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17/12/2020 | FRANCE | N°20LY01622

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 17 décembre 2020, 20LY01622


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2019 par lequel le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet de la Loire, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, da

ns le délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2019 par lequel le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet de la Loire, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1909848 du 19 mai 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 juin 2020, Mme D..., représentée par la SELARL BS2A A... et Sabatier avocats associés, agissant par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 mai 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 novembre 2019 du préfet de la Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois courant à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la légalité du refus de renouvellement de son titre de séjour :

- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'elle établit que les sondes urinaires lubrifiées ne sont pas disponibles en Algérie et que les structures spécialisées en réadaptation fonctionnelle uropédiatrique sont inexistantes en Algérie en produisant l'avis de quatre praticiens hospitaliers dont deux spécialisés en France ; de nombreuses pharmacies en Algérie ont confirmé l'indisponibilité des traitements en Algérie ; le docteur Chaux du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne a précisé que l'ensemble des investigations n'a pas encore été mené pour comprendre les pathologies dont l'enfant souffre ; par ailleurs, elle bénéficie d'une scolarisation en petit groupe avec des professionnels à ses côtés et ce type de scolarisation n'existe pas en Algérie ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié dès lors qu'elle est parent d'un enfant dont l'état de santé nécessite des soins dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et le traitement nécessaire n'est pas disponible et effectivement accessible en Algérie ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la décision fixant le pays de destination :

- ces décisions sont illégales en raison de l'illégalité affectant le refus de renouvellement de son titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour les motifs énoncés précédemment ;

- la décision limitant à trente jours le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle disposait d'un titre de séjour, qu'elle justifie d'un logement, que son enfant bénéficie de soins lourds.

Par un mémoire, enregistré le 9 septembre 2020, la préfète de la Loire conclut au rejet de la requête et s'en remet à ses écritures de première instance.

Mme C... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pourny, président de chambre,

- et les observations de Me B..., représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D..., ressortissante algérienne née le 4 octobre 1970, est entrée en France le 29 juin 2015, avec son enfant E... née le 20 août 2012, sous couvert d'un visa de court séjour. Le 5 janvier 2016, elle a bénéficié d'un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " en sa qualité de parent d'enfant mineur malade. A l'issue de la durée de validité de son titre de séjour, Mme D... en a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 27 août 2018, dont la légalité a été confirmée par un jugement du 15 janvier 2019 du tribunal administratif de Lyon et un arrêt du 21 janvier 2020 de la cour administrative d'appel de Lyon, le préfet de la Loire a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le 21 août 2019, Mme D... a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 21 novembre 2019, le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D... relève appel du jugement du 19 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord francoalgérien du 27 décembre 1968 modifié : " Les dispositions du présent article (...) fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ". Aux termes de l'article L. 31112 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 31311, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 3132 soit exigée (...) ". Les dispositions de l'article L. 31112 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par le 11° de l'article L. 31311 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord francoalgérien du 27 décembre 1968 modifié. Cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence pour l'accompagnement d'un enfant malade.

3. Aux termes de l'article 6 de l'accord francoalgérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Pour prendre la décision contestée, le préfet s'est fondé notamment sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 15 novembre 2019 dont il s'est approprié les termes. Selon cet avis, si l'état de santé de l'enfant de Mme D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement en Algérie d'un traitement approprié eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays. Pour contester cette appréciation, Mme D... fait valoir que l'état de santé de sa fille, qui souffre de troubles urinaires vésico sphinctériens avec des complications infectieuses sévères nécessitant des sondages et un traitement médicamenteux, rend indispensable l'utilisation de sondes spécifiques indisponibles en Algérie. Au soutien de son argumentation, Mme D... produit une attestation du docteur Lottmann, médecin urologue du service de chirurgie viscérale pédiatrique de l'hôpital Necker du 24 juillet 2017 selon laquelle " l'état de santé de l'enfant nécessite à vie l'utilisation de dispositifs médicaux bien spécifiques tels que des sondes vésicales, sondes et antiseptique " et que ce matériel et les médicaments nécessaires n'existent pas en Algérie, un certificat médical du 16 octobre 2018 du docteur Fichtner, néphro-pédiatre au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, qui précise que " l'enfant nécessite une prise en charge pluridisciplinaire avec des traitements non disponibles dans son pays d'origine ", un certificat médical du docteur Hammas, médecin généraliste à Saint-Etienne, du 1er octobre 2018, faisant état de ce que l'enfant présente une méga vessie nécessitant un sondage à raison de sept fois par jour avec des sondes urinaires introuvables en Algérie et un certificat du 25 mars 2020 d'un chirurgien urologue exerçant en Algérie faisant état de ce que l'enfant doit être prise en charge dans une structure spécialisée et expérimentée en réadaptation fonctionnelle. Elle produit également des certificats de pharmaciens en Algérie indiquant que les sondes nécessaires à l'enfant ne sont pas disponibles dans ce pays. Toutefois, un article de presse produit par Mme D... relatif aux sondes lubrifiées pour auto-vidange des blessés médullaires, des patients atteints de spina-bifida et de sclérose en plaques précise que les sondes urinaires lubrifiées sont disponibles en Algérie. Il s'ensuit que Mme D... n'établit pas que les traitements des troubles urinaires vésico sphinctériens dont son enfant souffre ne seraient pas effectivement disponibles en Algérie. Elle n'établit pas davantage que ces traitements ne seraient pas effectivement accessibles. Mme D... fait également valoir que son enfant présente des troubles du comportement avec un retard de développement neuro-cognitif et bénéficie d'une scolarisation en institut médico-éducatif et d'un suivi. Toutefois, la requérante ne contredit pas utilement l'avis médical du collège des médecins sur la disponibilité des soins pour traiter les troubles du comportement en Algérie en versant au dossier une attestation du 30 novembre 2018 d'un psychologue de l'éducation nationale du pôle ressource de Saint-Etienne Nord précisant que l'enfant nécessite une scolarisation dans un établissement spécialisé de type Institut médico-éducatif pour les apprentissages fondamentaux et également en raison des divers soins dont elle va avoir besoin (orthopédie, psychomotricité, suivi psychologique) ou le certificat du 6 mars 2020 par lequel le docteur Chaux du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne indique que les troubles de l'attention présentés par l'enfant nécessite un traitement psychostimulant. Par suite, la décision n'a ni méconnu le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le maintien sur le territoire français de la fille de la requérante n'étant pas une condition nécessaire au traitement de sa pathologie et à une scolarisation adaptée à ses troubles du comportement, le préfet de la Loire n'a pas porté à l'intérêt supérieur de l'enfant une atteinte méconnaissant les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la décision fixant le pays de destination :

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que Mme D... n'est pas fondée à exciper, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la décision fixant le pays de renvoi, de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour.

6. Mme D... se prévaut, au soutien du moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des mêmes arguments que ceux qui ont été précédemment exposés. Ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs.

7. En l'absence d'élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Lyon par Mme D..., il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de ce que la décision limitant à trente jours le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme due au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.

2

N° 20LY01622

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01622
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-17;20ly01622 ?
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