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07/01/2021 | FRANCE | N°19LY01521

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 07 janvier 2021, 19LY01521


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... et M. H... E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 août 2016 par lequel le maire de la commune des Contamines-Montjoie a refusé de proroger le permis de construire qu'il avait délivré le 26 août 2013 pour la construction d'un bâtiment à usage de restaurant et de centre de remise en forme sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1605635 du 21 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette d

emande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 22 avril 2019, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... et M. H... E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 août 2016 par lequel le maire de la commune des Contamines-Montjoie a refusé de proroger le permis de construire qu'il avait délivré le 26 août 2013 pour la construction d'un bâtiment à usage de restaurant et de centre de remise en forme sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1605635 du 21 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 22 avril 2019, et un mémoire en réplique, enregistré le 22 juillet 2020, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. C... et M. E..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 février 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire des Contamines-Montjoie du 22 août 2016 ;

3°) d'enjoindre au maire des Contamines-Montjoie de proroger pour une durée d'un an le permis de construire accordé du 26 août 2013 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la commune des Contamines-Montjoie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal a entaché son jugement d'une omission à statuer pour n'avoir pas répondu à son moyen de défense tiré de ce que c'est à la date de la demande de prorogation qu'il convient d'apprécier l'évolution des prescriptions d'urbanisme et des servitudes administratives applicables au projet ;

- le jugement n'est pas suffisamment motivé dès lors qu'il ne précise pas quelles dispositions du plan de prévention des risques naturels (PPRN) s'appliquent ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit à la demande de substitution de motif sollicitée en défense, alors que l'acte qui saisit l'administration de la demande de prorogation constitue une situation nouvelle et que c'est à cette date que la situation des titulaires du permis de construire doit être appréciée ; à la date de la demande de prorogation le 26 juin 2016, le PPRN n'était pas approuvé ; en tout état de cause, à la date de la décision attaquée le 22 août 2016, il n'était pas exécutoire, faute pour la commune d'avoir justifié de l'accomplissement des mesures de publicité requises par l'article R. 562-9 du code de l'environnement ;

- le PPRN n'interdisait pas l'exécution du permis de construire mais seulement les projets nouveaux, définis comme les opérations qui nécessitent la délivrance d'un permis de construire ou le dépôt d'une déclaration postérieurement à l'approbation du plan ;

- à titre subsidiaire, le PPRN est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la contradiction entre l'énoncé de l'exposé des motifs et le règlement ; il convient ainsi d'appliquer au projet le document antérieur ;

- le motif opposé est illégal dès lors que le délai de deux mois, prescrit pour éviter la prorogation tacite du permis de construire, ne constitue pas une cause d'irrecevabilité de la demande ;

- il ne peut être fait droit à la nouvelle demande de substitution de motifs, tirée des prétendus risques d'atteinte à la sécurité publique, alors que le permis de construire a été accordé en toute connaissance de cause et qu'aucun changement de la situation de fait ne justifie le refus de prorogation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2020, la commune des Contamines-Montjoie, représentée par la SELARL Itinéraires Avocat, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen critiquant, par voie d'exception, la légalité du PPRN pour un motif de procédure au-delà du délai de six mois prévu par l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme est irrecevable ;

- les autres moyens soulevés sont infondés ;

- le cas échéant, la cour prononcera une substitution de motif ; les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme justifient le refus de prorogation.

La clôture de l'instruction a été fixée au 23 juillet 2020 par une ordonnance du 18 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... F..., première conseillère ;

- les conclusions de M. Jean Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me D... pour MM. C... et E... ainsi que celles de Me I..., substituant Me B..., pour la commune des Contamines-Montjoie ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... et M. E... relèvent appel du jugement du 21 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire des Contamines-Montjoie du 22 août 2016 refusant de proroger le permis de construire qu'il avait délivré le 26 août 2013 pour la construction d'un bâtiment à usage de restaurant et de centre de remise en forme.

Sur la légalité de l'arrêté du 22 août 2016 :

2. Aux termes de l'article R. 424-21 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir ou la décision de non-opposition à une déclaration préalable peut être prorogé deux fois pour une durée d'un an, sur demande de son bénéficiaire si les prescriptions d'urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n'ont pas évolué de façon défavorable à son égard. ". Aux termes de l'article R. 424-22 de ce code : " La demande de prorogation est établie en deux exemplaires et adressée par pli recommandé ou déposée à la mairie deux mois au moins avant l'expiration du délai de validité. ".

3. Pour refuser, par un arrêté du 22 août 2016, de proroger la validité du permis de construire un bâtiment à usage de restaurant et de centre de remise en forme qu'il avait délivré le 26 août 2013, le maire des Contamines-Montjoie a opposé un motif tiré de la tardiveté de la demande de prorogation au regard des dispositions de l'article R. 424-22 citées au point précédent.

4. Pour rejeter la demande de M. C... et M. E... tendant à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir censuré ce motif de refus, a procédé à une substitution de motifs et a retenu que le plan de prévention des risques naturels (PPRN) approuvé le 20 juillet 2016 et classant la parcelle d'assiette du projet en zone bleue foncée Zt devait être regardé comme une servitude administrative à laquelle est soumise le projet ayant évolué de façon défavorable à son égard au sens des dispositions de l'article R. 424-21 du code de l'urbanisme, faisant obstacle à la prorogation sollicitée.

5. Aux termes de l'article R. 562-9 du code de l'environnement : " " (...) le plan, éventuellement modifié, est approuvé par arrêté préfectoral. Cet arrêté fait l'objet d'une mention au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département ainsi que dans un journal diffusé dans le département. Une copie de l'arrêté est affichée pendant un mois au moins dans chaque mairie et au siège de chaque établissement public de coopération intercommunale compétent pour l'élaboration des documents d'urbanisme sur le territoire desquels le plan est applicable. "

6. Ainsi que le soutiennent les requérants, la commune n'a pas justifié de l'accomplissement des mesures de publicité requises par les dispositions de l'article R. 562-9 du code de l'environnement, qui conditionnent l'opposabilité de cette servitude à l'égard des tiers. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que le PPRN n'était pas opposable à la date de l'arrêté attaqué et que c'est ainsi à tort que les premiers juges ont procédé à une telle substitution de motif.

7. La commune des Contamines-Montjoie, qui ne conteste pas en appel la censure par le jugement attaqué du motif de refus initialement opposé, fait valoir que, compte tenu du risque connu par l'autorité compétente dans le cadre de l'élaboration du PPRN, le refus de prorogation peut également être fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Toutefois, l'autorité administrative, saisie d'une demande de prorogation d'un permis de construire, ne peut fonder un refus de prorogation sur une évolution des circonstances de fait, postérieure à la délivrance de l'autorisation. Dans ces conditions, il ne peut être fait droit à cette nouvelle demande de substitution de motif.

8. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens de légalité invoqués par les requérants n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de l'arrêté en litige.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... et M. E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, le jugement attaqué, sans qu'il soit besoin d'en examiner la régularité, a rejeté leur demande et à demander l'annulation de ce jugement ainsi que celle de l'arrêté du maire des Contamines-Montjoie du 22 août 2016.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire ".

11. L'annulation prononcée par le présent arrêt, eu égard au motif sur lequel elle est fondée, implique que le maire des Contamines-Montjoie accorde la prorogation, pour une durée d'un an, du permis de construire du 26 août 2013, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune des Contamines-Montjoie demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune des Contamines-Montjoie le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et M. E....

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 février 2019 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du maire des Contamines-Montjoie du 22 août 2016 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au maire des Contamines-Montjoie d'accorder la prorogation, pour une durée d'un an, du permis de construire du 26 août 2013, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La commune des Contamines-Montjoie versera la somme de 2 000 euros à M. C... et M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la commune des Contamines-Montjoie tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à M. H... E... et à la commune des Contamines-Montjoie.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Daniel Josserand-Jaillet, président de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme G... F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2021.

N° 19LY01521

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N° 19LY01521


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01521
Date de la décision : 07/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-04-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Régime d'utilisation du permis. Prorogation.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : POUILHE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-07;19ly01521 ?
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