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10/12/2020 | FRANCE | N°19LY03169

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 10 décembre 2020, 19LY03169


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... C..., M. F... C..., Mme J... C... et Mme A... C... épouse G... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 14 juin 2018 par lequel le maire de Bard a opposé un sursis à statuer à la déclaration préalable qu'ils avaient déposée pour la division de parcelles en vue de construire, ensemble la décision du 6 octobre 2018 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1903003 du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions et enjoint au m

aire de la commune de Bard de réexaminer la déclaration préalable dans un délai de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... C..., M. F... C..., Mme J... C... et Mme A... C... épouse G... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 14 juin 2018 par lequel le maire de Bard a opposé un sursis à statuer à la déclaration préalable qu'ils avaient déposée pour la division de parcelles en vue de construire, ensemble la décision du 6 octobre 2018 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1903003 du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions et enjoint au maire de la commune de Bard de réexaminer la déclaration préalable dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 août 2019, et un mémoire complémentaire enregistré le 6 février 2020, la commune de Bard, représentée par la SELARL BLT Droit public, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juin 2019 ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande des consorts C... ;

3°) de mettre à la charge des consorts C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'état d'avancement du futur plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) était insuffisant pour justifier que soit opposé un sursis à statuer ; la volonté des auteurs du PLUi de limiter strictement l'urbanisation des hameaux ressort des orientations du projet d'aménagement et de développement durables et des documents graphiques élaborés en 2017 ;

- le projet des consorts C... est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur PLUi ;

- aucun des autres moyens soulevés en première instance n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 12 septembre 2019, et un mémoire complémentaire enregistré le 25 février 2020, qui n'a pas été communiqué, Mme E... C..., M. F... C..., Mme J... C... et Mme A... C... épouse G..., représentés par Me B..., concluent au rejet de la requête et à ce que la commune requérante leur verse la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête d'appel est irrecevable en l'absence de respect des formalités de notification prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'au regard de l'état d'avancement du projet de PLUi, la réalisation de leur projet était de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan ; le terrain qu'ils entendent diviser est de taille limitée et s'inscrit au coeur du hameau de Vinols, qui est plus étendu que le centre-bourg ;

- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;

- le service instructeur s'est mépris sur la portée de la demande.

La clôture de l'instruction a été fixée au 26 août 2020 par une ordonnance du 24 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me D... pour la commune de Bard ainsi que celles de Me B... pour les consorts C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Les consorts C... ont déposé le 16 mai 2018 une déclaration préalable en vue de la division en quatre lots à bâtir des parcelles cadastrées B 671 et B 672 située à Vinols, sur la commune de Bard. Par arrêté du 14 juin 2018, le maire de Bard a opposé un sursis à statuer à cette demande. Par jugement du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté, ainsi que la décision du 6 octobre 2018 rejetant le recours gracieux des consorts C.... La commune de Bard relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de l'appel :

2. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. "

3. Ces dispositions visent, dans un but de sécurité juridique, à permettre au bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme, ainsi qu'à l'auteur de cette décision, d'être informés à bref délai de l'existence d'un recours contentieux dirigé contre elle et doivent, à cet égard, être regardées comme s'appliquant également à un recours exercé contre une décision juridictionnelle constatant l'existence d'une telle autorisation.

4. L'annulation du sursis à statuer, qui obligeait seulement l'administration à examiner la demande des consorts C... au regard des anciennes dispositions du PLU, ainsi que l'ont enjoint les premiers juges, n'a pas reconnu le droit des pétitionnaires à obtenir l'autorisation d'urbanisme sollicitée, ni les a rendus titulaires d'une telle autorisation. Dès lors, la commune de Bard n'était pas tenue de notifier son recours sur le fondement des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par les consorts C... doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 14 juin 2018 :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. / Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. (...) ". Aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente mentionnée à l'article L. 153-8 prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les objectifs poursuivis et les modalités de concertation, conformément à l'article L. 103-3. / (...) L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme de prendre en compte les orientations d'un projet de plan local d'urbanisme, dès lors qu'elles traduisent un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme, pour apprécier si un aménagement ou une construction serait de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. / Lorsque le projet est soumis à avis ou accord d'un service de l'Etat, les certificats d'urbanisme le mentionnent expressément. Il en est de même lorsqu'un sursis à statuer serait opposable à une déclaration préalable ou à une demande de permis. (...)"

7. Il résulte de la combinaison des articles L. 153-11, L. 424-1 et L. 410-1 du code de l'urbanisme que tout certificat d'urbanisme délivré sur le fondement de l'article L. 410-1 a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d'autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d'urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat. Figure cependant parmi ces règles la possibilité de se voir opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis, lorsqu'est remplie, à la date de délivrance du certificat, l'une des conditions énumérées à l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme. Si l'omission de la mention d'une telle possibilité dans le certificat d'urbanisme peut être, en vertu du cinquième alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme et du sixième alinéa de l'article A. 410-4 du même code, de nature à constituer un motif d'illégalité de ce certificat, elle ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente oppose un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis ultérieure concernant le terrain objet du certificat d'urbanisme.

8. Si la commune de Bard pouvait, compte tenu de ce qui vient d'être dit, opposer un sursis à statuer à la demande des consorts C..., quand bien même une telle possibilité n'était pas mentionnée dans le certificat d'urbanisme opérationnel positif délivré le 4 janvier 2018, il convient en revanche d'apprécier si les conditions d'opposabilité d'un sursis à statuer étaient réunies à cette date.

9. Il ressort des pièces du dossier que le débat sur les orientations générales duprojet d'aménagement et de développement durables du PLUi de la communauté d'agglomération Loire Forez, qui conditionne la possibilité d'opposer un sursis à statuer, a eu lieu le 7 novembre 2017, soit antérieurement à la date du certificat d'urbanisme opérationnel positif concernant les parcelles cadastrées section B n°s 671 et 672. Il ressort de ce projet que les auteurs du PLUi entendent maitriser l'étalement urbain par le renforcement des centres bourgs, et limiter strictement le développement urbain des hameaux, dans le but de rapprocher la population des équipements publics et commerces. Cet objectif est repris, pour la commune de Bard, qui compte environ 650 habitants, par le document de travail de novembre 2017, qui fixe comme premier objectif le développement de l'attractivité du centre-bourg. Selon ce document, " une maîtrise stricte de l'urbanisation le long de la départementale et se rapprochant du territoire montbrisonnais est nécessaire pour donner une chance au bourg. " Il ressort de ces différents documents la volonté des auteurs du PLUi de maîtriser de façon stricte le développement des hameaux, tel celui de Vinols où doit s'implanter le projet litigieux, situé le long de la départementale à proximité de Montbrison, pour favoriser le développement urbain du centre-bourg de Bard, lequel correspond au coeur historique de la commune, ainsi que l'indiquent les documents de travail du projet d'aménagement et de développement durables. Est à cet égard sans incidence, au regard des objectifs énoncés par les auteurs du PLUi et des orientations ressortant des différents documents antérieurs à la date du 4 janvier 2018, la circonstance que le hameau de Vinols comprend plus de maisons que le centre-bourg. Au regard de ces orientations, qui traduisent sur ce point un état suffisamment avancé du futur PLUi, quand bien même aucun projet de zonage n'avait alors été élaboré sur le secteur, de l'importance du projet, qui tend à diviser un terrain en quatre lots constructibles, et de la situation en sortie de hameau de ces parcelles, identifiées comme des prairies agricoles par le document établi par la chambre d'agriculture, le projet d'aménagement des consorts C... était de nature à compromettre l'exécution du PLUi en cours d'élaboration. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté du 16 mai 2018 au motif que le maire de Bard avait commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en opposant un sursis à statuer à la demande des consorts C....

10. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les consorts C... tant en première instance qu'en appel.

11. L'arrêté en litige, qui précise les orientations du projet d'aménagement et de développement durables que le projet est susceptible de compromettre, comprend la mention des motifs de droit et de fait qui le fonde. Il est, par suite, suffisamment motivé.

12. Si l'arrêté en litige vise une demande de permis de construire, il ressort sans ambiguïté de l'ensemble des mentions de cet arrêté que le maire de Bard ne s'est pas mépris sur l'objet de la demande dont il était saisi. Par suite, le visa de l'arrêté constitue une erreur purement matérielle sans influence sur sa légalité.

13. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bard est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 14 juin 2018 par lequel le maire de Bard a opposé un sursis à statuer à la déclaration préalable déposée par les consorts C... et la décision du 6 octobre 2018 rejetant leur recours gracieux. Elle est dès lors fondée à demander l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande des consorts C... devant le tribunal administratif.

Sur les frais d'instance :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Bard au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions des consorts C..., parties perdantes, tendant au remboursement des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 11 juin 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Lyon par les consorts C... et le surplus des conclusions des parties en appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bard, à Mme E... C..., à M. F... C..., à Mme J... C... et à Mme A... C... épouse G....

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Daniel Josserand-Jaillet, président de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme I... H..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.

N°19LY03169

fp

N°19LY03169


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03169
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Sursis à statuer.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP BLT DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-10;19ly03169 ?
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