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10/12/2020 | FRANCE | N°19LY00905

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 10 décembre 2020, 19LY00905


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Axa France IARD a demandé au tribunal administratif de Lyon de déclarer le centre hospitalier de Roanne responsable des conséquences dommageables découlant d'une infection nosocomiale contractée par M. A... B..., de surseoir à statuer s'agissant de la liquidation définitive des postes de préjudice dans l'attente du paiement subrogatoire définitif réalisé en faveur de M. B... et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de

163 000 euros au titre de provisions versées à M. B..., de mettre à la char...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Axa France IARD a demandé au tribunal administratif de Lyon de déclarer le centre hospitalier de Roanne responsable des conséquences dommageables découlant d'une infection nosocomiale contractée par M. A... B..., de surseoir à statuer s'agissant de la liquidation définitive des postes de préjudice dans l'attente du paiement subrogatoire définitif réalisé en faveur de M. B... et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 163 000 euros au titre de provisions versées à M. B..., de mettre à la charge du centre hospitalier de Roanne le remboursement des débours de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, de déclarer le jugement à intervenir opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire et à l'organisme April et de mettre à la charge du centre hospitalier de Roanne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Loire a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le centre hospitalier de Roanne à lui verser la somme de 739 434,49 euros au titre de ses débours.

Par un jugement n° 1608356 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a condamné le centre hospitalier de Roanne à verser à la société Axa France IARD la somme de 163 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire la somme de 590 861,73 euros ainsi qu'une rente annuelle de 7 302,82 euros, revalorisée en application des coefficients prévus par l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, et a mis à sa charge les dépens d'un montant de 2 800 euros et la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et des mémoires complémentaires enregistrés les 4 mars 2019, 2 mai 2019, 12 juillet 2019 et 30 janvier 2020, le centre hospitalier de Roanne, représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1608356 du 31 décembre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter les conclusions de la société Axa France IARD et de la caisse primaire d'assurance maladie ;

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour insuffisance de motivation ;

- l'action subrogatoire de l'assureur n'est pas établie, notamment en terme de paiement ou de droits acquis par subrogation ;

- le caractère nosocomial de l'infection n'est pas établi ;

- le tribunal administratif aurait dû prendre en compte les facteurs aggravants liés à l'état de santé de M. B... pour estimer sa perte de chance de guérir plus rapidement ;

Par un mémoire enregistré le 28 juin 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, représentée par Me E..., conclut à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté la somme de 16 485,83 euros au titre de ses débours et de mettre à la charge du centre hospitalier de Roanne la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaire de gestion et celle de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité du centre hospitalier de Roanne est caractérisée au vu des conclusions de l'expert ;

- l'état antérieur de la victime ne saurait constituer une cause étrangère exonératoire et n'a pas non plus constitué un facteur de complications supplémentaires ;

- le tribunal administratif de Lyon a écarté à tort de ses débours des frais de transport pour un montant de 16 485,83 euros.

Par deux mémoires, enregistrés le 24 septembre 2019 et le 14 mars 2020, la société Axa France IARD, représentée par Me C..., conclut, dans le dernier état de ses écritures, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a évalué les préjudices imputables à l'infection nosocomiale à la somme globale de 206 192,58 euros et a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer quant à son recours subrogatoire définitif, et demande à la cour de condamner le centre hospitalier de Roanne à lui verser la somme de 163 000 euros, de surseoir à statuer dans l'attente de la liquidation définitive des postes de préjudice et du paiement subrogatoire en faveur de M. B... sinon de fixer ses préjudices à la somme de 369 392,64 euros, et de mettre à la charge du centre hospitalier de Roanne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la responsabilité du centre hospitalier de Roanne est engagée au titre de l'infection nosocomiale contractée par la victime sans que son état antérieur puisse être pris en compte ;

- si aucune indemnisation définitive n'est encore intervenue en faveur de la victime, elle a déjà versé une somme provisionnelle de 163 000 euros qu'elle est en droit de réclamer à l'hôpital au titre de sa subrogation ;

- le tribunal administratif n'aurait pas dû évaluer de façon définitive les préjudices imputables à l'infection nosocomiale mais aurait dû surseoir à statuer dans l'attente de son recours subrogatoire définitif lié à l'instance en cours devant le tribunal de grande instance de Roanne ;

- à titre subsidiaire, la cour devra procéder à une liquidation définitive pour un montant supérieur compte tenu des nouveaux justificatifs produits.

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de soulever d'office les moyens tirés de l'irrecevabilité des conclusions incidentes de la société Axa France IARD tendant à la fixation des préjudices concernant l'épouse et la fille de la victime en l'absence de preuve d'une subrogation de l'assureur les concernant et l'irrecevabilité des conclusions incidentes de la société Axa France IARD tendant à une majoration de l'évaluation des préjudices de la victime dès lors que cette société d'assurances a obtenu la condamnation du centre hospitalier de Roanne au versement de la somme de 163 000 euros correspondant exactement à ses droits en tant que subrogé, en l'absence de preuve d'une subrogation au-delà de ce montant ;

Par un mémoire, enregistré le 6 novembre 2020, la société AXA assurances a présenté ses observations en réponse au moyen soulevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 15 juillet 2010, M. A... B..., né le 18 décembre 1950, a été victime d'un accident de moto occasionné par le conducteur d'un véhicule assuré par la société Axa France IARD qui a notamment provoqué une fracture de l'extrémité distale du fémur droit. Il a effectué un séjour au centre hospitalier de Roanne du 15 au 28 juillet 2010 pendant lequel a été réalisée une opération d'ostéosynthèse du fémur droit, par clou avec cerclage et verrouillage proximal avec une vis et distal avec trois vis, le 16 juillet. Il a été à nouveau opéré dans cet établissement le 19 novembre 2010 pour l'ablation d'une vis de verrouillage proximal au niveau du clou centromédullaire du fémur droit suite à une fracture, puis les 20 mai et 15 septembre 2011 pour l'ablation du matériel d'ostéosynthèse centromédullaire et ostéosynthèse par plaque condylienne verrouillée. M. B... sera ensuite pris en charge par d'autres hôpitaux pour plusieurs interventions chirurgicales du fait de l'aggravation de son état jusqu'en avril 2014.

2. Par ordonnance du 13 février 2014, le tribunal de grande instance de Roanne a ordonné une expertise conduite par les docteurs Avet et Mahul qui ont rendu leurs conclusions le 19 septembre 2015. Par ordonnance du 26 juin 2014, le tribunal administratif de Lyon a également ordonné une expertise menée par les docteurs Ruan-Agniel et Gaillard qui ont déposé leur rapport le 14 septembre 2015. Par ordonnance du 18 mai 201l, le tribunal de grande instance de Roanne a condamné la société Axa France IARD à verser à M. B... une provision de 120 000 euros et ordonné une troisième expertise effectuée par le Dr Avet et rendue le 9 mars 2018. Par jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 décembre 2018, le centre hospitalier de Roanne a été condamné à verser à la société Axa France IARD la somme de 163 000 euros à M. B... au titre de l'ordonnance précitée et d'indemnités provisionnelles déjà versées et a également été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire la somme de 590 861,73 euros au titre de ses débours.

3. Par requête enregistrée le 4 mars 2019, le centre hospitalier de Roanne demande l'annulation de ce jugement et le rejet des conclusions indemnitaires de l'assureur et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire. La caisse a présenté des conclusions incidentes tendant à l'octroi d'une somme de 16 485,83 euros correspondant à des frais de transport écartés par le tribunal. La société Axa France IARD a également présenté des conclusions incidentes tendant à ce que la cour sursoit à statuer dans l'attente d'un paiement subrogatoire définitif en faveur de M. B..., sinon à majorer l'évaluation des préjudices de ce dernier à hauteur de la somme de 369 392,64 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Si, dans sa requête sommaire, le centre hospitalier de Roanne soutient que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé, il n'assortit le moyen d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé, alors que le jugement comporte l'énoncé des motifs fondant son dispositif. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

Sur le bien- fondé du jugement :

Sur la subrogation :

5. Aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur (...) ". Il résulte de ces dispositions que la subrogation légale ainsi instituée est subordonnée au seul paiement à l'assuré de l'indemnité d'assurance en exécution du contrat d'assurance et ce, dans la limite de la somme versée. La circonstance qu'une telle indemnité n'a été accordée qu'à titre provisionnel n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à la subrogation. Il appartient seulement à l'assureur, pour en bénéficier, d'apporter par tout moyen la preuve du paiement de l'indemnité.

6. Il résulte de l'instruction que la société Axa France IARD établit par la production de l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Roanne du 18 mai 2011 la condamnant à verser la somme de 120 000 euros à M. B... et des quittances subrogatoires portant sur des indemnités provisionnelles versées à ce dernier du 1er octobre 2010 au 18 décembre 2015 pour un montant global de 43 000 euros, qu'elle est subrogée aux droits de la victime à hauteur de la somme de 163 000 euros. Par suite, le centre hospitalier de Roanne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a écarté sa fin de non-recevoir.

Sur la responsabilité :

7. Aux termes du I de l'article L. 1142-2 du code de la santé publique : " Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ". La présomption de responsabilité des établissements de santé en cas d'infection nosocomiale posée par ces dispositions vaut y compris en cas d'infection due à un germe présent dans l'organisme du patient avant l'intervention (infection nosocomiale endogène), sauf à ce que soit rapportée la preuve d'une cause étrangère de cette infection.

8. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise visés au point 2, que M. B... a été victime d'une contamination du site opératoire par désunion cicatricielle dans les suites de l'intervention du 16 juillet 2010, mise en évidence par un écouvillonnage de la partie supérieure de la cicatrice effectuée le 22 juillet suivant, révélant la présence de staphylocoques retrouvés lors d'un prélèvement effectué à la suite de l'opération du 20 mai 2011 puis le 6 septembre 2012 lors du diagnostic d'une pseudarthrose septique, et par un taux de protéine C réactive (CRP) élevé le 21 juillet 2010. Si le centre hospitalier de Roanne produit pour la première fois en appel un rapport critique du Dr Issartel contestant l'existence d'une infection nosocomiale contractée à l'occasion de l'intervention chirurgicale du 16 juillet 2010 tenant notamment à l'absence de signe local d'infection et à ce qu'un seul prélèvement post-opératoire sur les cinq réalisés le 20 mai 2011 s'est révélé positif à une bactérie de la flore cutanée, les experts mentionnés au point 2 ont indiqué qu'en raison de l'administration d'une antibioprophylaxie post-opératoire, réitérée lors des interventions effectuées les 22 septembre et 19 novembre 2010, l'infection a évolué à très bas bruit depuis l'opération alors que M. B... a été admis le 15 juillet 2010 au centre hospitalier de Roanne pour une fracture fermée du fémur droit sans preuve d'une contamination antérieure. Dans ces conditions, la présence avérée de staphylocoques lors du séjour de M. B... du 15 au 28 juillet 2010 caractérise une infection nosocomiale de nature à engager la responsabilité de l'hôpital en application des dispositions visées au point 5.

9. Le centre hospitalier de Roanne fait valoir que le tribunal administratif n'a pas, à tort, pris en compte l'état antérieur de M. B... présentant un tabagisme, un excès pondéral et une artériosclérose de la jambe droite pour retenir une perte de chance d'éviter seulement une aggravation des complications infectieuses. Toutefois, il résulte de l'instruction que si les docteurs Ruban-Agnel et Gaillard, contrairement d'ailleurs au docteur Avet, ont retenu l'existence de facteurs prédisposant la victime à la complication infectieuse et au retard de la consolidation ayant favorisé l'apparition d'une pseudarthrose septique, ils ont conclu que l'infection nosocomiale était de façon directe et certaine la cause des complications infectieuses à l'origine de la pseudarthrose septique et se sont attachés à bien distinguer les conséquences dommageables en découlant au regard des autres séquelles subies du fait de l'accident de la circulation. Au demeurant, la circonstance de l'état initial dégradé du patient ne suffit pas à rapporter la preuve que l'infection nosocomiale contractée serait due à une cause étrangère au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.

10. Par suite, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a retenu sa responsabilité et l'a condamné à réparer les conséquences dommageables découlant de cette infection nosocomiale.

Sur les préjudices :

11. Au préalable, la société Axa France IARD demande à la cour de surseoir à statuer dans l'attente d'un paiement subrogatoire définitif en faveur de M. B..., sinon à majorer l'évaluation des préjudices de ce dernier à hauteur de la somme de 369 392,64 euros. D'une part, la circonstance que le juge judiciaire soit amené à fixer l'intégralité des préjudices subis par M. B... du fait de l'accident de la circulation ne fait nullement obstacle à ce que le juge administratif, compétent pour connaitre de la responsabilité d'une personne publique co-auteur des préjudices subis par la victime à laquelle l'assureur est subrogé, prononce les condamnations pour la part des dommages qui lui sont directement imputables alors, au demeurant, que la société Axa France IARD a choisi de saisir le tribunal administratif de Lyon avant d'avoir procédé à l'intégralité de l'indemnisation de la victime. D'autre part, la société Axa France IARD ayant obtenu par le jugement attaqué la condamnation du centre hospitalier de Roanne à lui verser la somme de 163 000 euros, correspondant exactement à ses droits au titre de la subrogation, n'est pas recevable à demander la majoration des préjudices subis par la victime, en l'absence de preuve d'un paiement complémentaire au-delà de ce montant. Elle ne peut davantage demander à la cour de procéder à la liquidation des préjudices de l'épouse et de la fille de la victime en l'absence de preuve d'une quelconque subrogation dans leurs droits. Il s'ensuit que la société Axa France IARD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente d'un paiement subrogatoire définitif, ni à demander un tel sursis dans la présente instance.

Sur l'évaluation des préjudices extrapatrimoniaux :

En ce qu'il concerne le déficit fonctionnel temporaire :

12. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du Dr Avet, que M. B... a subi un déficit fonctionnel temporaire total pendant 346 jours, de 75 % pendant 397 jours et de 50 % pendant 1 107 jours. En prenant une indemnité de base de 10 euros par jour de déficit fonctionnel temporaire total, il y a lieu de retenir à ce titre la somme arrondie à 12 000 euros et de réformer le jugement attaqué sur ce point.

En ce qui concerne les souffrances endurées :

13. Si le docteur Avet a indiqué que les souffrances endurées pouvaient être estimées à 6 sur 7, il n'a pas distingué celles qui relèvent des seules complications infectieuses que les docteurs Ruban-Agnel et Gaillard ont évalué à 3,5 sur 7. En retenant la somme de 10 000 euros, le tribunal administratif de Lyon n'a pas procédé à une juste appréciation de ce préjudice qu'il convient d'indemniser par l'octroi d'une somme de 5 000 euros.

En ce qui concerne le déficit fonctionnel permanent :

14. A nouveau, le docteur Avet a estimé le taux de déficit fonctionnel permanent de M. B... à 28 puis 30 % sans toutefois distinguer ce qui relève des seules complications infectieuses alors que les docteurs Ruban-Agnel et Gaillard ont retenu un taux 12 % pour le seul déficit fonctionnel permanent découlant directement des conséquences de l'infection nosocomiale contractée à l'hôpital. Si le tribunal administratif de Lyon a retenu la somme de 20 000 euros, compte tenu de l'âge de la victime à la date de la consolidation de son état de santé fixé au 31 mai 2017, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à la somme de 16 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice d'agrément :

15. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que la victime ne peut se mouvoir qu'avec l'utilisation de deux cannes anglaises et subit donc un préjudice d'agrément au regard de sa situation avant les complications infectieuses. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ce chef de préjudice. Il sera fait une juste estimation de celui-ci en le fixant à la somme de 1 700 euros.

En ce qui concerne le préjudice esthétique :

16. Comme indiqué aux points précédents, si le docteur Avet a retenu un préjudice esthétique de 3 sur 7, il n'a pas fait de distinction entre les séquelles liées à l'accident de circulation et celles tenant aux complications infectieuses. Les autres experts ont évalué ce préjudice à 1,5 sur 7. En accordant la somme de 1 400 euros, le tribunal administratif de Lyon n'a pas inexactement réparé ce chef de préjudice.

En ce qui concerne le préjudice sexuel :

17. L'expert a conclu que les traitements antalgiques administrés ont eu des répercussions sur la libido de la victime et que la pratique sexuelle a été limitée du fait des séquelles. En accordant la somme de 1 000 euros, le tribunal administratif de Lyon a procédé à une juste indemnisation de ce chef de préjudice.

En ce qui concerne le préjudice d'établissement :

18. Compte tenu de l'âge de la victime et de sa situation familiale, M. B... ayant deux enfants, ce dernier ne justifie d'aucun préjudice d'établissement.

Sur l'évaluation des préjudices patrimoniaux :

En ce qui concerne les frais d'assistance par tierce personne :

19. Il résulte de l'instruction que la part des frais d'assistance dont a besoin la victime directement en lien avec les complications infectieuses a été estimé par l'expert à une heure et demie par jour de façon viager.

20. Si le tribunal administratif de Lyon a d'abord retenu l'existence de frais d'assistance par tierce personne jusqu'à la date de consolidation, soit le 31 mai 2017, il a fait partir ce besoin d'assistance au 15 juillet 2011 alors qu'il y a lieu de retenir la date du 15 avril 2011 correspondant au passage à un déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 %. Sur la base d'un tarif horaire de 12,91 euros, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 49 000 euros.

21. S'agissant de la période après consolidation, avec le même besoin de l'assistance d'une tierce personne pendant une heure et demie chaque jour, il y a lieu de retenir la somme de 145 000 euros en application de l'euro de rente viager de 17,275 afférent à un homme de 67 ans.

22. Il découle de tout ce qui précède que les préjudices de M. B... peuvent être évalués à la somme de 231 100 euros. Le recours subrogatoire de la société Axa France IARD étant limité au montant de 163 000 euros au vu des sommes qu'elle établit avoir versées à la victime, il y a lieu, par suite, de condamner le centre hospitalier de Roanne à verser à la société Axa France IARD la somme de 163 000 euros. Par suite, le centre hospitalier de Roanne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon l'a condamné à verser à la société Axa France IARD la somme de 163 000 euros.

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire :

23. Devant le tribunal administratif de Lyon, la caisse a notamment demandé le remboursement de frais de transport pour une somme globale de 16 485,83 euros pour des trajets compris entre le 15 juillet 2010 et le 3 février 2015. Si la caisse soutient que son médecin conseil a détaillé les frais de transport par une nouvelle attestation d'imputabilité, celle-ci n'a pas été produite au dossier et l'attestation d'imputabilité ne vise pas des frais de transport. Comme l'a jugé le tribunal administratif de Lyon, le seul relevé des débours indiquant l'existence de frais de transport pour un montant global 16 486,83 euros ne permet pas d'établir que de tels frais ont été exposés suite aux complications infectieuses. Par suite, la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a écarté cette demande.

Sur les frais d'expertise :

24. Les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 800 euros selon ordonnances du juge des référés du 29 septembre 2015 sont laissés à la charge du centre hospitalier de Roanne.

Sur les autres conclusions :

25. En vertu de l'article L. 3761 du code de la sécurité sociale, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident peut demander une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie, dont le montant est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu par la caisse, dans la limite d'un montant maximum actuellement fixé à 1 091 euros.

26. La caisse primaire d'assurance maladie de la Loire ayant obtenu le remboursement par le centre hospitalier de Roanne d'une somme de 590 861,73 euros, outre une rente annuelle de 7 302,82 euros, il y a lieu de faire droit aux conclusions de cette caisse, alors même que celle-ci les a présentées pour la première fois en appel, tendant au versement d'une somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire.

27. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire et de la société Axa France IARD tendant à ce que le centre hospitalier de Roanne leur verse une somme au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier de Roanne est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier de Roanne versera à la caisse primaire d'assurances maladie de la Loire la somme de 1 091 euros au titre des dispositions de l'article L. 376-1 de code de la sécurité sociale.

Article 3 : Les dépens, liquidés et taxés à la somme de 2 800 euros, sont maintenus à la charge du centre hospitalier de Roanne.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Roanne, à la société Axa France IARD et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.

N° 19LY00905 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00905
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-05-03-02 Responsabilité de la puissance publique. Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité, aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale. Subrogation. Subrogation de l'assureur.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-10;19ly00905 ?
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