Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2011, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1607066 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 1er mars 2019, M. E..., représenté par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 décembre 2018 ;
2°) de prononcer la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2011, ainsi que des majorations correspondantes ;
3°) de condamner l'Etat aux dépens ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que c'est à tort que l'administration fiscale a imposé le gain qu'il a réalisé lors de l'acquisition d'actions de la SAS Financière de Romans dans la catégorie des traitements et salaires, dès lors que ce gain s'analyse comme une plus-value de cession de valeurs mobilières imposable sur le fondement de l'article 150-0 A du code général des impôts.
Par un mémoire, enregistré le 6 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen de la requête n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D..., présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme J..., rapporteure publique,
- et les observations de Me G..., représentant M. E... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., directeur administratif et financier salarié de la SAS Financière de Romans, société holding tête du groupe Robert H... dont le capital était majoritairement détenu par M. F... H... et par la SA Xamada Conseil, s'est vu consentir par ces derniers, par acte du 14 avril 2005, une promesse de vente d'actions de la SAS Financière de Romans, représentant 10 % du capital de la société, au prix de 59 332 euros, valable du 13 avril 2005 au 31 décembre 2010 et dont l'exécution était exigible entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2011. Le 23 décembre 2010, M. E... a levé l'option d'achat des actions de la SAS Financière de Romans. Par acte du 23 mars 2011, M. H... et la SA Xamada Conseil lui ont cédé 925 926 actions de la société, au prix de 59 332 euros, que M. E... a revendues, le 1er avril 2011, à la société Robert H... Holding, au prix de 200 002 euros. M. E... a fait l'objet en 2014 d'un contrôle sur pièces, à l'issue duquel l'administration fiscale, estimant que le gain résultant de l'acquisition de ces titres par l'intéressé, d'un montant de 140 670 euros, était constitutif d'un complément de rémunération, a remis en cause l'imposition selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières et l'a imposé dans la catégorie des traitements et salaires. Le complément d'imposition en résultant a été assorti de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts. M. E... relève appel du jugement du 27 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et majorations.
2. Aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. ". Aux termes de l'article 82 du même code : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits. ". Aux termes de l'article 150-0 A du même code dans sa version applicable en 2011 : " I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières (...)sont soumis à l'impôt sur le revenu. ".
3. Il résulte de l'instruction, et, notamment, des termes de la promesse de vente d'actions consentie par M. H... et la SA Xamada Conseil en 2005 que les cédants ont pris l'engagement de vendre à M. E..., sous réserve que l'option d'achat soit levée avant le 31 décembre 2010, 10 % des actions de la SAS Financière de Romans au prix de 59 332 euros, prix correspondant à 10 % du montant des capitaux propres consolidés de la société à la date du 31 décembre 2004. La levée de d'option d'achat était expressément subordonnée à l'exercice, par M. E..., d'un mandat social et/ou de fonctions salariées au sein de la société ou d'une société du groupe H... à la date de son exécution, laquelle ne pouvait avoir lieu qu'entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2011. M. E..., devenu président de la société, ayant décidé de lever cette option d'achat le 23 décembre 2010, a acquis 925 926 actions de la SAS Financière de Romans, représentant 10 % de son capital social, auprès de M. H..., le 23 mars 2011, au prix de 59 332 euros, et les a revendues le 1er avril 2011 à la société Robert H... Holding, au prix de 200 002 euros. M. E... a déclaré une plus-value de cession de valeurs mobilières d'un montant net de 32 166 euros qui a été imposée au titre de l'année 2011. Pour estimer que le gain réalisé constituait un complément de rémunération, imposable dans la catégorie des traitements et salaires, l'administration a relevé, d'une part, qu'il résultait d'un investissement préservé de tout aléa par la détermination anticipée du prix d'achat des actions dans le cadre de la promesse de vente d'actions du 14 avril 2005 et, d'autre part, que cet avantage avait été accordé à l'intéressé en raison de son activité professionnelle au sein de la SAS Financière de Romans.
4. M. E... fait valoir qu'il n'a bénéficié d'aucun avantage financier lors de cette opération, dès lors qu'associé de la SAS Financière de Romans depuis sa création en 1999, il a été contraint de céder à la SA Xamada Conseil, en exécution d'un protocole d'accord conclu le 13 janvier 2005 entre les sociétés membres du groupe Robert H... et les banques auprès desquelles la société avait souscrit plusieurs prêts, les 100 actions de la société qu'il détenait au prix d'un euro symbolique, et que le prix convenu pour entrer de nouveau au capital de la SAS Financière de Romans, soit 59 332 euros, qui n'a été fixé qu'au regard des fonds propres comptables de la société au 31 décembre 2004, date à laquelle l'opération aurait dû être réalisée si M. H... n'avait pas souhaité la différer, demeure élevé compte tenu des difficultés financières de la société et de la valorisation du groupe dans le cadre des négociations en vue de sa reprise, soit un euro. Il résulte toutefois de l'instruction, et, notamment, du protocole d'accord du 13 janvier 2005 homologué par une ordonnance du tribunal de commerce de Paris du 14 janvier 2005, que la SAS Financière de Romans, qui avait été contrainte de souscrire des prêts d'un montant supérieur à 9 000 000 euros, a rencontré des difficultés pour en effectuer le remboursement, qu'elle présentait au 31 décembre 2004 une insuffisance de trésorerie de 400 000 euros et qu'elle a sollicité la désignation d'un mandataire administratif ad hoc. La valorisation des actions de la société à la date du 14 janvier 2005 a pris en compte ces différents éléments, qui étaient de nature à réduire le prix de cession. Dans ces conditions, la perte consentie par M. E... à l'occasion de la cession, au prix d'un euro, des 100 actions qu'il détenait au sein des 840 640 actions de la SAS Financière de Romans est demeurée très limitée. En outre, il est constant que, par une lettre d'intention du 17 décembre 2010, le groupe Li Fung a indiqué son souhait d'acquérir l'intégralité du capital de la SAS Financière de Romans au prix de 2 000 000 euros, sous réserve que son niveau d'endettement n'excède pas 1 000 000 euros. Il ne résulte pas de l'instruction que cette condition n'était pas susceptible d'être satisfaite et que la reprise de la société était compromise au 23 décembre 2010, date à laquelle M. E... a levé l'option. Enfin, aucun élément du dossier ne permet d'estimer que la valeur vénale des 925 926 actions de la SAS Financière de Romans, représentant 10 % de son capital social, acquises par M. E... au prix de 59 332 euros, aurait varié entre la date de la levée d'option, le 23 décembre 2010, et leur revente par le requérant le 1er avril 2011, au prix de 200 002 euros. La valeur vénale de ces actions s'établissait ainsi à 200 002 euros à la date de la levée d'option. Dans ces conditions, en consentant, le 14 avril 2005, une promesse de vente d'une partie du capital de la SAS Financière de Romans, fixée à 10%, au prix de 59 332 euros, très inférieur à sa valeur vénale qui s'élevait à 200 002 euros, et alors au surplus que l'acte de promesse de vente dispensait M. E... de toute obligation d'acquisition, M. H... et la SA Xanada conseil ont consenti au requérant un avantage financier.
5. M. E... fait valoir que la souscription au capital de la SAS Financière de Romans présentait un risque économique et financier, dès lors que la société rencontrait des difficultés financières importantes, que deux processus de cession avaient échoué en 2010, que le renouvellement des concours bancaires, auquel la reprise de la société par le groupe Li Fung était subordonné, n'était pas assuré, qu'il n'existait aucune certitude, à la date de la levée d'option, quant à la réalisation d'une plus-value, laquelle n'a été rendue possible que par le versement par le groupe Li Fung d'une prime de contrôle qu'il n'était pas possible d'anticiper à la date du 23 décembre 2010 et qu'ainsi, il a pris un risque de nature capitalistique en souscrivant la promesse de vente d'actions le 14 avril 2005. Il résulte toutefois des termes mêmes de la promesse de vente du 14 avril 2005, que si M. H... et la SA Xamada Conseil se sont engagés à céder 10 % du capital de la société à M. E..., ce dernier ne s'est pas engagé à les acheter. Ainsi qu'il a été dit, la réalisation de l'opération était uniquement subordonnée à la condition que l'option soit levée avant le 31 décembre 2010 et que M. E... exerce des fonctions salariées ou un mandat social à cette date. En outre, il résulte de l'instruction, et, notamment, de la lettre d'intention du groupe Li Fung du 17 décembre 2010 et des échanges de messages électroniques datés du mois de décembre 2010 produits par le requérant, que la reprise de la SAS Financière de Romans était en cours de finalisation à la date du 23 décembre 2010, date à laquelle il a levé l'option d'achat. Aucun élément du dossier ne permet d'estimer que cette reprise aurait été compromise à cette date, ni que ses conditions financières étaient susceptibles d'évoluer dans une ampleur telle que la souscription au capital de la société ait présenté un réel risque. Enfin, il résulte de l'instruction que M. E..., en sa qualité de directeur administratif et financier puis président directeur général de la société, était informé d'une part, de la situation de la société et, d'autre part, des conditions de son rachat. Dans de telles conditions, l'avantage financier accordé au requérant, consistant en la possibilité d'acquérir 10 % du capital de la société à un prix, au demeurant fixé à l'avance, très inférieur à sa valeur vénale, qui ne présentait pas un caractère aléatoire, doit être regardé comme étant consenti à raison de ses fonctions dans l'entreprise. Par suite, l'écart entre la valeur vénale réelle des actions et le prix d'achat consenti à M. E... correspondait, dans sa totalité, à un revenu qui trouvait sa source dans les conditions dans lesquelles l'option d'achat des actions avait été consentie et avait le caractère d'un avantage en argent, imposable dans la catégorie des traitements et salaires en application des articles 79 et 82 du code général des impôts.
6. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1 : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme D..., présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
N° 19LY00879