La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2020 | FRANCE | N°19LY01184

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 10 décembre 2020, 19LY01184


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de parents du jeune A... C..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à leur verser la somme de 31 000 euros au titre des préjudices subis par leur fils et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1709085 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la

Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 26 mars 2019 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de parents du jeune A... C..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à leur verser la somme de 31 000 euros au titre des préjudices subis par leur fils et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1709085 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 26 mars 2019 et 6 juillet 2020, M. et Mme C..., représentés par Me Saumet, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1709085 du 8 janvier 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 31 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 août 2017 et leur capitalisation ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularités tenant à une insuffisance de motivation et au défaut de mention dans les visas d'un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2019 ;

- l'Etat engage sa responsabilité pour carence fautive dans le traitement et la prévention de faits de harcèlement dont le jeune A... a été victime de janvier 2016 à février 2017 ;

- la réalité des faits de harcèlement est suffisamment établie ;

- la carence dans le traitement et la prévention des faits de harcèlement est notamment établie par le changement de classe survenu à la rentrée 2016 et le refus de changement de collège en janvier 2017.

Par un mémoire, enregistré le 6 juillet 2020, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Un mémoire enregistré le 8 novembre 2020 et présenté pour M. et Mme C... n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 6111 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public,

- et les observations de Me Saumet, avocat de M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. A... C..., né le 20 juillet 2002, est entré en septembre 2015 en classe de quatrième au collège Molière à Lyon. Le 7 janvier 2016, il a été impliqué dans un incident à la suite duquel il aurait fait l'objet d'insultes, de brimades et de moqueries de la part de quatre élèves de sa classe avant de subir de leur part une agression physique le 14 janvier 2016. Les consorts C... soutiennent que les faits de harcèlement, de la part de ses agresseurs et d'autres camarades de leur fils, auraient perduré tout le reste de l'année scolaire puis l'année suivante en classe de troisième, notamment les 10 et 11 octobre 2016. Le 12 octobre suivant, A... C... a mis le feu à une poubelle dans l'enceinte du collège, ce qui a donné lieu à une sanction d'exclusion définitive avec sursis de sept mois selon décision du conseil de discipline du 15 novembre 2016, confirmée sur appel le 13 janvier 2017. Suite à un refus de changement d'établissement public opposé par le rectorat le 3 janvier 2017, A... C... a été admis dans un collège privé courant février 2017. Après avoir adressé une réclamation préalable au rectorat de l'académie de Lyon le 16 août 2017, expressément rejetée le 27 octobre suivant, M. et Mme C..., agissant tant en leur nom propre qu'en celui de leur fils A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à leur verser la somme de 31 000 euros pour réparer leur préjudice. Par jugement du 8 janvier 2019, dont les consorts C... relèvent appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, les requérants soutiennent que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation dès lors que le tribunal administratif de Lyon ne se serait pas prononcé sur le non-respect par le principal du collège de sa promesse d'affectation du jeune A... dans une classe ne comprenant aucun de ses quatre anciens agresseurs et sur le refus de changement d'établissement opposé par le recteur le 7 janvier 2017 malgré les signalements de faits de harcèlement moral. Toutefois, le tribunal administratif de Lyon n'était pas tenu de répondre à tout l'argumentaire développé par les requérants alors qu'il a considéré que les faits de harcèlement n'étaient pas suffisamment établis. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

3. D'autre part, si les requérants font valoir que le tribunal administratif de Lyon a, en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 7412 du code de justice administrative, omis de mentionner, dans les visas, le mémoire en défense du ministre enregistré le 19 octobre 2016, lequel avait été produit avant la clôture de l'instruction, une telle circonstance n'est, par elle-même, pas de nature à vicier la régularité du jugement attaqué dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ces écritures n'apportaient aucun élément nouveau auquel il n'aurait pas été répondu dans les motifs de ce jugement.

Sur le bien- fondé du jugement :

4. La responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée devant la juridiction administrative à l'égard d'un élève d'un établissement public d'enseignement du seul fait d'un dommage dont cet élève peut être victime à l'intérieur de cet établissement ou à l'occasion d'activités organisées par celui-ci. Cette responsabilité est subordonnée à une mauvaise organisation ou à un fonctionnement défectueux de ce service public. M. et Mme C... recherchent la responsabilité de l'Etat pour la carence fautive des services de l'éducation nationale, tant du personnel du collège Molière de Lyon que de celui du rectorat de l'académie de Lyon, à prévenir ou à traiter le harcèlement scolaire dont a été victime selon eux le jeune A.... Le harcèlement scolaire se définit comme le fait pour un élève ou un groupe d'élèves de faire subir de manière répétée à un camarade des propos ou des comportements agressifs, tels des moqueries, brimades, humiliations ou insultes, qui entraînent généralement une dégradation des conditions de vie de la victime.

5. En premier lieu, la circonstance que le conseil d'administration du collège Molière de Lyon n'ait pas élaboré un programme d'actions de lutte contre le harcèlement, comme le prévoit le 12° de l'article R. 421-20 du code de l'éducation, est, par lui-même, sans influence sur l'appréciation de la responsabilité de l'Etat en raison des faits de harcèlement qu'aurait subis le jeune A....

6. En deuxième lieu, si les requérants font grief aux personnels du collège Molière de ne pas avoir appliqué le protocole de l'éducation nationale en cas d'agression lors de l'incident survenu le 14 janvier 2016, il résulte de l'instruction que, conformément aux recommandations de ce protocole, un professeur est intervenu pour séparer les belligérants, le jeune A... a été accompagné à l'infirmerie pour recevoir les premiers soins, ses parents ont été informés de l'incident et de leur faculté de déposer une plainte auprès des services compétents et une procédure disciplinaire a été menée contre les quatre élèves qui ont agressé le jeune A.... Si les parents font valoir, sans susciter de réplique, qu'ils n'ont pas été informés de coordonnées d'organismes intervenant en cas de violence scolaire, une telle circonstance ne suffit pas à caractériser une carence fautive de la part des services de l'éducation nationale.

7. En troisième lieu, les requérants soutiennent que le jeune A... a été victime de faits de harcèlement de la part de quatre élèves de sa classe, suite à un incident survenu le 7 janvier 2016 suivi d'une agression physique le 14 janvier 2016, pendant toute l'année scolaire. Toutefois, il résulte de l'instruction que les parents de A... n'ont évoqué la persistance de tels faits de harcèlement de la part des agresseurs de leur fils que par courriel du 19 mai 2016, sans toutefois fournir aucun élément circonstancié sur ces faits, alors que ses professeurs ne font état d'aucune nouvelle difficulté entre les élèves depuis l'agression et soulignent que les résultats scolaires ainsi que le comportement de A... se sont améliorés au cours de ce semestre. Si les requérants invoquent également une indisponibilité des surveillants et de la conseillère principale d'éducation lors de la survenance de faits de harcèlement, ils n'apportent aucun commencement de preuve à l'appui de leurs allégations.

8. En quatrième lieu, les requérants reprochent au principal du collège de ne pas avoir respecté sa promesse de ne pas affecter A... dans une classe de troisième comprenant un de ses anciens agresseurs. Toutefois, ils n'apportent aucun commencement de preuve tendant à établir que cet élève aurait persisté dans une attitude malveillante à son égard. Si les parents soutiennent également que d'autres élèves ont maintenu A... dans un climat d'insultes et de brimades, et même de violence comme lors d'un incident du 10 octobre 2016, les faits incriminés, qui ne visent d'ailleurs aucun élève en particulier, ne peuvent être regardés comme constitutifs de harcèlement alors que les rapports de ses professeurs produits en défense témoignent d'une absence de difficultés relationnelles mettant en cause A.... Les certificats médicaux produits par les requérants font seulement état de difficultés au sein de l'établissement scolaire sans évoquer des éléments circonstanciés relevant du harcèlement scolaire.

9. En cinquième lieu, la plainte contre X pour actes de violence et de harcèlement sur mineur de quinze ans commis entre le 5 septembre et le 17 octobre 2016 (et non depuis le 7 janvier 2016) a été déposée le 17 octobre 2016, soit peu de temps après l'incident du 12 octobre au cours duquel A... a mis le feu à une poubelle dans l'enceinte du collège et pour lequel il a fait l'objet d'une poursuite disciplinaire qui aboutira à une peine d'exclusion définitive avec sursis de sept mois.

10. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de plusieurs rapports d'incidents, que le jeune A... a souvent adopté une attitude insolente et provocatrice envers ses camarades mais aussi d'enseignants et autres personnels du collège. Les rapports produits en défense attestent que les difficultés comportementales de A... ont bien été décelées par le corps enseignant et administratif du collège et qu'il a bénéficié d'un accompagnement pour améliorer son attitude.

11. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les services de l'éducation nationale concernés auraient commis une faute tenant à une mauvaise organisation ou à un fonctionnement défectueux de ce service public. Par suite, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Leurs conclusions indemnitaires doivent donc être rejetées, ainsi que par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... C... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Lyon.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.

N° 19LY01184 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01184
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SAUMET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-10;19ly01184 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award