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07/01/2021 | FRANCE | N°19LY04118

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 07 janvier 2021, 19LY04118


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Viviers à réparer l'intégralité de ses préjudices consécutifs à l'accident survenu le 5 octobre 2016, d'ordonner une expertise, de lui allouer une provision de 100 000 euros et de mettre à la charge de la commune de Viviers le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Viviers a appelé en garantie la SAS TLM.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Viviers à réparer l'intégralité de ses préjudices consécutifs à l'accident survenu le 5 octobre 2016, d'ordonner une expertise, de lui allouer une provision de 100 000 euros et de mettre à la charge de la commune de Viviers le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Viviers a appelé en garantie la SAS TLM.

Par un jugement n° 1807167 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a déclaré responsable la commune de Viviers, a ordonné une expertise, a rejeté la demande de provision de Mme B... et l'appel en garantie de la commune de Viviers et a réservé les droits et moyens des parties sur lesquels le tribunal n'a pas expressément statué.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 novembre 2019, la commune de Viviers, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1807167 du 1er octobre 2019 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a retenu sa responsabilité et, à titre subsidiaire, en tant qu'il a rejeté son appel en garantie dirigé contre la société TLM ;

2°) de condamner tout succombant à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le défaut d'entretien normal de l'ouvrage en cause n'est pas établi dès lors que le ralentisseur était parfaitement visible et suffisamment signalé par un panneau type C 7 ;

- le lien de causalité avec une non-conformité du ralentisseur, à le supposer établi, n'existe pas puisque la victime a chuté en freinant brutalement devant l'obstacle ;

- la faute de la victime aurait dû être prise en compte au vu de sa vitesse excessive et de son manque de maitrise de son véhicule ;

- l'appel en garantie de l'entreprise chargée des travaux de création du ralentisseur doit être accueilli puisqu'elle avait en charge la signalisation du dos d'âne et qu'elle a construit un ouvrage non conforme ;

- la demande de provision de Mme B... n'est pas justifiée dans son montant dès lors que seule l'expertise permettra de déterminer ses préjudices.

Par un mémoire, enregistré le 24 février 2020, Mme A... B..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de condamner la commune de Viviers à lui verser une provision de 100 000 euros en réparation de ses préjudices, ainsi que la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la responsabilité de la commune est engagée pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage en cause tenant à l'irrégularité de son implantation hors agglomération, à sa non-conformité à la norme AFNOR du 16 mai 1994 en termes de hauteur et de longueur et au caractère inapproprié de sa signalisation par un panneau caché par le feuillage des arbres ;

- elle n'a commis aucune faute en l'absence de preuve d'une vitesse excessive sur une portion de route où la vitesse est limitée à 45 Km/h.

Par deux mémoires enregistrés les 28 février et 2 novembre 2020, la compagnie nationale du Rhône représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de condamner solidairement la commune de Viviers et la société SAS TLM à lui verser la somme de 63 508,74 euros au titre de ses débours et à ce que qu'elles lui versent la somme de 1 500 euros au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- elle intervient en qualité d'organisme spécial de sécurité sociale et d'employeur ;

- elle a versé des salaires et charges patronales pendant l'arrêt de travail de Mme B... qu'elle est en droit de réclamer à la commune.

Par un mémoire enregistré le 19 novembre 2020, la SAS TLM, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et des conclusions de la compagnie nationale du Rhône et à ce que la commune de Viviers lui verse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la réception des travaux de réalisation du ralentisseur prononcée sans réserves le 13 février 2017 fait obstacle à l'appel en garantie formulée par la commune ; elle n'avait en charge que la pose des panneaux au pied des ralentisseurs et la signalisation provisoire jusqu'au refroidissement du goudron et non jusqu'à la réception des travaux ; la signalisation définitive incombait à la commune et le marquage au sol à la société Delta Signalisation ;

- l'appel en garantie ne peut se fonder sur la garantie décennale en l'absence de preuve que le ralentisseur serait impropre à sa destination ; l'éventuelle non-conformité de l'ouvrage n'est pas la cause de l'accident ;

- la compagnie nationale du Rhône ne peut demander sa condamnation solidaire avec la commune alors qu'elle n'a pas été condamnée en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la route ;

- le décret n° 94-447 du 27 mai 1994 ;

- l'arrêté du 24 novembre 1967 relatif à la signalisation des routes et autoroutes ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., avocat de la SAS TLM.

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 octobre 2016, vers 16 heures 45, Mme A... B..., salariée de la compagnie nationale du Rhône, a été victime d'un accident de moto lors du franchissement d'un ralentisseur implanté sur une voie communale appelée chemin des Perriers à Viviers. Après avoir effectué une réclamation préalable le 27 juillet 2018, expressément rejetée le 3 septembre suivant, Mme B... a saisi le tribunal administratif de Lyon le 1er octobre 2018 d'un recours tendant à ce que la commune de Viviers soit reconnue responsable de l'accident, qu'une expertise soit ordonnée pour évaluer ses préjudices et qu'une provision de 100 000 euros lui soit versée dans l'attente. La commune de Viviers a appelé en garantie la SAS TLM, à laquelle avait été confiée la réalisation du ralentisseur selon bon de commande du 9 septembre 2016.

2. Par jugement du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a déclaré la commune de Viviers responsable des préjudices subis par Mme B..., a ordonné une expertise, a rejeté l'appel en garantie de la commune et a réservé tous droits et moyens des parties. Par requête enregistrée le 8 novembre 2019, la commune de Viviers demande à la cour de réformer ce jugement en tant qu'il a retenu sa responsabilité et, subsidiairement, a rejeté son appel en garantie. Mme B... a présenté des conclusions incidentes tendant au versement d'une provision de 100 000 euros. La compagnie nationale du Rhône a présenté, pour la première fois en appel, des conclusions tendant au paiement de débours pour la somme de 63 508,74 euros.

Sur la responsabilité de la commune de Viviers :

3. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.

4. Par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a retenu la responsabilité de la commune de Viviers pour défaut d'entretien normal en retenant, d'une part, une insuffisance de signalisation du ralentisseur en l'absence, en amont de l'ouvrage, de panneaux d'avertissement du danger et de limitation de la vitesse à 30 Km/h et, d'autre part, une non-conformité de ce dos d'âne au décret n° 94-447 du 27 mai 1994 s'agissant de son implantation hors agglomération et de ses dimensions avec notamment une hauteur de quinze à dix-sept centimètres pour une norme d'environ dix centimètres.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal d'audition devant la gendarmerie établi le 27 octobre 2016, que Mme B... a freiné brutalement et a perdu le contrôle de son véhicule juste devant le ralentisseur avant de chuter. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a retenu un lien de causalité adéquat entre l'accident et la non-conformité du dos d'âne en termes d'implantation ou de dimensionnement.

6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que si le ralentisseur en cause était signalé par un panneau d'indication bleu de type C 27 au droit de l'ouvrage, dont il n'est pas établi qu'il était occulté par de la végétation comme l'allègue Mme B..., il n'est pas contesté que ce ralentisseur, qui venait d'être mis en place le jour même de l'accident, n'était pas signalé en amont par un double panneau avertissant d'un danger type dos d'âne et limitant la vitesse à 30 Km/h comme l'exige la réglementation applicable issue de l'instruction interministérielle sur la signalisation routière approuvée par l'arrêté du 7 juin 1977 relatif à la signalisation des routes et autoroutes. Cette signalisation insuffisante constitue un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public en cause de nature à engager la responsabilité de la commune de Viviers, maitre de l'ouvrage, nonobstant la circonstance invoquée par elle que l'obstacle était par lui-même suffisamment visible.

7. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que l'accident a eu lieu en journée et par temps clair et sec, que le ralentisseur était situé dans une portion de voie rectiligne et dans un état normal et qu'il était au moins signalé par un panneau de type C 27 implanté au droit du dos d'âne. En outre, le seul témoin oculaire de l'accident a indiqué que la moto allait à une allure assez vive dans une zone limitée à 45 Km/h et que Mme B... a brutalement freiné devant l'obstacle et a ainsi perdu le contrôle de son véhicule. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon n'a pas retenu une faute de la victime partiellement exonératoire de la responsabilité de la commune de Viviers. Il sera donc laissé à Mme B... la charge de la moitié des préjudices imputables à son accident.

8. Il découle des points précédents que la commune de Viviers est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, elle a été déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables subies par Mme B... lors de son accident survenu le 5 octobre 2016. Par suite, il y a lieu de réformer l'article 1er de ce jugement et de déclarer la commune de Viviers responsable de la moitié des conséquences dommageables de l'accident subi par Mme B....

Sur l'appel en garantie de la commune contre la SAS TLM :

9. La fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation sauf lorsque la réception a été obtenue par des manoeuvres dolosives ou lorsque le dommage trouve son origine dans des désordres affectant l'ouvrage de nature décennale.

10. Il résulte de l'instruction que si l'accident a eu lieu juste à l'issue des travaux confiés à la SAS TLM pour la réalisation du ralentisseur en cause et qu'il incombait à l'entreprise de mettre en place une signalisation provisoire du ralentisseur, il n'est pas contesté qu'une réception sans réserve des travaux a été prononcée le 13 février 2017 mettant fin aux relations contractuelles entre la commune et la SAS TLM et faisant ainsi obstacle à ce que la première appelle en garantie la seconde pour les dommages subis par Mme B.... Si la commune soutient également que la non-conformité affectant le ralentisseur est susceptible d'engager la responsabilité de la SAS TLM sur le fondement de la garantie décennale, il découle du point 5 que le dommage subi par Mme B... ne trouve pas son origine dans une telle non-conformité. Par suite, la commune de Viviers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté son appel en garantie dirigé contre la SAS TLM.

Sur la provision demandée par Mme B... :

11. Si Mme B... demande l'octroi d'une provision de 100 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices, Mme B... n'apporte aucun justificatif de nature à permettre d'évaluer au moins une partie de ses préjudices et seule l'expertise ordonnée avant-dire droit par le jugement attaqué permettra de déterminer le quantum exact de ses préjudices. Par suite, les conclusions tendant à l'octroi d'une provision doivent être rejetées.

Sur la demande de paiement de débours provisoires de la compagnie nationale du Rhône :

12. D'une part, si la compagnie nationale du Rhône soutient qu'elle intervient en tant qu'organisme spécial de sécurité sociale au sens de l'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale, il résulte de l'instruction que Mme B..., en tant que salariée de la compagnie, est affiliée à la caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières. Le décret n° 49-66 du 4 janvier 1949 dont la compagnie nationale du Rhône se prévaut n'indique nullement que, de par son statut d'industrie non nationalisée ou non transférée, elle serait amenée à servir des prestations de sécurité sociale à ses employés.

13. D'autre part, si la compagnie nationale du Rhône est recevable à intervenir dans la présente instance en tant qu'employeur tenu de continuer à verser un salaire à un de ses agents en arrêt maladie et subrogé à ses droits pour éventuellement en obtenir le remboursement par l'auteur du dommage, de tels droits dépendent de la liquidation préalable des préjudices de la victime par l'expertise ordonnée par le jugement avant-dire-droit attaqué. Par suite, de telles conclusions prématurées doivent être rejetées.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties tendant à la prise en charge de leurs frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon n° 1807167 du 1er octobre 2019 est annulé.

Article 2 : La commune de Viviers est déclarée responsable à hauteur de la moitié des conséquences dommageables de l'accident subi par Mme B... le 5 octobre 2016.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Viviers, à Mme A... B..., à la caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières, à la Compagnie nationale du Rhône et à la société TLM travaux publics.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 7 janvier 2021.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04118
Date de la décision : 07/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-05 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Personnes responsables.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SCP MAURICE- RIVA-VACHERON

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-07;19ly04118 ?
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