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21/12/2020 | FRANCE | N°19LY01477

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 21 décembre 2020, 19LY01477


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Michel Remon architecte a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) Grenoble-Alpes au versement d'une somme de 149 525,12 euros, avec les intérêts, au titre du solde du marché de maîtrise d'oeuvre conclu avec le centre hospitalier universitaire Grenoble-Alpes pour la construction de l'institut de biologie et de pathologie.

Par un jugement n° 1607441 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
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Par une requête, enregistrée le 12 avril 2019, et un mém...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Michel Remon architecte a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) Grenoble-Alpes au versement d'une somme de 149 525,12 euros, avec les intérêts, au titre du solde du marché de maîtrise d'oeuvre conclu avec le centre hospitalier universitaire Grenoble-Alpes pour la construction de l'institut de biologie et de pathologie.

Par un jugement n° 1607441 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2019, et un mémoire non communiqué enregistré le 17 septembre 2020, la société Michel Remon architecte, représentée par la Selarl BSV, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susmentionné du 7 février 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire Grenoble-Alpes à lui payer la somme de 149 525,12 euros, au titre de ses honoraires de maîtrise d'oeuvre impayés à ce jour, assortie des intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire Grenoble-Alpes la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la mission de maîtrise d'oeuvre est réalisée en totalité puisque la réception a été prononcée et que les seules réserves restant à lever ont fait l'objet d'une mesure d'expertise judiciaire à l'initiative du CHU, mesure qu'il l'a nécessairement dessaisie de la possibilité de faire procéder à la levée des réserves compte tenu de la mission confiée à l'expert ;

- le rejet de sa demande en paiement de ses honoraires est dénué de fondement puisque le CHU de Grenoble n'a pu lui transmettre les informations nécessaires pour procéder à l'achèvement de sa mission, en particulier concernant les réserves restant à lever ;

- son cotraitant, la société TPFI (anciennement BETEREM) a été réglée de la quasi-intégralité de son marché, alors que sa mission de " bureau d'étude fluides " est concernée au premier chef par les désordres et réserves objet de l'expertise judiciaire.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 août 2020, le centre hospitalier universitaire de Grenoble, représentée par la Selarl CDMF-Avocats Affaires Publiques, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Michel Remon la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable, d'une part, pour n'être pas motivée en droit et en fait, d'autre part pour être dépourvue des éléments permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

- la requête est également irrecevable pour n'avoir pas été précédée de l'envoi d'un mémoire en réclamation tel que prescrit par les dispositions de l'article 40.1 " Différends " du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;

- la requête est infondée dès lors que la société requérante n'a pas achevé sa mission contractuelle au sens de l'article 26 " achèvement de la mission " du cahier des clauses administratives particulières du marché, qu'elle admet au contraire la persistance de réserves de réception et de parfait achèvement, que depuis le 6 septembre 2011, aucune nouvelle réserve de réception comme de garantie de parfait achèvement n'a été levée, et qu'elle n'a rien fait au cours des opérations d'expertise pour permettre la levée des réserves et des garanties persistantes ; ses missions EXE, DET, AOR et OPC n'ont pas été achevées.

La clôture de l'instruction a été fixée au 17 septembre 2020 par une ordonnance du 1er septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi n°85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 ;

- le décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 ;

- l'arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d'exécution des éléments de mission de maîtrise d'oeuvre confiés par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... ;

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteur public ;

- les observations de Me A..., pour le centre hospitalier universitaire de Grenoble-Alpes.

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble a initié en 2002 un projet de construction d'un institut de biologie. Il a confié la maîtrise d'oeuvre de ce projet à un groupement solidaire constitué par les sociétés Michel Remon architecte, mandataire du groupement, Beterem Rhône Alpes Centre et Beterem Ingéniérie. Les travaux ont été réceptionnés le 2 septembre 2010, avec de nombreuses réserves selon procès-verbal des opérations préalables à la réception en date du 30 juillet 2010. Par actes du maître d'ouvrage des 20 avril 2011 et 23 juillet 2011, le délai de la garantie de parfait achèvement a été prorogé au jour de la levée de la dernière des réserves. Des procès-verbaux des 30 septembre 2011 et 28 octobre 2011 ont permis de lever quelques réserves. Par une ordonnance du 29 janvier 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a désigné un expert afin notamment de déterminer la cause des malfaçons à l'origine des réserves. La société Michel Remon architecte a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le CHU Grenoble-Alpes à lui verser une somme de 149 525,12 euros correspondant à sa dernière note d'honoraires, valant demande de paiement du solde du marché de maîtrise d'oeuvre, établie le 1er mars 2012 et refusée par le CHU le 9 mars 2012. Par un jugement n° 1607441 du 7 février 2019, dont la société Michel Remon architecte relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 15 du décret du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé : " I. Pour les opérations de construction neuve de bâtiment, la mission de base comporte les études d'esquisse, d'avant-projet, de projet, l'assistance apportée au maître de l'ouvrage pour la passation des contrats de travaux, la direction de l'exécution du contrat de travaux et l'assistance apportée au maître de l'ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement. Font également partie de la mission de base l'examen de la conformité au projet des études d'exécution et leur visa lorsqu'elles ont été faites par un entrepreneur et les études d'exécution lorsqu'elles sont faites par le maître d'oeuvre. ". Aux termes du point 6 de l'annexe I de l'arrêté du 21 décembre 1993 susvisé : " 6. La direction de l'exécution du ou des contrats de travaux qui a pour objet de : (...) s'assurer que l'exécution des travaux est conforme aux prescriptions du ou des contrats de travaux, y compris le cas échéant, en ce qui concerne l'application effective d'un schéma directeur de la qualité, s'il en a été établi un ; (...) donner un avis au maître de l'ouvrage sur les réserves éventuellement formulées par l'entrepreneur en cours d'exécution des travaux et sur le décompte général, assister le maître de l'ouvrage en cas de litige sur l'exécution ou le règlement des travaux, ainsi qu'instruire les mémoires de réclamation de ou des entreprises. (...) ". Aux termes du point 7 de la même annexe : " 7. L'ordonnancement, la coordination et le pilotage du chantier qui ont pour objet : (...) pour le pilotage, de mettre en application, au stade des travaux et jusqu'à la levée des réserves dans les délais impartis dans le ou les contrats de travaux, les diverses mesures d'organisation arrêtées au titre de l'ordonnancement et de la coordination. ". Aux termes du point 8 de la même annexe : " L'assistance apportée au maître de l'ouvrage lors des opérations de réception ainsi que pendant la période de garantie de parfait achèvement a pour objet : d'organiser les opérations préalables à la réception des travaux ; d'assurer le suivi des réserves formulées lors de la réception des travaux jusqu'à leur levée ; de procéder à l'examen des désordres signalés par le maître de l'ouvrage (...) ".

3. Aux termes de l'article 6-3 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché de maîtrise d'oeuvre en cause : " Après constatation de l'achèvement de sa mission dans les conditions prévues à l'article 26, le maître d'oeuvre adresse au maître de l'ouvrage une demande de paiement du solde sous forme d'un projet de décompte final. " Aux termes de l'article 26 du même CCAP : " La mission du maître d'oeuvre s'achève à la fin du délai de la garantie de parfait achèvement (...) ou après prolongation de ce délai si les réserves signalées lors de la réception ne sont pas toutes levées. Dans cette hypothèse, l'achèvement de la mission intervient lors de la levée de la dernière réserve. ".

4. Il résulte de l'instruction que la mission de base de maîtrise d'oeuvre confiée à la société Michel Remon Architecte comprenait notamment les éléments suivants : études d'exécution et de synthèse (EXE), direction de l'exécution des travaux (DET), assistance lors des opérations de réception et pendant la garantie de parfait achèvement (AOR), et la mission complémentaire d'ordonnancement, coordination et pilotage du chantier (OPC). Comme le reconnait elle-même dans ses écritures la société requérante, ainsi que dans un courrier de son conseil du 15 décembre 2016, en soutenant que les seules réserves restant à lever ont fait l'objet d'une mesure d'expertise judiciaire à l'initiative du CHU de Grenoble, toutes les réserves n'ont pas été levées. Cette mesure d'expertise judiciaire, dont l'objet est notamment de faire le point sur les opérations de réception des travaux en recensant d'éventuelles réserves, en indiquant leur éventuel rapport avec les désordres en litige et en recherchant si elles ont été levées, et de décrire les travaux propres à remédier définitivement aux désordres et à remettre l'ouvrage en état, en évaluer le coût et la durée, ne saurait pour autant dessaisir la requérante de son obligation contractuelle relative au suivi de la levée des réserves. Le rapport d'expertise judiciaire a d'ailleurs relevé qu'à la date du 6 septembre 2011, il restait encore à lever trente réserves et le CHU de Grenoble fait valoir sans être contredit que l'appelante a cessé toute diligence depuis 2012. En outre, la société Michel Remon Architecte ne saurait invoquer la circonstance qu'elle n'a pas eu de réponse notamment au courrier du 3 avril 2019 de son conseil concernant l'état des réserves à lever, alors qu'il relevait de sa mission d'assurer le suivi des réserves, que par courrier du 23 avril 2019, le conseil du CHU de Grenoble lui a rappelé que l'état des réserves a été exhaustivement mentionné dans le procès-verbal de réception du 28 octobre 2011, la prolongation de garantie n° 1 du 20 avril 2011, la prolongation de garantie n° 2 en date du 22 juillet 2011, au stade de la demande de désignation d'un expert judiciaire par requête du 17 août 2012, au cours des opérations d'expertise auxquelles la requérante était partie, dans le cadre du rapport d'expertise déposé le 14 janvier 2017, mais encore, dans le cadre du mémoire en défense produit, devant les premiers juges pour le compte de 1'établissement hospitalier le 18 janvier 2018. Ce mémoire comportait en effet, en pièces jointes, les listes des réserves à lever. Enfin, la circonstance que le cotraitant de la société requérante, la société TPFI (anciennement BETEREM), aurait été réglée de la quasi-intégralité de son marché, est sans incidence sur le règlement du solde du marché de maîtrise d'oeuvre en litige.

5. Ainsi, en application des stipulations citées au point 3, la société requérante n'ayant pas achevé sa mission en l'absence de levée de toutes les réserves, ne peut prétendre au règlement du solde de son marché.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Michel Remon Architecte n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le CHU de Grenoble-Alpes.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. En premier lieu, les conclusions présentées à ce titre, par la société Michel Remon Architecte, partie perdante, doivent être rejetées.

8. En second lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Michel Remon Architecte la somme de 2 000 euros au profit du CHU de Grenoble-Alpes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Michel Remon Architecte est rejetée.

Article 2 : La société Michel Remon Architecte versera la somme de 2 000 euros au centre hospitalier universitaire de Grenoble-Alpes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Michel Remon Architecte et au centre hospitalier universitaire de Grenoble-Alpes.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2020.

2

N° 19LY01477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01477
Date de la décision : 21/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : BSV BELLIN SABATIER VOLPATO

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-21;19ly01477 ?
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