Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par deux demandes distinctes, M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, d'autre part, d'annuler les décisions du 23 juillet 2019 par lesquelles le même préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1904705, 1907861 du 20 mai 2020, le tribunal administratif de Lyon, après avoir joint ces demandes, a annulé l'arrêté du 23 juillet 2019, a enjoint au préfet de l'Ain de délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour à M. C... et de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour
I°) Par une requête, enregistrée sous le n° 20LY01677 le 24 juin 2020, le préfet de l'Ain demande à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement du 20 mai 2020.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2020, M. C..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
II°) Par une requête, enregistrée sous le n° 20LY01678 le 24 juin 2020, le préfet de l'Ain demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 mai 2020 ;
2°) de rejeter la demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a annulé le refus de titre de séjour au motif qu'il se fondait sur une décision de refus de demande d'autorisation de travail du 8 juillet 2019 finalement retirée et remplacée par une nouvelle décision du 23 août 2019, alors que ce motif est surabondant et que son arrêté se fonde sur des motifs propres et exacts ;
- les moyens de première instance sont infondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2020, M. C..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que le préfet ne pouvait se fonder sur le refus d'autorisation de travail du 8 juillet 2019 retiré pour incompétence de l'auteur de l'acte ;
- la demande d'autorisation de travail présentée par son employeur était complète et régulière ; il est démontré que l'emploi proposé souffre de difficultés de recrutement.
Par deux décisions du 5 août 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. C....
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... B..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant albanais né en 1996, entré irrégulièrement en France le 17 août 2015 et débouté du droit d'asile, a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour le 26 octobre 2018, implicitement rejetée par le préfet de l'Ain. Par un arrêté du 23 juillet 2019, le même préfet a explicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office. Le préfet de l'Ain relève appel du jugement du 20 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté. Il demande l'annulation et le sursis à l'exécution de ce jugement.
2. Ces deux requêtes sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions communes relatives à la situation administrative d'un même étranger. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête n° 20LY01678 :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
4. Le dispositif de régularisation institué à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne dispense pas l'étranger d'obtenir l'autorisation de travail exigée par le 2° de l'article L. 5221-2 du code du travail avant qu'il n'exerce une activité professionnelle salariée en France. Cependant, la demande présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 n'a pas à être instruite dans les règles fixées par le code du travail.
5. Pour refuser un titre de séjour à M. C..., le préfet de l'Ain a estimé qu'il ne relève pas d'une situation exceptionnelle justifiant d'une régularisation pour des motifs professionnels. Il a relevé principalement que son employeur n'a pas justifié auprès de l'unité départementale du travail de l'Ain des difficultés de recrutement alléguées, ni n'a complété sa demande d'autorisation de travail, raison pour laquelle cette demande d'autorisation a été refusée et, à titre surabondant, que l'emploi proposé ne souffre pas de difficultés particulières de recrutement.
6. Il résulte de ce qui précède que, comme il le soutient, le préfet de l'Ain n'a pas directement fondé sa décision sur le refus d'autorisation de travail opposé par l'unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) le 8 juillet 2019, mais a procédé, comme il lui appartenait de le faire, à une appréciation autonome de la situation de M. C... et des caractéristiques de l'emploi auquel il postule, pour opposer l'absence de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance à l'intéressé d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire".
7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges ont fait droit au moyen selon lequel le préfet ne pouvait se fonder sur un refus d'autorisation de travail devant être regardé comme n'étant jamais intervenu.
8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C....
Sur les autres moyens de M. C... :
En ce qui concerne la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
9. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. A... de la Fouchardière, directeur de cabinet du préfet de l'Ain, qui a reçu délégation à cet effet par un arrêté du 15 juin 2018, régulièrement publié. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence doit être écarté.
10. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le moyen selon lequel la demande d'autorisation de travail présentée par son employeur aurait été complète et régulière ne peut qu'être écarté comme inopérant.
11. En troisième lieu, pour contester l'appréciation du préfet selon laquelle l'emploi proposé ne souffre pas de difficultés particulières de recrutement, M. C... invoque le nombre d'offres d'emploi pour des mécaniciens dans le département de l'Ain résultant d'une recherche effectuée sur un site internet, dont la fiabilité des résultats est sérieusement discutée par le préfet de l'Ain. Le préfet a établi en première instance qu'une recherche réalisée sur le site de Pôle emploi avec les caractéristiques du contrat proposé aboutit à un résultat de moins de vingt offres, dont une seule correspondant au métier d'électromécanicien. Dans ces conditions, le métier de mécanicien, qui au demeurant ne figure pas dans l'arrêté du 18 janvier 2008 fixant la liste des métiers en tension, n'est pas caractérisé par des difficultés de recrutement particulières dans le département de l'Ain, comme l'a relevé le préfet dans l'arrêté en litige.
12. En quatrième lieu, M. C... est entré irrégulièrement en France le 17 août 2015 et s'y est maintenu en méconnaissance d'une précédente obligation de quitter le territoire français. Il ne justifie pas, en se prévalant d'une relation entretenue depuis un an avec une ressortissante française, de liens anciens, intenses et stables sur le territoire français. Il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans en Albanie où réside sa famille. Le requérant n'est ainsi pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.
13. En cinquième lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 10 à 12, en estimant que l'admission exceptionnelle au séjour de M. C... ne répond à aucune considération humanitaire et ne se justifie au regard d'aucun motif exceptionnel susceptible de conduire à une régularisation de sa situation pour des motifs professionnels ou pour des motifs privés ou familiaux, le préfet de l'Ain n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. En dernier lieu, M. C... n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination.
15. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Ain est fondé à demander, outre l'annulation du jugement qu'il attaque, le rejet de la demande de M. C... devant le tribunal administratif de Lyon.
Sur la requête n° 20LY01677 :
16. Le présent arrêt ayant statué sur la requête du préfet tendant à l'annulation du jugement du 20 mai 2020, il n'y a plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution.
Sur les frais liés aux litiges :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 mai 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lyon et ses conclusions en appel sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet de l'Ain à fin de sursis à exécution.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Daniel Josserand-Jaillet, président de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme D... B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.
N° 20LY01677, 20LY01678
fp
N° 20LY01677, 20LY01678