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07/01/2021 | FRANCE | N°20LY00629

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 07 janvier 2021, 20LY00629


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du préfet de Saône-et-Loire du 22 février 2019 portant rejet de sa demande de regroupement familial pour son épouse, Mme B... D..., et leurs deux enfants F... et I..., ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire d'autoriser le regroupement familial ou, à défaut, de réexaminer sa demande sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du préfet de Saône-et-Loire du 22 février 2019 portant rejet de sa demande de regroupement familial pour son épouse, Mme B... D..., et leurs deux enfants F... et I..., ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire d'autoriser le regroupement familial ou, à défaut, de réexaminer sa demande sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1902403 du 11 décembre 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 9 février, 28 septembre et 26 novembre 2020, M. C..., représenté par Me Pépin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902403 du 11 décembre 2019 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler la décision du préfet de Saône-et-Loire du 22 février 2019 portant rejet de sa demande de regroupement familial, ensemble la décision implicite de rejet opposé à son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire, de réexaminer sa demande sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois ;

4°) de condamner l'Etat à verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car il a omis de statuer sur le moyen tiré de la violation de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne mentionne pas le motif opposé par le préfet ;

- la décision attaquée a été signée par un auteur incompétent en l'absence d'une délégation de signature claire et précise ;

- le préfet a commis une erreur de droit en se fondant sur un motif non prévu à l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en motivant son refus sur une méconnaissance de sa part du principe d'égalité homme et femme dans le cadre de son activité professionnelle puis invoquant lors de l'instance au fond plusieurs manquements basés sur un jugement de divorce du 2 octobre 2013 ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale consacré par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors qu'il a eu une précédente vie commune avec son épouse avec un premier mariage célébré en 2011, qu'il a continué à entretenir des relations avec elle et leur enfant né en 2013 jusqu'au remariage de 2017, qu'il a eu deux enfants avec son épouse nés en 2013 et 2018 et qu'il a développé des liens forts avec la France du fait de sa profession de cardiologue hospitalier ;

- la décision méconnait l'intérêt supérieur de ses enfants au sens de l'article 3-1 de la convention de New York dès lors qu'elle empêche ses enfants de vivre auprès de lui alors que l'ainé F... souffre d'un diabète insulino-dépendant nécessitant la présence de ses deux parents à ses côtés et qui ne peut être traité convenablement en Algérie.

Par un mémoire, enregistré le 13 octobre 2020, le préfet de Saône-et-Loire conclut au rejet de la requête :

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant sont infondés et indique que ce dernier a engagé une procédure d'acquisition de la nationalité française et a contesté les refus qui lui ont été opposés devant le juge administratif.

Vu les autres pièces du dossier et notamment le document daté du 10 juillet 2020, déposé au greffe le 29 septembre 2020, soustrait au contradictoire en application de l'article R. 412-2-1 du code de justice administrative, lequel n'a pas paru utile à la solution du litige.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gayrard, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 22 février 2019, le préfet de Saône-et-Loire a opposé un refus à la demande de regroupement familial sollicité par M. C... au profit de son épouse, Mme D..., et leurs enfants A... G... et I.... Par jugement du 11 décembre 2019, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de cette décision, ensemble la décision implicite de rejet opposée à son recours gracieux exercé le 23 avril 2019.

Sur le bien fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : (...) 3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. "

3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de Saône-et-Loire a motivé son refus d'accorder le bénéfice du regroupement familial à l'épouse de M. C..., Mme D..., et à leurs deux enfants A... G... et I..., en se fondant expressément sur ces dispositions du 3° de l'article L. 411-5 et en estimant que le comportement du demandeur dans le cadre de son activité professionnelle a été marqué par des attitudes allant à l'encontre du principe constitutionnel d'égalité entre les hommes et les femmes. Alors que le préfet ne fait état d'aucun fait de nature à établir un tel comportement de l'intéressé, celui-ci a produit de très nombreux témoignages de patients et de personnels hospitaliers, notamment de femmes, attestant d'une absence de manquement à un tel principe.

4. Toutefois, devant le tribunal administratif de Dijon, le préfet a invoqué les termes d'un jugement de divorce du 2 octobre 2013 prononcé entre M. C... et Mme D... pour soutenir que l'intéressé ne respecte pas certains principes fondamentaux reconnus par les lois de la République tels que la monogamie, l'égalité de l'homme et de la femme, le respect de l'intégrité physique des enfants et adolescents, le respect de la liberté du mariage, l'assiduité scolaire, le respect des différences ethniques et religieuses, la laïcité. Il fait valoir que ce divorce a été prononcé à la demande du seul époux, que ce dernier a été condamné pour divorce abusif, que l'autorité parentale a été accordée à Mme E..., M. C... ne pouvant exercer qu'un droit de visite, et qu'il a renvoyé son épouse du domicile conjugal fin 2012, soit un an après leur mariage et alors que Mme E... était enceinte. Néanmoins, alors même qu'il existerait un divorce par consentement mutuel en droit algérien, le choix par M. C... d'une procédure accordant l'initiative du divorce au seul mari, forme de répudiation inspirée du droit coranique, reste légal pour un mariage contracté en Algérie et ne révèle pas, à lui seul, un manquement à l'ensemble des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République énumérés par le préfet. Si le préfet souligne le contexte dans lequel est intervenu ce divorce, il convient de rappeler que M. C... et Mme E... se sont depuis remariés le 13 juin 2017 et que la décision querellée porte sur le regroupement familial de son épouse et de leurs deux enfants. Enfin, les faits relatés par le préfet sont anciens au regard de la décision attaquée. Dans ces conditions, M. C... est fondé à soutenir que le préfet a inexactement appliqué les dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'appui de sa requête, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement et la décision du préfet de Saône-et-Loire du 22 février 2019 portant refus de regroupement familial, ensemble la décision implicite de rejet opposé à son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Il résulte de l'instruction que M. C... a engagé une démarche en vue d'acquérir la nationalité française. Si le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation par une décision du 27 mars 2020, le tribunal administratif de Nantes, par jugement du 17 juillet 2020, a annulé celle-ci et enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande dans un délai de trois mois. Par suite, dès lors que l'intéressé a vocation à acquérir la nationalité française, sa demande de regroupement familial en tant qu'étranger devient inutile. Dès lors, les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Saône-et-Loire de lui accorder une autorisation de regroupement familial, sinon de procéder à un réexamen de sa demande, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros qui sera versée à M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 11 décembre 2019 et la décision du préfet de Saône-et-Loire du 22 février 2019 portant rejet de la demande de regroupement familial sollicitée par M. C..., ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 7 janvier 2021.

2

N° 20LY00629


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00629
Date de la décision : 07/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : PEPIN JULIETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-07;20ly00629 ?
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