condamner le département de la Nièvre à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral, de carrière et financier ;

4°) de mettre à la charge du département de la Nièvre une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas été destinataire du mémoire de département de la Nièvre qui a été enregistré au greffe le 25 mai 2018 et que le principe du contradictoire a été violé ;

- elle a été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral se caractérisant notamment par une dégradation de ses conditions de travail et un changement de fonctions non justifié et revêtant un caractère discriminatoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2019, le département de la Nièvre représenté par Me I... conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête devant le tribunal administratif est irrecevable ;

- les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- les conclusions de M. Thierry, rapporteur public,

- et les observations de Mme A..., requérante ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le département de la Nièvre à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral et de la faute commise par cette collectivité au regard de son obligation de sécurité des agents. Le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de Mme A... dont elle relève appel.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire ou une pièce contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité et qu'il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

3. Le département de la Nièvre a produit un premier mémoire en défense le 23 décembre 2016, communiqué à Mme A.... Le second mémoire en défense devant le tribunal enregistré le 25 mai 2018, ne comportait pas d'éléments nouveaux sur lesquels les premiers juges se seraient fondés pour statuer. Dans ces conditions, ceux-ci, en ne le communiquant pas, n'ont pas méconnu le principe du contradictoire prévu à l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés ". Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels agissements répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas de telles limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive d'un harcèlement moral au sens des dispositions précitées. A cet égard, une souffrance psychologique liée à des difficultés professionnelles ne saurait caractériser à elle seule un harcèlement moral, qui se définit également par l'existence d'agissements répétés de harcèlement et d'un lien entre ces souffrances et ces agissements. Par ailleurs une appréciation défavorable de l'agent, suite à une évaluation professionnelle, ne révèle pas, en elle-même, une situation de harcèlement moral.

5. Mme A..., infirmière de classe normale auprès du centre hospitalier de la Nièvre, a été détachée à compter du 1er janvier 1998 auprès du Conseil général de la Nièvre. Elle a ensuite été intégrée à compter du 1er janvier 2003 dans le cadre d'emploi des infirmières territoriales de classe normale. Elle a été nommée adjointe au responsable du site de Nevers Nord à compter du 1er juillet 2005, puis responsable du site Emile Combes à compter du 1er janvier 2008. En outre, à la suite de son détachement, Mme A... a été titularisée dans le corps des attachés territoriaux à compter du 1er janvier 2009. Mme D... a été nommée le 1er mars 2013 sur les fonctions d'adjointe du responsable du site Emile Combes. Enfin, du mois de mai 2013 au 17 juin 2013, Mme A... a suivi une formation pour préparer le certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale.

6. Il résulte de l'instruction que les nombreuses absences répétées ou successives des deux cadres administratives du site Emile Combes entre 2013 et 2015, au demeurant justifiées et en partie liées à des problèmes de santé, ont perturbé fortement l'organisation et le fonctionnement de ce service, confrontant Mme A... à de sérieuses difficultés managériales et organisationnelles, lesquelles ont toutefois été prises en compte par la hiérarchie du département de la Nièvre, qui a mis en place, notamment, des entretiens et des conseils téléphoniques, des réunions de conciliation au printemps 2014 et une médiation externe au mois de décembre 2014. De même, la manière de servir insuffisante de Mme D..., qui a eu pour effet d'accroître la charge de travail de Mme A..., a fait l'objet d'une réelle prise en compte de la part de la hiérarchie de l'appelante.

7. En outre, Mme A... a obtenu de la part de la collectivité territoriale, compte du contexte particulier dans lequel l'évaluation avait été établie, que le projet de notation pour l'année 2014, dont la note chiffrée baissait de 14/20 à 12,1/20, ne soit pas arrêté définitivement et soit reporté au prochain entretien d'évaluation, alors même que la commission administrative paritaire dans sa séance du 20 mars 2015 avait estimé que le courrier de l'intéressée ne pouvait être regardé comme un véritable recours en révision.

8. Enfin, il résulte également de l'instruction que le changement d'affectation de Mme A..., sur un poste de chargée de mission, qui a entraîné automatiquement la perte de la nouvelle bonification indiciaire, et qui s'est réalisé dans le cadre normal du pouvoir d'organisation des services que détient l'administration, dans des conditions d'exécution qui ne peuvent être qualifiées, ni de vexatoires, ni d'humiliantes, a été décidé dans l'intérêt du service, en concertation avec l'intéressée et avec son accord, puisque celle-ci a accepté le poste proposé par un courrier du 2 septembre 2015. Celle-ci ne peut plus, dans ces conditions, utilement invoquer l'absence de saisine de la commission administrative paritaire et de communication de son dossier administratif. De même, Mme A..., qui a pris ses nouvelles fonctions le 27 janvier 2016 à temps partiel pour des raisons thérapeutiques, en étant rattachée administrativement à Mme G..., directrice adjointe Stratégie et Méthode, qui prétend être victime d'une " mise au placard ", d'une sanction déguisée et qu'elle serait isolée sur ses nouvelles fonctions, ne l'établit pas, alors même que le médecin chef du service médico-social de la collectivité indique dans un certificat médical du 30 juin 2016 que la prise de fonction sur le nouveau poste a eu un effet positif sur l'intéressée.

9. Il ne résulte donc pas de l'instruction que Mme A... aurait été victime d'agissements répétés pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral à son égard ou même que la dégradation de ses conditions de travail, entre mars 2013, date d'arrivée de son adjointe et la fin de ses fonctions au sein du site Emile Combes en septembre 2015, révèlerait une situation de harcèlement moral. De plus, Mme A... ne démontre pas, en l'absence de pièce probante, une quelconque intention de lui nuire de la part du département de la Nièvre ou même que la collectivité aurait méconnu son obligation de sécurité et de protection de la santé physique et morale des agents, au sens des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail rendues applicables aux agents publics relevant de la fonction publique territoriale par l'article 3 du décret du 10 juin 1985 et de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Nièvre, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme A.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 800 euros à verser au département de la Nièvre, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera au département de la Nièvre une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et au président du Conseil départemental de la Nièvre.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

Mme F... B..., présidente de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme E... H..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2021.

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N° 18LY03111


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03111
Date de la décision : 14/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. THIERRY
Avocat(s) : ELEXIA ASSOCIES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-14;18ly03111 ?
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