Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 8 mars 2019 par lequel le préfet de l'Yonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.
Par un premier jugement n° 1901643 du 6 mai 2019, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a, en application du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeté les conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'obligation de quitter le territoire et le pays de destination et a renvoyé les conclusions dirigées contre le titre de séjour au président du tribunal ou au magistrat désigné au titre du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un jugement n° 1901643 du 11 décembre 2019, le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de M. C... dirigées contre le refus de titre de séjour ainsi que contre la décision fixant le pays de destination.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 11 mars 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 11 décembre 2019 ainsi que les décisions du préfet de de l'Yonne du 8 mars 2019 ;
2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention mention " vie privée et familiale " et, subsidiairement de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en toute hypothèse, de lui délivrer dans les quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;
- la décision lui refusant un titre de séjour est entachée d'erreur d'appréciation pour l'application le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; contrairement à ce qu'a estimé le préfet ainsi que les premiers juges, il ne peut poursuivre son traitement médical en Russie ni voyager sans risques vers ce pays du fait de son état de santé instable ;
- le refus de titre de séjour méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, ainsi que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde ;
- cette décision méconnait le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision désignant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire qui la fonde ;
- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 10 juin 2020, le préfet de l'Yonne, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que le requérant reprend à l'identique ses moyens de première instance et que ceux-ci ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 5 février 2020.
Par lettre du 16 novembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de relever d'office d'une part, l'incompétence du président du tribunal administratif de Dijon pour statuer seul sur les conclusions de M. C... dirigées contre le refus de titre de séjour et, d'autre part, l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays de destination présentées par M. C... en tant qu'il a déjà été statué définitivement sur ces conclusions par jugement n° 1901643 du 6 mai 2019 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon.
Par un mémoire enregistré le 18 novembre 2020, M. C... a présenté ses observations en réponse à la communication de ce moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme D..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant russe né le 26 avril 1984, est entré en France en 2016. Après le rejet de ses demandes d'asile, il a demandé un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté 8 mars 2019, le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il pourra être éloigné d'office, puis, par un arrêté du 5 juin 2019, l'a assigné à résidence. M. C... relève appel du jugement du 11 décembre 2019 par lequel le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions contenues dans l'arrêté du 8 mars 2019 du préfet de l'Yonne.
Sur le moyen d'ordre public :
2. Il ressort des mentions de l'arrêté du 8 mars 2019 que, pour obliger M. C... à quitter le territoire le préfet de l'Yonne s'est fondé sur le 6° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le magistrat désigné était, en application des dispositions combinées du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compétent pour statuer sur le refus de titre de séjour.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination :
3. En premier lieu, il ne ressort pas des termes du refus de titre de séjour que le préfet de l'Yonne aurait omis de procéder à un examen circonstancié et particulier de la situation de M. C... en France. Le moyen tiré de l'absence d'examen particulier de sa demande doit ainsi être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. ".
5. Par un avis du 22 novembre 2018, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, saisi dans le cadre de la demande de titre de séjour présentée par M. C..., a estimé que, si l'état de santé de l'intéressé nécessitait des soins dont le défaut pouvait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier d'un traitement en Russie, pays vers lequel il peut voyager sans risque. Pour contester cette appréciation, M. C..., qui souffre de crises d'épilepsie à la suite d'un traumatisme néonatal, verse aux débats plusieurs certificats médicaux attestant du suivi de sa pathologie et de la stabilisation de son état de santé à compter de février 2019. Même si cette stabilisation semble précaire, et qu'un certificat médical établi en janvier 2020 fait état de crises plus intenses qui seraient liées à une perspective d'éloignement, ces éléments ne sont pas suffisants pour remettre en cause l'appréciation portée sur ce point par le collège des médecins, que le préfet de l'Yonne s'est approprié. Par ailleurs, aucun certificat médical ne fait état de l'impossibilité pour le requérant de voyager. Enfin, et alors même que l'intéressé produit un courriel attestant de la difficulté de trouver en Russie les médicaments qui lui ont été prescrits en France, il ressort des pièces du dossier que la Russie offre des structures médicales et des officines suffisamment achalandées pour que le requérant puisse y poursuivre son suivi et son traitement médical. Dans ces conditions, le préfet de l'Yonne n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation pour l'application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, M. C... réside en France depuis trois années à la date de la décision litigieuse, ses parents qui l'assistent dans sa vie quotidienne et avec qui il est arrivé en France font l'objet d'une mesure d'éloignement et l'intéressé ne justifie pas d'une insertion particulière sur le territoire national. En outre, il n'est pas établi que la vie privée et familiale du requérant ne puisse se poursuivre en Russie où, ainsi qu'il vient d'être dit, il peut continuer son suivi médical et vers lequel il peut voyager sans risque dès lors qu'il a pris son traitement. Dans ces conditions, la décision lui refusant un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En quatrième lieu, la durée et les conditions de séjour ainsi que la situation privée et familiale de M. C..., qui peut poursuivre ses soins en Russie, ne permettent pas de regarder sa situation comme relevant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de l'Yonne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre au séjour à titre exceptionnel, tandis qu'en tout état de cause, M. C... n'a pas demandé sa régularisation à ce titre.
8. En cinquième lieu, eu égard à ce qui a été dit aux points 3 à 7, M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
9. En sixième lieu, eu égard à ce qui a été exposé aux points 5 et 6, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
10. En septième lieu, eu égard à ce qui a été dit aux points 8 et 9 du présent arrêt, M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
11. En huitième et dernier lieu, si M. C... fait valoir qu'il serait toujours en danger s'il devait retourner en Russie dès lors que son père aurait reçu des menaces en 2009 et qu'il aurait lui-même fait l'objet d'une agression en Crimée en 2010, toutefois, les faits dont se prévaut l'intéressé sont anciens et il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le retour en Russie de M. C... l'exposerait à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination violerait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé et doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Daniel Josserand-Jaillet, président ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme E... D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.
N° 20LY01046
fp