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10/12/2020 | FRANCE | N°20LY01271

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 10 décembre 2020, 20LY01271


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2018 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre des dispositi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2018 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1904149 du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur l'obligation de quitter le territoire français et le pays de destination et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2020, M. C..., représenté par la SELARL BS2A B... et Sabatier avocats associés, agissant par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904149 du 17 mars 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision du 6 décembre 2018 par lequel le préfet du Rhône a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois courant à compter de la décision à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil, qui renoncera au bénéfice de l'aide juridictionnelle qui lui sera accordée, la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet du Rhône n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation dès lors qu'il ne mentionne pas la naissance de son second enfant, la création de son entreprise ou l'insuffisance des ressources de son épouse pour procéder à un regroupement familial ;

- le préfet a commis un vice de procédure en ne saisissant pas la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et en opposant l'absence de production d'un contrat de travail visé par celle-ci, alors qu'il avait déposé une demande d'autorisation de travail pour le compte de son employeur ; le préfet a ainsi méconnu les dispositions de l'article R. 5221-11 du code du travail ;

- la décision méconnait son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il est entré en France le 15 septembre 2017 pour rejoindre son épouse, compatriote en situation régulière, avec laquelle il est marié depuis le 30 juin 2010, et leur enfant né le 8 août 2012, qu'ils ont eu un second enfant né le 12 mars 2019, qu'il justifie d'un domicile et d'une promesse d'embauche et qu'il a créé une entreprise de nettoyage le 14 mars 2019 ;

- la décision méconnait l'intérêt supérieur de ses enfants au sens de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que l'ainé est scolarisé et que son épouse a de solides attaches familiales en France ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation ;

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gayrard, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

Sur la légalité de la décision attaquée :

1. En premier lieu, le requérant, M. A... C..., ressortissant algérien né en 1984, soutient que le préfet du Rhône n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation dès lors qu'il aurait omis de mentionner dans son arrêté du 6 décembre 2018 portant notamment refus de séjour, l'existence de son deuxième enfant, la création de son entreprise de nettoyage et l'insuffisance de ressources de son épouse pour procéder à un regroupement familial. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ce deuxième enfant est né le 12 mars 2019, soit postérieurement à la date de la décision attaquée et que le requérant déclare lui-même avoir créé une entreprise de nettoyage le 14 mars 2019, soit toujours postérieurement à la décision attaquée. La circonstance que le préfet relève dans sa décision que la situation de M. C... relève de la procédure de regroupement familial n'impliquait nullement qu'il procède à la vérification des conditions à remplir, notamment en termes de ressources de son épouse. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle au regard du droit au séjour.

2. En second lieu, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes les professions et toutes les régions, renouvelable et portant la mention " salarié " ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ". Aux termes de l'article 9 de l'accord franco-algérien : " Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis al. 4 et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. ". Aux termes de l'article R. 5221-11 du code du travail : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur. (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-15 du même code : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence. ". Aux termes de l'article R. 5221-17 du même code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. (...) ".

3. Si M. C... soutient qu'il aurait déposé en préfecture une demande d'autorisation de travail pour le compte de son futur employeur, il n'en justifie pas. S'il a présenté une promesse d'embauche à l'appui de sa demande de titre de séjour, il n'a pas, comme l'oppose à bon droit le préfet, présenté un contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, comme l'exigent les dispositions précitées du code du travail. En tout état de cause, il n'est pas contesté que l'intéressé est entré irrégulièrement en France et ne justifie donc pas d'un visa long séjour comme l'exige l'article 9 de l'accord franco-algérien et comme l'a également opposé, dans la décision querellée, le préfet qui aurait pris, sur ce seul motif, la même décision de refus de délivrer un certificat de résident mention " salarié ".

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

5. M. C... fait valoir qu'il est entré en France le 15 septembre 2017 pour vivre auprès de son épouse, compatriote titulaire d'une carte de résident, avec laquelle il s'est marié en Algérie le 30 juin 2010 et a eu deux enfants nés les 8 août 2012 et 12 mars 2019. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de 33 ans et éloigné de son épouse et de leur premier enfant pendant respectivement sept et cinq ans. Le requérant ne peut utilement se prévaloir de la naissance de son deuxième enfant dès lors qu'elle est postérieure à la décision attaquée. Si le requérant fait valoir que son premier enfant est scolarisé en France depuis 2016, la décision attaquée n'a ni pour objet, ni pour effet, de le séparer de son enfant dès lors que son épouse et ses enfants ayant aussi la nationalité algérienne, rien ne fait obstacle à ce que ce dernier puisse l'accompagner en cas d'éloignement dans son pays d'origine et y poursuive sa scolarité. Le requérant ne peut utilement faire valoir la création d'une entreprise de nettoyage, laquelle est postérieure à la décision attaquée. La seule production d'une promesse d'embauche n'est pas de nature à justifier d'une particulière intégration dans la société française. Dès lors, eu égard à la brève durée et aux conditions de son séjour en France, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de cette décision. Par suite, cette dernière ne méconnait, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

6. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été évoqués aux points précédents, la décision ne méconnait pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision de refus de séjour. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonctions sous astreinte et celles à fin de mise à la charge de l'État des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.

2

N° 20LY01271


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01271
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-10;20ly01271 ?
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