Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par deux requêtes distinctes, M. E... B... et Mme A... D... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 20 mai 2019 par lesquels le préfet du Rhône leur a refusé le séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1908310-1908311 du 16 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 24 juin 2020, M. et Mme C..., représentés par Me Debbache, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 16 mars 2020 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 20 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard, de leur délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention "vie privée et familiale" ou de procéder au réexamen de leur situation et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les refus de titre de séjour sont entachés d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs conséquences sur leur état de santé ;
- ces décisions violent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les obligations de quitter le territoire français sont privées de base légale du fait de l'illégalité des refus de titre de séjour ;
- ces décisions violent les dispositions de l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ces décisions sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;
- les décisions fixant le pays de destination sont dépourvues de motivation en fait ;
- ces décisions sont privées de base légale du fait de l'illégalité des refus de titre de séjour et des obligations de quitter le territoire français ;
- ces décisions sont entachées d'erreur de droit, le préfet ayant renoncé à exercer sa propre appréciation des risques encourus ;
- ces décisions violent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de leur état de santé ;
- les décisions fixant à trente jours le délai de départ volontaire n'ont pas été prises à l'issue d'un examen particulier de leur situation personnelle ;
- leur situation justifiait qu'un délai plus important leur soit accordé.
Par un mémoire, enregistré le 5 octobre 2020, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens sont infondés.
Par une décision du 23 décembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. et Mme C....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 2011 pris pour son application ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., ressortissants de nationalité albanaise nés respectivement en 1953 et en 1956, sont entrés pour la dernière fois en France à la date déclarée du 17 août 2016, accompagnés de leur fils majeur. Leurs demandes de réexamen de leurs demandes d'asile ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et en dernier lieu, par la Cour nationale du droit d'asile le 3 février 2017. Ils ont sollicité, le 3 octobre 2017, la délivrance d'un titre de séjour en raison de leur état de santé. Par des arrêtés du 20 mai 2019, le préfet du Rhône leur a refusé le séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le double fondement des 3° et 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé le pays de destination. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 16 mars 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la légalité des arrêtés du préfet du Rhône du 20 mai 2019 :
En ce qui concerne les refus d'admettre M. et Mme C... au séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
3. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé dans ses avis rendus le 24 août 2018 pour M. C... et le 18 octobre 2018 pour Mme C... que l'état de santé des intéressés nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont ils sont originaires, M. et Mme C... peuvent y bénéficier d'un traitement approprié.
4. Mme C... soutient qu'elle ne dispose que d'un seul rein en état de fonctionnement et qu'elle rencontre des complications à la marche en raison d'un hallus valgus. Elle fait également valoir qu'elle résidait en Albanie en zone de montagne, éloignée des centres permettant un accès au système de dialyse et à une chirurgie rénale impliquant une transplantation. Toutefois, la requérante ne produit aucune pièce à caractère médical propre à sa situation de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII.
5. M. C... a été victime d'un accident vasculaire cérébral en 2017 et a subi une chirurgie carotidienne en septembre 2018. Il soutient que son état de santé s'est aggravé postérieurement à l'avis du collège de médecins de l'OFII, mais antérieurement à la date de la décision contestée dès lors qu'il a subi en avril 2019 un pontage-carotido-sous-clavier et qu'il souffre également d'un syndrome d'apnée du sommeil diagnostiqué depuis cette date. Il fait valoir que les conséquences de cette aggravation ne peuvent être prises en charge dans son pays d'origine. Le certificat médical émanant d'un médecin généraliste produit à hauteur d'appel précise que le requérant a un très haut risque cardiovasculaire qui nécessite la prise au long cours d'un traitement anti-agrégant plaquettaire sous la forme de Duoplavin. Toutefois, le document traduit de l'Albanais présenté comme une attestation du ministère de la santé et de la protection sociale d'Albanie confirme que ce médicament dispose d'une autorisation de mise sur le marché en Albanie. Si M. C... indique que tel n'est pas le cas du Spiriva, aucune pièce ne permet d'établir, contrairement à ce que soutient le requérant, que ce médicament ferait partie de son traitement habituel et en tout état de cause qu'il ne serait pas substituable par une molécule thérapeutique disponible en Albanie. Dans ces conditions, les pièces versées au dossier ne permettent pas davantage de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII.
6. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 4 et 5 que les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'ils pouvaient prétendre de plein droit à un titre de séjour en application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 citées au point 2.
7. En deuxième lieu, s'ils invoquent la présence de trois filles en France et d'un fils en Grèce, rien ne s'oppose à ce que les requérants, déboutés du droit d'asile et qui n'ont été autorisés à résider en France qu'en raison des démarches qu'ils ont accomplies en vue d'obtenir le statut de réfugié et un titre de séjour au regard de leur état de santé, poursuivent leur vie privée et familiale hors de France. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les décisions contestées n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les motifs énoncés aux points 4 et 5, les décisions en litige ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle, notamment sanitaire, des requérants.
8. En troisième lieu, dès lors que la commission du titre de séjour ne doit être consultée par l'autorité administrative que lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 du même code qui remplit effectivement les conditions de délivrance d'un tel titre, le préfet du Rhône n'était pas tenu de soumettre le cas de M. et Mme C... à la commission du titre de séjour avant de leur refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement.
En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui est dit aux points 2 à 8 que M. et Mme C... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions les obligeant à quitter le territoire français.
10. En deuxième lieu, pour les motifs énoncés aux points 4 et 5, les décisions obligeant M. et Mme C... à quitter le territoire français n'ont pas méconnu le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En troisième lieu, eu égard aux développements qui précèdent et alors qu'aucune pièce du dossier ne permet d'établir que l'état de santé de M. et Mme C... ferait obstacle à leur éloignement du territoire national, le moyen tiré de ce que les obligations de quitter le territoire français en litige seraient, au regard de leurs conséquences, entachées d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions fixant le délai de départ volontaire :
12. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône se serait abstenu d'examiner la situation particulière de M. et Mme C... pour fixer le délai de départ volontaire.
13. En second lieu, eu égard aux développements qui précèdent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône, en accordant à M. et Mme C... le délai de droit commun de trente jours pour quitter volontairement le territoire français, aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi :
14. En premier lieu, les décisions fixant le pays de destination qui accompagnent des obligations de quitter le territoire français, prises sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont suffisamment motivées en fait par le rappel des décisions de l'OFPRA et de la CNDA et la mention selon laquelle les intéressés n'établissent pas que leur vie ou leur liberté sont menacées ou qu'ils sont exposés à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
15. En deuxième lieu, eu égard aux développements qui précèdent, les requérants ne sont pas fondés à invoquer l'illégalité des obligations de quitter le territoire français à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de destination.
16. En troisième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 14, les requérants ne sauraient soutenir que le préfet du Rhône aurait renoncé à exercer sa propre appréciation des risques encourus et commis à ce titre une erreur de droit.
17. En quatrième lieu, il résulte de ce qui est dit aux points 4 et 5 que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que leur éloignement vers l'Albanie constituerait, en raison de leur état de santé, un traitement inhumain ou dégradant prohibé par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et Mme A... D... épouse B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Daniel Josserand-Jaillet, président de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2021.
N° 20LY01679
fp
N° 20LY01679