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17/12/2020 | FRANCE | N°20LY01554

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 17 décembre 2020, 20LY01554


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2018 par lequel le préfet de la Loire a rejeté sa demande de regroupement familial formée au bénéfice de son épouse et d'enjoindre au préfet de la Loire de faire droit à sa demande de regroupement familial dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1900715 du 3 avril 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2020, M. A..., représenté par Me D..., dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2018 par lequel le préfet de la Loire a rejeté sa demande de regroupement familial formée au bénéfice de son épouse et d'enjoindre au préfet de la Loire de faire droit à sa demande de regroupement familial dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1900715 du 3 avril 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 avril 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 novembre 2018 du préfet de la Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de faire droit, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt, à la demande de regroupement familial sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux entiers dépens.

Il soutient que :

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il occupe un logement susceptible d'accueillir son épouse ; il est bénéficiaire d'une rente viagère à la suite d'un accident du travail du 3 juin 1977 qui lui a laissé un taux d'incapacité permanente de 15 % ; il occupe un emploi d'ouvrier de production pour ITHAC, entreprise adaptée permettant aux travailleurs handicapés d'exercer une activité professionnelle salariée dans des conditions adaptées ; l'entreprise ne propose que des contrats à durée déterminée et il alterne des périodes d'emploi salarié et de chômage ; au titre de l'année 2017, il a déclaré ses revenus annuels à hauteur de 13 523 euros, soit 1 126,92 euros mensuels, et au titre de l'année 2016, il a perçu 14 633 euros, soit 1 219,42 euros mensuels ; si ses revenus sont inférieurs au seuil réglementaire de 1 147,83 euros nets par mois, la différence est minime ; en réalité sur la période considérée, il a perçu la somme de 13 684,49 euros, soit 1 140,37 euros mensuels, et la différence avec le seuil de rémunération minimale exigée est de 7,46 euros ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il rend visite à son épouse depuis le 17 août 2017 ; il ne dispose plus d'attaches en Algérie ; ses cinq enfants, dont trois sont mineurs, vivent en France et sont tous de nationalité française ;

- la décision porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants dès lors que s'il devait s'installer en Algérie, il ne pourrait plus exercer son autorité parentale sur ses enfants.

Par un mémoire, enregistré le 11 septembre 2020, la préfète de la Loire conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et ne méconnait pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le mariage des époux A... était récent à la date de cette décision, qu'aucun enfant n'est né de ce mariage et la situation personnelle du demandeur ne justifiait pas de déroger à la condition de ressources.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pourny, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... A..., ressortissant algérien né le 11 octobre 1962, est titulaire d'un certificat de résidence algérien valable jusqu'au 21 octobre 2028. Le 23 novembre 2017, il a présenté une demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse, Mme B... C..., ressortissante algérienne, qu'il a épousée le 17 août 2017. Par une décision du 29 novembre 2018, le préfet de la Loire a rejeté sa demande. M. A... relève appel du jugement du 3 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 29 novembre 2018 du préfet de la Loire.

Sur la légalité de la décision du 29 novembre 2018 refusant le regroupement familial au bénéfice de Mme C... épouse A... :

2. Aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. / Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 4114 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont également applicables aux ressortissants algériens dès lors qu'elles sont compatibles avec les stipulations de l'accord francoalgérien : " (...) les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que le caractère suffisant des ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période. Néanmoins lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible pour le préfet de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande.

5. Il ressort de la décision contestée que pour refuser à M. A... le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, le préfet de la Loire a estimé, d'une part, que les ressources de M. A... sur la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande s'élevant à 1 123,31 euros nets par mois étaient inférieurs au montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance sur la période considérée de 1 147,83 euros nets par mois et, d'autre part, que les ressources de l'intéressé provenaient pour l'essentiel de contrats de travail à durée déterminée et de versements par Pôle emploi d'aide au retour à l'emploi (ARE) et ne présentaient pas une stabilité suffisante.

6. Le requérant ne conteste, ni en première instance, ni en appel, le montant des ressources de novembre 2016 à octobre 2017 tel que calculé par le préfet mais fait valoir que la différence est minime avec le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période. Si M. A... justifie avoir régulièrement travaillé sous couvert de différents contrats à durée déterminée, les revenus qu'il tirait de son activité salariée ne présentaient pas, à la date de la décision contestée, eu égard notamment au caractère précaire de ces contrats, un caractère suffisamment stable et pérenne ainsi qu'en atteste la circonstance que, sur la période considérée, M. A... a perçu 10 276,41 euros de salaires ainsi qu'une rente annuelle viagère de 1 371,09 euros et 1 829,77 euros d'aide au retour à l'emploi. S'il fait également valoir qu'il a bénéficié d'une évolution favorable de ses revenus depuis décembre 2017 et jusqu'en novembre 2018 en intégrant la prime d'activité d'un montant mensuel de 171,41 euros perçue en octobre et novembre 2018, il ressort des pièces du dossier que, sur cette période, M. A... a perçu un salaire global de 6 979,64 euros et 4 748,49 euros d'aide au retour à l'emploi. Par suite, ses revenus pour cette période ne présentent pas davantage de stabilité par rapport à la période précédente. Compte tenu de l'ensemble des éléments qui précèdent, le préfet de la Loire n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation de la situation de M. A... en estimant que ses ressources ne présentaient pas le caractère de stabilité requis par l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Si le préfet est en droit de rejeter une demande de regroupement familial au motif que l'intéressé ne remplirait pas l'une ou l'autre des conditions légales requises, notamment dans le cas de ressources insuffisantes du demandeur pendant la période de référence d'un an ayant précédé sa demande, il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu de rejeter dans ce cas la demande s'il est porté une atteinte excessive au droit de l'intéressé de mener une vie familiale normale tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il ressort des pièces du dossier que le mariage de M. A..., contracté le 17 août 2017, était encore récent à la date de la décision contestée et M. A... ne justifie pas d'une relation ancienne avec son épouse antérieure au mariage. Par ailleurs, la décision contestée n'a pas pour effet d'obliger M. A... à quitter le territoire français et à s'éloigner de ses trois enfants mineurs de nationalité française sur lesquels il exerce l'autorité parentale. Par suite, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.

2

N° 20LY01554


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François POURNY
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : GALICHET

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 17/12/2020
Date de l'import : 09/01/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20LY01554
Numéro NOR : CETATEXT000042712698 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-17;20ly01554 ?
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