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07/01/2021 | FRANCE | N°18LY04292

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 07 janvier 2021, 18LY04292


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'État à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice moral et des souffrances endurées, la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice professionnel permanent et des troubles dans ses conditions d'existence et la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice esthétique.

Par un jugement n° 1700662 lu le 3 octobre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Proc

édure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 décembre 2018 et un mémoire e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'État à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice moral et des souffrances endurées, la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice professionnel permanent et des troubles dans ses conditions d'existence et la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice esthétique.

Par un jugement n° 1700662 lu le 3 octobre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 décembre 2018 et un mémoire enregistré le 26 juin 2019, présentés pour Mme C..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1700662 du 3 octobre 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ont omis de statuer sur sa demande de réparation de son préjudice professionnel permanent et en ce que ce jugement est insuffisamment motivé ;

- la responsabilité de l'État doit être engagée en raison de la faute résultant de la mise à disposition des enseignants d'un massicot défectueux et dangereux, constitutive d'une négligence et d'un manquement à l'obligation de sécurité qui incombait à l'administration ; elle a également fait l'objet d'humiliations et de dénigrement de la part de son supérieur hiérarchique et du rectorat ;

- elle a subi un préjudice professionnel permanent et des troubles dans ses conditions d'existence résultant, d'une part, de phénomènes sensitifs avec notamment une hyperesthésie de la pointe du doigt à la pression et, d'autre part, d'une détérioration de ses conditions de travail résultant d'humiliations et de dénigrement de la part de son supérieur hiérarchique et du rectorat ;

- elle a connu des souffrances physiques et morales en conséquence de son accident de service, résultant notamment de l'opération de greffe qu'elle a dû subir, alors que la consolidation de son état de santé n'est intervenue qu'un an après cet accident ; elle a subi également un préjudice esthétique.

Par un mémoire, enregistré le 27 juin 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Par ordonnance du 1er juillet 2019 la clôture de l'instruction a été fixée au 26 juillet 2019.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur l'irrecevabilité des conclusions, nouvelles en appel, de la requête tendant à la réparation de préjudices subis à raison d'une faute résultant du comportement humiliant et de dénigrement de la part de ses autorités hiérarchiques, qui constitue un fait générateur différent de celui invoqué en première instance.

Par un mémoire enregistré le 13 novembre 2020, présenté pour Mme C..., en réponse à la communication accomplie en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, il est soutenu que le comportant humiliant et de dénigrement ne constitue pas un fait générateur distinct de celui invoqué en première instance, mais en est une des conséquences.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 ;

- la loi n° 84-16 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 ;

- le décret n° 78-252 du 8 mars 1978 ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., pour Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., professeur contractuel certifié de mathématiques, affectée au collège privé sous contrat d'association Fénelon de Clermont-Ferrand, a été victime, le 1er avril 2011, dans cet établissement, alors qu'elle utilisait un massicot pour couper des feuilles de papier, d'un accident reconnu imputable au service, qui a conduit à une intervention chirurgicale au pouce droit, au cours de laquelle a été réalisée une autogreffe de peau et dont elle conserve des séquelles caractérisées par des phénomènes sensitifs, avec notamment une hyperesthésie de la pointe du doigt à la pression et une perte de sensibilité. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices qu'elle affirme avoir subis en conséquence de cet accident de service.

Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires à raison d'une faute résultant du comportement de ses autorités hiérarchiques :

2. Il résulte des pièces du dossier de première instance que Mme C... n'a sollicité, tant dans sa réclamation préalable que dans sa demande présentée au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, que la réparation de préjudices qu'elle affirme avoir subis en conséquence de la négligence fautive de son administration à raison de la mise à disposition d'un matériel dangereux. Dès lors, les conclusions qu'elle présente en appel, tendant à la réparation de préjudices qui résulteraient d'un comportement fautif de ses autorités hiérarchiques, caractérisé par des humiliations et un dénigrement, à supposer même qu'il se serait manifesté dans les suites de l'accident du 1er avril 2011, qui se rattachent ainsi à un fait générateur dont Mme C... ne s'était pas prévalue en première instance, constituent des conclusions nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.

Sur les autres conclusions indemnitaires :

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction et, en particulier, d'une part, de la déclaration d'accident du travail rédigée par Mme C..., dans laquelle elle évoquait la chute sur son pouce droit du bras du massicot qu'elle utilisait alors, et, d'autre part, d'une attestation rédigée par des collègues de travail de l'intéressée le 25 juin 2013, que ce massicot, qui n'était pas équipé d'un système de cran d'arrêt ni de protection de la lame, présentait un danger dès lors que sa lame tranchante, que les utilisateurs maintenaient en position relevée à l'aide de leur corps, pouvait retomber. Si un inspecteur de la santé et de la sécurité au travail a attesté, quelques semaines après l'accident, le 6 juin 2011, que le massicot qu'il avait vu lors de sa visite, muni d'une protection de la lame par sécurité automatique, était conforme et ne présentait pas de dangerosité particulière lors d'un fonctionnement normal, le rapport rédigé par cet inspecteur ne permet pas d'apprécier l'absence de dangerosité du massicot utilisé par Mme C... lorsqu'elle s'est blessée dès lors qu'elle-même comme plusieurs de ses collègues ont affirmé qu'il avait été procédé à un changement de ce matériel après l'accident survenu le 1er avril 2011. Dès lors, Mme C... est fondée à se prévaloir d'une négligence fautive résultant de la mise à sa disposition par son employeur d'un matériel dangereux, dont le caractère non réglementaire n'est au demeurant pas contesté en défense alors, au demeurant, que l'administration, dans son mémoire déposé devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, n'a pas contesté la réalité d'une telle faute.

4. En deuxième lieu, il résulte également de l'instruction et, en particulier, du rapport rédigé le 8 juin 2012, à la demande du rectorat de l'académie de Clermont-Ferrand, par un praticien hospitalier, ayant fixé la date de consolidation de l'état de santé de Mme C... au 29 mars 2012, que les séquelles de l'accident survenu le 1er avril 2011 se caractérisent par des phénomènes sensitifs avec hyperesthésie de la pointe du doigt à la pression et une probable perte de sensibilité lors des gestes fins, sans déficit de la force musculaire, ni de perturbation de la mécanique articulaire, et qu'elles justifient la reconnaissance d'un taux d'incapacité permanente partielle de 4 %. Eu égard à ce déficit fonctionnel, d'ampleur modérée mais pénalisant pour les gestes de la vie quotidienne, à l'âge de Mme C..., soit soixante-deux ans à la date de consolidation de son état de santé, il sera fait une juste évaluation du préjudice subi par la requérante de ce fait en lui allouant la somme de 4 000 euros.

5. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'accident ait privé Mme C... du déroulement de carrière auquel elle aurait pu prétendre jusqu'à son admission à la retraite ni, par suite, qu'elle puisse demander l'indemnisation d'un préjudice professionnel patrimonial.

6. En dernier lieu, Mme C..., qui se borne à faire état de son déficit fonctionnel, ne justifie pas avoir subi des troubles dans ses conditions d'existence qui ne seraient pas réparés par l'indemnité allouée au point 4 alors que son état n'a nécessité l'octroi d'aucun congé de maladie. Elle ne justifie pas davantage avoir enduré des souffrances physiques ou morales, qui n'ont pas été relevées par les médecins qui l'ont examinée, qui n'ont pas davantage fait état d'un préjudice esthétique que la photographie de son pouce qu'elle a produite ne permet pas de constater, et dont elle ne peut dès lors pas davantage demander réparation.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise, Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande et à demander la condamnation de l'État à lui verser une indemnité de 4 000 euros en réparation du préjudice résultant de son déficit fonctionnel permanent.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par Mme C....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700662 du 3 octobre 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : L'État versera à Mme C... une indemnité de 4 000 euros au titre du préjudice résultant d'un déficit fonctionnel permanent.

Article 3 : L'État versera à Mme C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2021.

1

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N° 18LY04292


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04292
Date de la décision : 07/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : PINHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-07;18ly04292 ?
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