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14/01/2021 | FRANCE | N°18LY02917

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 14 janvier 2021, 18LY02917


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

- Sous le n° 1506964, la société Jacobs France a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier de Valence à lui verser la somme de 1 954 111,49 euros, augmentée des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du marché de maîtrise d'oeuvre conclu avec le centre hospitalier de Valence en octobre 2004.

- Sous le n° 1601795, la société Vasconi Architectes a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le cent

re hospitalier de Valence à lui verser la somme de 1 406 700,30 euros, avec intérêts a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

- Sous le n° 1506964, la société Jacobs France a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier de Valence à lui verser la somme de 1 954 111,49 euros, augmentée des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du marché de maîtrise d'oeuvre conclu avec le centre hospitalier de Valence en octobre 2004.

- Sous le n° 1601795, la société Vasconi Architectes a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier de Valence à lui verser la somme de 1 406 700,30 euros, avec intérêts au taux légal augmenté de deux points et la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du même marché de maîtrise d'oeuvre.

Par un jugement n°s 1506964, 1601795 du 29 mai 2018, rectifié par une ordonnance du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier de Valence à verser, d'une part, à la société Nox Industrie et Process, venant aux droits de la société Jacobs France, la somme de 149 437,47 euros, augmentée des intérêts à compter du 12 avril 2012 et de leur capitalisation à compter du 10 novembre 2015, et d'autre part, à la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko la somme de 147 201,13 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2012 et de leur capitalisation à compter du 24 mars 2017.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 31 juillet 2018, 7 janvier et 16 octobre 2020, le centre hospitalier de Valence, représenté par le cabinet Daumin-Coiraton-Demercière, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement du 29 mai 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner solidairement les sociétés Nox Industrie et Process et Vasconi Architectes Associés à lui verser la somme de 419 250 euros au titre du solde du décompte de liquidation du marché de maîtrise d'oeuvre ;

3°) de mettre à la charge solidaire de ces sociétés une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le décompte de liquidation qu'il a établi en 2012 fait apparaître des pénalités de retard et des réfactions de prix ;

- l'application de ces pénalités et réfactions étant bien fondée, c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit tenu compte de ces sommes dans le calcul du solde du marché de maîtrise d'oeuvre résilié et qu'il a mis à sa charge 2 000 euros au titre des frais liés au litige ;

- l'appel incident de la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko est irrecevable en ce qu'il porte sur un litige distinct ; en tout état de cause, ses demandes ne sont pas fondées.

Par des mémoires, enregistrés les 8 janvier 2019 et 11 septembre 2020, la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko, représentée par la SELARL Martin et associés, conclut au rejet de la requête ou à tout le moins à la réduction des pénalités à de plus justes proportions, et demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 29 mai 2018 du tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes ;

2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Valence à lui verser la somme de 1 528 263,38 euros toutes taxes comprises, avec révision et intérêts moratoires calculés au taux d'intérêt légal augmenté de deux points à compter du 12 avril 2012, outre capitalisation de ces intérêts ;

3°) à titre subsidiaire, d'augmenter la condamnation prononcée par le tribunal administratif à son profit, de la taxe sur la valeur ajoutée ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le centre hospitalier reconnaît le caractère fautif de la résiliation du contrat de maîtrise d'oeuvre et lui devoir une somme de 147 201,13 euros ainsi que l'a jugé le tribunal ; son appel ne porte que sur l'application de pénalités et de réfactions ; si la cour devait faire droit à ses conclusions, le centre hospitalier ne peut prétendre qu'au paiement d'une somme de 122 611,87 euros et non 382 772,73 euros comme il l'affirme ; en tout état de cause, ces demandes ne sont pas fondées et ne peuvent qu'être rejetées ou à tout le moins réduites à de plus justes proportions ;

- son appel incident est recevable ;

- les premiers juges ont fixé de manière erronée les taux d'exécution des missions VISA, DET1, DET2 et AOR, que la cour devra rectifier ;

- le centre hospitalier de Valence doit aussi être condamné à lui payer les prestations supplémentaires, en particulier d'analyse de devis et de conception qu'elle a exécutées et le coût du renforcement de ses équipes du 30 avril 2010 au 31 juillet 2011.

- la résiliation fautive du contrat de maîtrise d'oeuvre lui a causé un préjudice tenant aux atteintes à sa réputation et à son image ;

- il y a lieu pour la cour de préciser que le montant auquel le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier s'entend nécessairement comme une condamnation hors la taxe sur la valeur ajoutée ;

La procédure a été communiquée à Me A... et à la SELAFA MJA, liquidateurs judiciaires de la société Nox Industrie et Process, qui n'ont pas produit de mémoire en défense.

Des mémoires présentées pour la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko, enregistrés les 11 et 15 décembre 2020 n'ont pas été communiqués.

Une note en délibéré, enregistrée le 17 décembre 2020, a été produite pour la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code des marchés publics alors en vigueur ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 ;

- le décret n° 93-1268 du 29 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... ;

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

- les observations de Me B..., représentant le centre hospitalier de Valence et celles de Me D..., représentant la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko ;

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 15 octobre 2004, le centre hospitalier de Valence a confié la maîtrise d'oeuvre d'une opération de modernisation à un groupement solidaire composé des sociétés Vasconi Architectes Associés, devenue Vasconi Architectes by Thomas Schinko, mandataire, et Jacobs France, devenue Nox Industrie et Process. L'opération était décomposée en trois tranches portant sur la construction d'un nouveau bâtiment (B50), la réhabilitation totale ou partielle des bâtiments existants (B16, B17 et B19) et la démolition en superstructure du bâtiment B18. Le marché de maîtrise d'oeuvre comprenait une tranche ferme portant sur la réalisation des études d'esquisse (ESQ) et l'avant-projet sommaire (APS) et trois tranches conditionnelles. La première portait sur l'avant-projet définitif (APD), le projet (PRO), les études d'exécution (EXE), l'assistance pour la passation des contrats de travaux (ACT), la direction de l'exécution des travaux (DET) et l'assistance lors des opérations de réception et pendant la garantie de parfait achèvement (AOR) pour la tranche 1 des travaux et les éléments APD, PRO, EXE, ACT, pour les deux autres tranches de travaux. La deuxième tranche conditionnelle portait sur les éléments DET et AOR pour la tranche 2 des travaux et la troisième tranche conditionnelle portait sur les mêmes éléments de mission pour la tranche 3 de travaux.

2. Après mise en demeure adressée le 21 juin 2011, le centre hospitalier de Valence a, le 28 juillet suivant, prononcé la résiliation de ce marché aux torts de ses cocontractants puis leur a adressé, le 2 mars 2012, un projet de décompte de liquidation faisant apparaître un solde en sa faveur d'un montant de 679 411,33 euros. A la suite du rejet implicite de leur mémoire en réclamation du 11 avril 2012, les sociétés Jacobs France et Vasconi Architectes Associés ont, chacune en ce qui la concerne, saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande de condamnation du centre hospitalier à leur verser une indemnisation en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de cette résiliation ainsi que le paiement de sommes qu'elles estiment dues pour les prestations exécutées en application du marché et au-delà de ses prévisions. Par un jugement du 29 mai 2018, rectifié par une ordonnance du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint ces deux demandes, a condamné le centre hospitalier de Valence à verser la somme de 149 437,47 euros à la société Nox Industrie et Process et celle de 147 201,13 euros à la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko, avec intérêts au taux légal et leur capitalisation. Le centre hospitalier de Valence relève appel de ce jugement, en tant seulement qu'il a rejeté ses propres demandes relatives à l'application de pénalités de retard et de réfaction de prix et demande à la cour de condamner solidairement les maîtres d'oeuvre à lui verser la somme de 419 250 euros au titre du solde du décompte de liquidation. La société Vasconi Architectes by Thomas Schinko, par la voie de l'appel incident, demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il n'a pas fait entièrement droit à ses conclusions de première instance.

Sur l'appel principal :

3. Le projet de décompte de liquidation notifié au groupement de maîtrise d'oeuvre mentionnait les pénalités et réfactions dont le centre hospitalier de Valence demandait l'application au tribunal administratif de Grenoble. Le centre hospitalier est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, saisis par les sociétés membres du groupement de maîtrise d'oeuvre de litiges tendant en particulier à l'établissement du décompte de liquidation, ont rejeté ses demandes aux motifs d'une part, que les sommes en litige n'avaient pas été portées au projet de décompte et d'autre part, que les demandes du centre hospitalier étaient sans lien avec les litiges dont était saisi le tribunal.

4. Il y a par suite lieu pour la cour de se prononcer sur les demandes du centre hospitalier au titre de l'établissement du décompte de liquidation.

5. En premier lieu, aux termes de l'article 7.2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) : " En cas de retard dans la présentation de ces documents d'études, le maître d'oeuvre subit sur ces créances des pénalités dont le montant HT par jour calendaire de retard est de 500 euros. ".

6. Le centre hospitalier de Valence reproche à la maîtrise d'oeuvre de ne pas lui avoir livré avant le 18 janvier 2010 plusieurs documents d'études demandés dans le cadre de la phase 2 du projet. Si, ainsi que le fait valoir la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko, il ressort des énonciations du point 11 du jugement, non contestées par le centre hospitalier de Valence, que la maîtrise d'oeuvre a pu fournir au maître d'ouvrage une information suffisante, en particulier sur le tracé des réseaux de désenfumage, l'implantation des radiateurs, la validation des plans de façades et la clarification des fiches de travaux modificatifs (FTM), il ne résulte pas de l'instruction que les plans d'exécution en phase chantier ont été livrés au centre hospitalier de Valence dans le délai contractuellement imposé par le marché. Si la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko soutient que les griefs du centre hospitalier de Valence portent sur des lots techniques qui relevaient de la mission de la société Nox, il résulte de l'instruction que les deux membres du groupement de maîtrise d'oeuvre se sont engagés solidairement vis-à-vis du maître de l'ouvrage. Ce dernier n'ayant pas été signataire de la " convention de groupement solidaire " conclue entre eux, l'annexe 2 qui fixe la répartition des missions entre les membres de la maîtrise d'oeuvre ne lui était pas opposable. Le centre hospitalier est donc fondé à demander l'application des pénalités de retard prévues par les stipulations précitées de l'article 7.3 du CCAP pour un montant, non sérieusement contesté dans son quantum, de 247 000 euros figurant dans le projet de décompte de liquidation.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8.3 du CCAP : " Le maître d'oeuvre est chargé d'émettre tous les ordres de service à destination de l'entrepreneur dans les conditions précisées à l'article 22 ci-après. / Les ordres de service seront établis suivant un modèle agréé par le maître d'ouvrage. / Les ordres de service faisant suite à une décision du maître d'ouvrage doivent être notifiés à l'entrepreneur dans un délai de 5 jours. / La carence constatée du maître d'oeuvre dans la délivrance des ordres de service expose celui-ci à l'application d'une pénalité dont le montant par jour de retard, compris entre la date où l'ordre de service aurait dû être délivré et ce11e où il l'a été réellement, y compris les dimanches et jours fériés, est fixé à 75 euros. ".

8. Le centre hospitalier de Valence soutient que la maîtrise d'oeuvre n'a pas notifié aux entreprises concernées un certain nombre de fiches de travaux modificatifs (FTM) relatives aux travaux de la phase 2 avant le 21 mars 2010. Les pièces produites à l'instance par les sociétés membres du groupement de maîtrise d'oeuvre ne permettent pas de tenir pour établi que ces fiches auraient été notifiées aux entreprises concernées dans les délais prescrits par le marché. Le centre hospitalier de Valence est donc fondé à demander l'application des stipulations précitées de l'article 8.3 du CCAP, pour un montant, non contesté dans son quantum de 37 050 euros figurant dans le projet de décompte de liquidation.

9. En troisième lieu, il est constant que la maîtrise d'oeuvre n'a pas produit les rapports mensuels prévus par l'article 3.7.3 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), les bilans financiers mensuels prévus par l'article 3.7.5 de ce CCTP ni de compte-rendu de chantier hebdomadaires entre juin 2010 et juillet 2011. Le centre hospitalier de Valence demande, pour ce motif, l'application d'une réfaction de prix. Toutefois, d'une part, les rapports mensuels adressés au maître d'ouvrage permettent de détecter les risques de retard dans l'avancement des travaux ou de la réception et de mettre en oeuvre les mesures coercitives nécessaires à l'attention des entreprises concernées. Or, il résulte de l'instruction que le centre hospitalier a été destinataire de comptes-rendus hebdomadaires de réunions et de tableaux de suivi de chantier ainsi que de propositions de mise en oeuvre de pénalités. Il ne résulte pas de l'instruction que ces éléments, portés à la connaissance du centre hospitalier, auraient été insuffisants pour lui permettre d'apprécier l'avancement des travaux. D'autre part, la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko fait valoir que le suivi financier du chantier était réalisé dans le cadre de la gestion des FTM et que, d'une manière générale, le maître d'ouvrage disposait à tout moment des éléments concernant la situation financière du chantier. Le centre hospitalier n'établit pas que les éléments portés ainsi à sa connaissance n'auraient pas été suffisants. Enfin, il résulte de l'instruction que des réunions de chantier ont cessé d'être organisées à compter de juin 2010 alors que l'ensemble des lots de la phase 1 étaient prêts à être réceptionnés à l'exception des lots techniques n°s 5 (électricité), 6 (chauffage, ventilation, climatisation) et 7 (fluides). Des réunions techniques concernant ces lots ainsi que des réunions spécifiques ont été organisées, et leurs comptes-rendus adressés au centre hospitalier. Il en résulte que la demande d'application de réfactions de prix n'est pas justifiée.

Sur l'appel incident :

10. Alors même qu'elles portent sur des chefs de préjudice distincts, les conclusions de l'appel principal du centre hospitalier de Valence et de l'appel incident de la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko se rattachent à l'exécution du même marché de maîtrise d'oeuvre et concernent des éléments du décompte de liquidation. Par suite, le centre hospitalier de Valence n'est pas fondé à soutenir que les conclusions de la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko tendant au paiement des prestations qu'elle a exécutées et aux indemnités prévues par le marché, relèvent d'un litige distinct.

En ce qui concerne les taux d'exécution des missions :

11. En premier lieu, la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko soutient qu'en fixant à 67,15 % le taux de rémunération de la mission VISA, le centre hospitalier de Valence n'a pas pris en compte le travail fourni dans le cadre de la phase 2. Toutefois, les pièces produites à l'appui de son mémoire en réclamation ne permettent pas d'établir que cette mission aurait été exécutée dans le cadre de la phase 2 ni que le maître d'ouvrage aurait fait une appréciation erronée du taux d'exécution de cette mission en ne retenant que les prestations effectuées dans le cadre de la phase 1. Ces mêmes pièces ne permettent pas davantage d'établir que la maîtrise d'oeuvre avait démarré la mission DET2, et qu'elle pouvait prétendre à une rémunération de cette mission à hauteur de 5 %. Par ailleurs, il résulte de l'article 3.7 du CCTP que la mission VISA était comprise dans la mission DET. Ainsi, en ne répondant pas expressément au moyen tiré de ce que le centre hospitalier devait lui rémunérer partiellement la mission DET2, le tribunal, qui a expressément rejeté les prétentions des sociétés, membres de la maîtrise d'oeuvre, concernant la rémunération de l'ensemble de la mission VISA au titre de la phase 2, au point 21 du jugement, n'a pas entaché sa réponse d'irrégularité.

12. En deuxième lieu, la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko soutient que les premiers juges auraient dû fixer le taux d'exécution de la mission DET1 à 100% et non à 90 % dès lors qu'il résulte de l'expertise diligentée par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble que la réception du bâtiment B50 pouvait intervenir dès le 30 septembre 2010. Toutefois, il résulte du même rapport d'expertise, qu'à cette date, la société CYMI, titulaire du lot n° 6 " Chauffage, Ventilation, Climatisation, Plomberie, Sanitaires " (CVC) devait encore poursuivre ses travaux pour remédier à plusieurs " points bloquants ". La société Vasconi Architectes by Thomas Schinko n'est donc pas fondée à soutenir qu'à la date de la résiliation du marché de maîtrise d'oeuvre, elle avait exécuté l'intégralité de sa mission DET1.

13. En dernier lieu, les premiers juges, au point 23 du jugement, ont retenu un taux de rémunération de la phase AOR de 80 %. Contrairement à ce que soutient la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko, il résulte de l'instruction que les opérations de réception du bâtiment B50 n'étaient pas achevées à la date de la résiliation du marché de maîtrise d'oeuvre. En outre, les pièces produites à l'instance ne sont pas de nature à justifier que la maîtrise d'oeuvre aurait visé l'ensemble des dossiers des ouvrages exécutés (DOE). Par suite, elle n'établit pas qu'en fixant à 80 % le taux de rémunération de cette mission, les premiers juges auraient fait une appréciation erronée du taux d'exécution de cette mission.

En ce qui concerne le paiement de prestations supplémentaires :

14. Aux termes de l'article 9 de la loi du 19 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée alors en vigueur : " La mission de maîtrise d'oeuvre donne lieu à une rémunération forfaitaire fixée contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l'étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux. ". Aux termes de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé : " Le contrat de maîtrise d'oeuvre précise, d'une part, les modalités selon lesquelles est arrêté le coût prévisionnel assorti d'un seuil de tolérance, sur lesquels s'engage le maître d'oeuvre, et, d'autre part, les conséquences, pour celui-ci, des engagements souscrits. (...) III. En cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître de l'ouvrage, le contrat de maîtrise d'oeuvre fait l'objet d'un avenant qui arrête le programme modifié et le coût prévisionnel des travaux concernés par cette modification, et adapte en conséquence la rémunération du maître d'oeuvre et les modalités de son engagement sur le coût prévisionnel. (...) ".

15. Il résulte de ces dispositions que le titulaire d'un contrat de maîtrise d'oeuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges et missions, ainsi que le bénéfice qu'il en escompte, et que seule une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peuvent donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. En outre, le maître d'oeuvre ayant effectué des missions ou des prestations non prévues au marché de maîtrise d'oeuvre, et qui n'ont pas été décidées par le maître d'ouvrage, a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations, nonobstant le caractère forfaitaire du prix fixé par le marché si, d'une part, elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, ou si, d'autre part, le maître d'oeuvre a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat.

16. En premier lieu, la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko soutient que les lots 5 (électricité) et 6 (CVC) ont donné lieu à l'établissement de nombreuses FTM, validées par le maître d'ouvrage et que dans le cadre de l'exécution de ces travaux modificatifs, la maîtrise d'oeuvre a dû analyser et corriger les devis établis par les entreprises concernées. Toutefois, il ne saurait être déduit de l'exécution de travaux modificatifs l'existence de prestations supplémentaires de maîtrise d'oeuvre utiles à l'exécution des modifications décidées par le maître d'ouvrage et ce alors, que les stipulations de l'article 8.4 du CCAP met à la charge de la maîtrise d'oeuvre l'établissement des avenants aux marchés de travaux. En outre, la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko n'établit pas, par la production de quelques devis sur lesquels la société Jacobs France, devenue Nox Industrie et Process, a apposé sa signature, que la maîtrise d'oeuvre aurait réalisé des prestations au-delà de ce qui était déjà inclus dans le prix forfaitaire du marché et de ses avenants. Elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, qui ont d'ailleurs suffisamment motivé leur jugement sur ce point, ont rejeté sa demande.

17. En deuxième lieu, si par un avenant n° 12, conclu le 7 juillet 2010, les parties ont convenu d'un renforcement de la présence de maîtrise d'oeuvre pour les missions DET et OPR de la phase 1 et DET de la phase 2, et d'une rémunération complémentaire pour la période d'avril 2009 à avril 2010, il ne résulte pas de l'instruction que le centre hospitalier de Valence aurait sollicité un tel renforcement des moyens humains pour la période postérieure au 30 avril 2010, ni au demeurant que la maîtrise d'oeuvre aurait maintenu le même niveau d'effectifs jusqu'en juillet 2011. Il ne résulte en outre pas de l'instruction, que des renforts en moyens humains était, pour cette période, indispensables à la réalisation des ouvrages dans les règles de l'art.

18. En troisième lieu, si la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko soutient que la découverte d'amiante au cours des travaux a entraîné pour elle l'exécution de prestations supplémentaires, elle ne l'établit pas. Elle n'établit en outre pas davantage qu'elle aurait entrepris des études pour modifier la phase 3 du projet de travaux. Il résulte en revanche de l'instruction, et en particulier du courrier du 8 août 2008 du directeur des travaux du centre hospitalier de Valence, que le maître d'ouvrage a sollicité la réalisation d'études techniques et économiques pour l'intégration de panneaux photovoltaïques en surtoiture. Par suite, la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko est fondée à demander à ce que la somme de 22 900 euros HT, soit 27 480 euros TTC, correspondant au coût de ces études, dont il n'est pas contesté qu'elles n'étaient pas initialement prévues au marché, soit intégrée à l'actif du décompte de liquidation.

19. En dernier lieu, et ainsi que l'ont jugé les premiers juges sans entacher leur jugement d'une insuffisance de motivation, la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko ne peut prétendre au bénéfice de l'indemnité prévue à l'article 2.2.2 de l'avenant n° 3 dès lors que les prestations supplémentaires, et en particulier celles concernant l'intégration de panneaux photovoltaïques en surtoiture, ne sont pas la conséquence de " décalages temporels " que l'indemnité avait vocation à réparer.

En ce qui concerne l'indemnisation du préjudice né de la résiliation fautive du marché :

20. La société Vasconi Architectes by Thomas Schinko conteste le jugement en ce qu'après avoir reconnu l'illégalité de la résiliation prononcée le 28 juillet 2011, le tribunal n'a pas fait droit à sa demande tendant à la réparation de son préjudice lié à l'atteinte à sa réputation et à son image. Toutefois, cette société n'établit pas plus en appel qu'en première instance la réalité et l'importance d'un tel préjudice.

En ce qui concerne l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur les condamnations prononcées par le tribunal administratif :

21. Par le jugement du 29 mai 2018, rectifié par une ordonnance du 10 juillet suivant, le tribunal administratif de Grenoble a mis à la charge du centre hospitalier de Valence la somme non contestée de 147 201,13 euros à verser à la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko correspondant à des sommes hors taxe sur la valeur ajoutée alors que cette société sollicitait une condamnation du centre hospitalier à lui verser une somme toutes taxes comprises.

22. Les indemnités prononcées sur le fondement de l'article 28.2 du CCAP et de l'article 2.2.2 de l'avenant n° 3, d'un montant respectif de 8 852,50 et 16 291,10 euros, ne sont pas la contrepartie d'une prestation mais constituent la réparation d'un préjudice et n'entrent pas dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). En revanche, les sommes mises à la charge du centre hospitalier de Valence par les points 22, 23, 25 et 31 du jugement, correspondant à la rémunération de la mission DET au taux de 90 %, de la mission AOR au taux de 80 %, de prestations prévues par l'avenant n° 12 et de prestations supplémentaires acceptées par le maître d'ouvrage, pour un montant total de 122 057,53 euros, entrent dans le champ d'application de la TVA. Il s'ensuit que la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko peut prétendre à une majoration de TVA, sur ces condamnations prononcées par le tribunal administratif de Grenoble, au taux de 20 %, applicable à la date de ce jugement, soit une somme de 24 411,51 euros.

En ce qui concerne la modération des pénalités de retard :

23. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations.

24. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi de ce fait aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi. Il en résulte que la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko ne saurait utilement soutenir, à l'appui de ses conclusions tendant à la modération des pénalités de retard mises à sa charge, que le centre hospitalier de Valence n'a subi aucun préjudice imputables aux retards dans la remise des études de la phase 2 et dans la délivrance des ordres de service pour la notification aux entreprises des FTM de la phase 2.

Sur le décompte de liquidation :

25. Il résulte de tout ce qui précède que le décompte de liquidation du marché de maîtrise d'oeuvre s'établit comme suit :

Somme due par le centre hospitalier de Valence en application du projet de décompte de liquidation 7 449 498,37 eurosSommes mises à la charge du centre hospitalier de Valence par le jugement contesté 296 638,60 eurosTVA due à la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko 24 411,51 eurosEtudes techniques et économiques d'intégration de panneaux photovoltaïques27 480,00 eurosAcomptes - 7 683 160,50 euros Pénalités de retard - Etudes de la phase 2- 247 000,00 euros Pénalités de retard - Délivrance OS - FTM phase 2- 37 050,00 eurosSolde du marché - 169 182,02 euros

26. Le solde du marché de maîtrise d'oeuvre à la date de sa résiliation s'établit donc à la somme de 169 182,02 euros à la charge solidaire des sociétés Vasconi Architectes by Thomas Schinko et Nox Industrie et Process.

Sur les conclusions présentées au titre des frais du litige :

27. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 169 182,02 euros TTC à verser au centre hospitalier de Valence est mise à la charge solidaire des sociétés Vasconi Architectes by Thomas Schinko et Nox Industrie et Process.

Article 2 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Valence, à la société Vasconi Architectes by Thomas Schinko, à Me A... et à la SELAFA MJA, liquidateurs judiciaires de la société Nox Industrie et Process.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2021.

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N° 18LY02917


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02917
Date de la décision : 14/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Prix - Rémunération des architectes et des hommes de l'art.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Pénalités de retard.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : MARTIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-14;18ly02917 ?
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