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07/01/2021 | FRANCE | N°20LY01585

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 07 janvier 2021, 20LY01585


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2020 par lequel le préfet de la Côte d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2000430 du 2 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejet

é cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2020,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2020 par lequel le préfet de la Côte d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2000430 du 2 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2020, Mme D... C..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon du 2 mars 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de fait en ce qu'il mentionne qu'elle a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement, alors que ces mesures ont toutes été annulées par le tribunal ;

- cette décision procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision viole les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est entachée d'erreur de fait en ce qu'elle fonde le risque de fuite sur de précédentes obligations de quitter le territoire français qui sont réputées n'avoir jamais existé, alors que le préfet s'est cru lié par ces décisions ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de justification et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination viole les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'assignation à résidence est illégale, d'autant plus qu'elle est enceinte et rigoureusement suivie sur un plan médical ;

- l'obligation de se présenter tous les jours au commissariat, excessive, méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 19 novembre 2020, le préfet de la Côte d'Or conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, par courrier du 4 novembre 2020, de ce que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, le litige soumis au magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon n'ayant pas porté sur la légalité de cette décision.

Par une décision du 17 juin 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme C....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... B..., première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... relève appel du jugement du 2 mars 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon, après avoir renvoyé à la formation collégiale les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour contenu dans l'arrêté du préfet de la Côte d'Or du 28 janvier 2020, a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour :

2. Mme C... n'est pas recevable à présenter devant la cour, dans le cadre de l'appel formé contre le jugement attaqué, des conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour dès lors que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon n'a pas statué sur la légalité de cette décision.

Sur la légalité de l'arrêté du 28 janvier 2020 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, si les obligations de quitter le territoire français des 7 décembre 2015 et 22 novembre 2016 dont a fait l'objet Mme C... ont été définitivement annulées par le tribunal administratif de Dijon, la requérante avait préalablement fait l'objet, le 16 février 2015, d'une première mesure d'éloignement consécutivement au rejet de sa demande d'asile. Mme C..., définitivement déboutée du droit d'asile et du réexamen de cette demande, n'avait, à la date de la décision en litige, aucun droit au maintien sur le territoire français. Par suite, le préfet de la Côte d'Or n'a pas entaché l'arrêté en litige d'une inexactitude matérielle des faits en mentionnant que l'intéressée s'est maintenue en situation irrégulière sur le territoire français.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. - 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

5. Mme C... est entrée irrégulièrement en France le 26 mars 2013 selon ses déclarations et n'a été autorisée à y résider qu'en raison des démarches qu'elle a accomplies en vue d'obtenir le statut de réfugié. Sa demande d'asile et sa demande de réexamen à ce titre ont été rejetées, en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 12 mai 2015. Elle s'est maintenue sur le territoire national en méconnaissance d'une première obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 16 février 2015. Son époux, également débouté de sa demande d'asile, n'a pas de droit au séjour en France. En l'absence d'obstacle avéré à ce que le couple poursuive sa vie privée et familiale hors de France avec leurs enfants nés en France en 2013 et en 2017, en dépit de leur scolarisation, le refus de titre de séjour opposé à Mme C... ne méconnaît pas les stipulations citées au point précédent et n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une telle décision sur la situation personnelle de la requérante.

6. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Côte d'Or aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui subordonnent l'octroi d'un titre de séjour sur ce fondement, à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels.

7. Il résulte de ce qui est dit aux points 3 à 6 que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

8. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mme C... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

9. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, c'est à tort que le préfet de la Côte d'Or s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée n'avait pas exécuté trois obligations de quitter le territoire français, dont deux ont été définitivement annulées par la juridiction administrative, pour lui refuser un délai de départ volontaire. Toutefois, Mme C... n'a pas exécuté la mesure d'éloignement du 16 février 2015, et se trouvait ainsi dans le cas visé au d) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant, sauf circonstance particulière, de présumer établi le risque de soustraction aux mesures d'éloignement en litige. La situation de la requérante ne révèle l'existence d'aucune circonstance particulière au regard de ces dispositions. Nonobstant l'erreur de fait qu'il a commise, le préfet de la Côte d'Or n'a ni renoncé à l'exercice de sa propre compétence ni fait une inexacte application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

10. Pour prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de la Côte d'Or, qui a procédé à l'examen de la situation de la requérante au regard de l'ensemble des critères définis au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a relevé que son époux est dans la même situation administrative et n'a aucun droit au séjour sur le territoire français, que l'intéressée n'a pas exécuté trois obligations de quitter le territoire français, qu'elle s'est volontairement maintenue en situation irrégulière sur le territoire français sans chercher à préparer son départ de France, qu'elle n'apporte pas de preuves de sa présence en France depuis au moins cinq années. Alors même que le préfet de la Côte d'Or a opposé à tort la soustraction de Mme C... à deux mesures d'éloignement annulées par le tribunal administratif, il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur les autres motifs. L'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre, d'une durée d'une année, n'apparait pas entachée d'une erreur d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. Mme C... soutient qu'un retour au Kosovo l'exposerait, en vertu de la loi du kanun, à de graves menaces de représailles de la part de l'homme qu'elle a refusé d'épouser. Toutefois, elle n'établit pas, par son récit et les pièces produites, la réalité des faits allégués et l'existence de risques personnels et actuels en cas de retour dans le pays dont elle possède la nationalité, alors qu'au demeurant, sa demande d'asile a été définitivement rejetée par les instances compétentes. Par suite, en désignant ce pays comme pays de renvoi, le préfet de la Côte d'Or n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

12. En premier lieu, alors que l'assignation à résidence prévue par les dispositions de l'article L. 561-2 constitue une mesure alternative au placement en rétention prévu par les dispositions de l'article L. 551-1 du même code lorsque l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que son éloignement demeure une perspective raisonnable, la seule circonstance que la requérante débute une grossesse à la date de la décision attaquée ne permet pas d'établir que l'assignation à résidence dont elle fait l'objet pour l'exécution de la mesure d'éloignement en litige serait dépourvue de justification.

13. En second lieu, en se bornant à soutenir qu'elle a un enfant scolarisé, sans autre précision, la requérante n'établit pas que le préfet de la Côte d'Or a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en l'obligeant à se présenter tous les jours entre 8 heures et 9 heures au commissariat de police de Dijon.

14. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction qu'elle présente doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Daniel Josserand-Jaillet, président de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme E... B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2021.

N° 20LY01585

fp

N° 20LY01585


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01585
Date de la décision : 07/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-07;20ly01585 ?
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