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07/01/2021 | FRANCE | N°20LY01490

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 07 janvier 2021, 20LY01490


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande en lui octroyant une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat

la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande en lui octroyant une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1908432 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2020, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1908432 du 12 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour dans l'attente ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé pour écarter son moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué et du défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- le jugement a opposé à tort l'absence de procédure de regroupement familial, alors que l'arrêté méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant n'était pas méconnu en cas d'éloignement de la mère ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé et le préfet n'a pas procédé à un examen particulier et sérieux de sa situation personnelle ;

- l'arrêté a méconnu l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle est entrée régulièrement en France en 2016, qu'elle est mariée depuis 2012 avec un compatriote détenteur d'une carte de résident avec lequel elle a eu deux enfants nés en 2013 et 2016, qui sont scolarisés en France depuis 2016, que sa présence auprès de son mari souffrant de séquelles d'un accident vasculaire cérébral et de sa fille atteinte d'une maladie génétique aux yeux est indispensable, que la procédure de regroupement familial est trop longue, qu'elle parle parfaitement le français, qu'elle dispose de diplômes qui lui permettraient d'être aisément recrutée et qu'elle n'a plus d'attaches avec son pays d'origine ;

- l'arrêté méconnait l'intérêt supérieur de ses enfants au sens de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gayrard, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 2 décembre 2019, le préfet de l'Isère a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme D... épouse B..., née le 12 septembre 1983 en Algérie, et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en lui fixant un pays de destination. Par un jugement du 12 mars 2020, dont Mme D... relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Si la requérante soutient que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé et entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'examen des moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté querellé et de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, Mme D... critique ainsi le bien-fondé du jugement, qui est suffisamment motivé. En relevant seulement que le mari de la requérante n'a pas usé de la procédure de regroupement familial, le tribunal administratif de Grenoble n'a nullement entaché son jugement d'irrégularité comme le soutient la requérante.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, la requérante soutient que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il n'a pas pris en compte la durée de sa présence en France, la naissance de son deuxième enfant en France, la maladie de l'ainée de ses enfants ou l'état de santé de son mari. Toutefois, le préfet de l'Isère, qui n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments indiqués par l'intéressée au soutien de sa demande de titre de séjour, a retenu que l'intéressée était entrée pour la dernière fois en France le 2 juin 2018, a indiqué que l'intéressée avait deux enfants mineurs et a mentionné l'état de santé du mari alors que la requérante ne justifie pas qu'elle a également fait valoir l'état de santé de son second enfant. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de l'Isère n'aurait pas procédé à un examen particulier et sérieux de la situation personnelle du requérant.

4. En second lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : "aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an, portant la mention vie privée et familiale, est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autorisation de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

5. Si Mme D... fait valoir qu'elle est entrée régulièrement en France en 2016 pour rejoindre son mari, titulaire d'une carte de résident depuis 2012, dès lors que celui-ci a été victime d'un accident vasculaire cérébral, il ressort des pièces du dossier, et notamment du passeport de l'intéressée, que celle-ci a effectué plusieurs allers retours à compter de cette date jusqu'au 2 juin 2018, dernière date d'entrée sur le territoire français et ne justifie donc d'une résidence habituelle en France que depuis cette dernière date. Si la requérante soutient que sa présence auprès de son mari est indispensable au regard de son état de santé, elle n'apporte aucun justificatif en ce sens alors que les pièces médicales produites indiquent que son époux a souffert d'une myocardite, au demeurant guérie, et non d'un accident vasculaire cérébral ayant laissé de lourdes séquelles. Si la requérante fait valoir qu'elle s'est mariée avec lui le 23 août 2012 en Algérie, il découle de ce qui précède que les conjoints ont vécu séparés jusqu'en 2018. Ainsi qu'il a été indiqué au point 3, la requérante ne justifie pas s'être prévalue de l'état de santé de sa fille née en Algérie le 15 septembre 2013 alors, au surplus, qu'elle n'apporte aucun élément établissant la maladie génétique oculaire de celle-ci. Si la requérante fait valoir que ses deux filles, dont l'une est née en France le 30 novembre 2016, y sont scolarisées, ce n'est que depuis l'année scolaire 2019-2020 au vu des certificats de scolarité produits. L'arrêté attaqué n'a ni pour objet, ni pour effet, de la séparer de ses enfants dès lors que ces derniers ayant aussi la nationalité algérienne, rien ne fait obstacle à ce qu'elles puissent l'accompagner en cas d'éloignement dans son pays d'origine et y poursuivent leur scolarité. Enfin, si la requérante fait valoir qu'elle bénéficie de promesses d'embauche, elle a abandonné un emploi d'ingénieur planificateur exercé en Algérie.

6. Par suite, eu égard aux conditions et à la brève durée de son séjour en France, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du préfet de l'Isère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination porterait une atteinte excessive au droit au respect de sa vie familiale et privée et méconnaitrait les stipulations de l'article 6-5 de l'accord précité ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne porte pas davantage atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il n'est pas non plus établi que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant les décisions susvisées.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination, ainsi que par voie de conséquence, celles à fin d'injonction. Il y a lieu également de rejeter ses conclusions tendant à mettre à la charge de l'État ses frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 7 janvier 2021.

N° 20LY01490 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01490
Date de la décision : 07/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-07;20ly01490 ?
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