Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui accorder un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'éloignement d'office et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 1908225 du 14 avril 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 6 mai 2020, M. B..., représenté par Me Deschamps, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement susmentionné du 14 avril 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler les décisions du 2 décembre 2019 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé l'Albanie comme pays de destination en cas d'éloignement d'office et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et signalé aux fins de non admission dans le système d'information Schengen pour la durée de cette interdiction ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, en cas d'annulation de la décision pour vice de forme, de réexaminer son dossier dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en cas d'annulation de la décision pour un motif de fond, de lui délivrer un titre de séjour lui permettant d'exercer une activité salariée, dans un délai de 30 jours suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil sous réserve qu'il renonce à la part contributive à l'aide juridictionnelle de l'Etat.
Il soutient que :
- s'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
. elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;
. elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
. elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
. elle viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
. elle est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
. elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
. elle viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
. elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
. elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- s'agissant de la décision fixant le pays de destination :
. elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- s'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen pour la durée de cette interdiction ;
. elle est illégale par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
. elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'aucun condamnation pénale n'ayant été prononcée à son encontre, il ne saurait constituer une menace pour l'ordre public et qu'ainsi l'ensemble des critères de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas remplis ;
. elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
. elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Une mise en demeure de produire un mémoire en défense a été adressée au préfet de l'Isère par courrier du 16 octobre 2020.
Par une décision du 22 juillet 2020 M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droit de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Rivière.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B... ressortissant albanais né le 30 décembre 1984, est entré en France le 31 décembre 2016. Sa demande d'asile présentée le 27 janvier 2017 a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, le 28 avril 2017, que par la Cour nationale du droit d'asile, le 4 octobre 2017. Le 29 décembre 2017, il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Grenoble le 1er mars 2018, et par la cour administrative d'appel de Lyon le 2 juillet 2018. Le 7 mai 2019, M. B... a sollicité un titre de séjour en qualité de " salarié ". Par un arrêté du 2 décembre 2019, le préfet de l'Isère a refusé de lui accorder ce titre, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, et l'a interdit de retour durant un an. Par un jugement n° 1908225 du 14 avril 2020, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intervention de la décision portant refus de séjour n'aurait pas été précédée d'un examen particulier de la situation personnelle du requérant.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
4. M. A... est entré en France le 31 décembre 2016, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants, nés en Albanie les 26 décembre 2012 et le 16 novembre 2015. Il se maintient en France, comme son épouse, en dépit d'une obligation de quitter le territoire français prononcée à leur encontre le 29 décembre 2017 et confirmée par jugement du 1er mars 2018 du tribunal administratif de Grenoble puis une ordonnance du 2 juillet 2018 du président de la cour administrative d'appel de Lyon. Il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans et où vivent ses parents, son frère et ses six soeurs, ni qu'il ne pourrait y mener une vie privée et familiale normale, en raison notamment de sa conversion à la religion catholique alors qu'il est issu d'une famille de confession musulmane. Il ne démontre pas davantage que ses enfants ne pourraient poursuivre dans ce pays leur scolarité, alors que la cellule familiale a vocation à se reconstituer dans ce pays. S'il fait état de son apprentissage de la langue française, de son investissement au sein d'associations caritatives et du bénéfice d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée à plein temps pour un emploi d'aide agricole en production légumière, ces circonstances n'attestent pas d'une intégration particulière en France. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de M. A..., la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Elle ne méconnaît dès lors pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que ladite décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
6. Dès lors que la cellule familiale a vocation à se reconstituer en Albanie, où il n'est ni allégué ni démontré que les enfants de M. B... ne pourraient pas y poursuivre leur scolarité, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que cette décision n'est pas entachée d'illégalité par voie de conséquence de celle du refus de titre de séjour qui lui a été opposé.
8. En deuxième lieu, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et de l'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 4 et 6.
9. En troisième lieu, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
10., le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'implique pas, par elle-même, le retour de l'intéressé dans son pays d'origine.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
11. M. B... ne soulevant aucun moyen propre à l'encontre de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision doivent être rejetées.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4 et dès lors que requérant n'établit pas qu'il serait personnellement et actuellement exposé à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique dans le cas d'un retour dans son pays d'origine, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que cette décision n'est pas entachée d'illégalité par voie de conséquence de celle de l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été imposée.
14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
15. La décision contestée a été prise aux motif que, nonobstant le fait que l'intéressé ne représente pas une menace pour l'ordre public, il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, que sa présence sur le territoire français est récente, qu'il n'a aucune famille en France en dehors de sa propre cellule familiale dont rien ne s'oppose à la reconstitution hors de France, dès lors que son épouse est en situation irrégulière en France, et qu'il dispose de relations familiales dans son pays d'origine. La décision en litige, prise en considération des critères mentionnés au point 14 n'est pas entachée de l'erreur de droit que lui reproche le requérant en faisant seulement valoir qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public.
16. En troisième et dernier lieu, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux développés au point 4 dès lors que l'intéressé se borne à se prévaloir de sa situation personnelle et familiale en France.
17. Il résulte de tout de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
18. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application, au bénéfice de son avocat, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
M. Rivière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2020.
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N° 20LY01403