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10/12/2020 | FRANCE | N°19LY00288

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 10 décembre 2020, 19LY00288


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, de condamner la commune de Thurins ou la communauté de communes des Vallons du Lyonnais à leur verser la somme de 12 500 euros en réparation des conséquences dommageables d'un préjudice d'emprise sur leur propriété qu'ils estiment avoir subi à la suite de l'élargissement du chemin du Bayard et, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Thurins ou la communauté de communes des Vallons du Lyonnais à leur verser la som

me de 9 000 euros en réparation des préjudices résultant de la destruction d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, de condamner la commune de Thurins ou la communauté de communes des Vallons du Lyonnais à leur verser la somme de 12 500 euros en réparation des conséquences dommageables d'un préjudice d'emprise sur leur propriété qu'ils estiment avoir subi à la suite de l'élargissement du chemin du Bayard et, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Thurins ou la communauté de communes des Vallons du Lyonnais à leur verser la somme de 9 000 euros en réparation des préjudices résultant de la destruction du mur de clôture de leur propriété.

Par un jugement n° 1609240 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de Thurins à verser à M. et Mme A... la somme de 4 553,04 euros en réparation de leurs préjudices et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 16 juin 2020, M. et Mme A..., représentés par Me F..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer le jugement du 6 novembre 2018 en tant qu'il a limité leurs prétentions indemnitaires à la somme de 4 553,04 euros ;

2°) de condamner la commune de Thurins à leur verser la somme de 12 500 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) d'enjoindre à la commune de Thurins de régulariser l'emprise sur la parcelle cadastrée section AR 115 dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Thurins la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils sollicitent l'indemnisation des préjudices résultant de l'emprise irrégulière et la prescription quadriennale ne peut pas leur être opposée ;

- les travaux ont été réalisés pour le compte de la commune de Thurins ; la voie communale litigieuse a une longueur de 1 054,59 mètres et se divise en trois portions, la partie reliant la route départementale à l'entrée du hameau, la rue qui traverse le hameau et le bout de voirie ;

- s'agissant de l'empiètement, le document d'arpentage établi par un géomètre expert fixe l'empiètement à 16 m² ; ils ont droit d'être indemnisés des conséquences dommageables d'un empiètement de l'ouvrage public sur leur propriété ; ils ont été dépossédés d'une partie de leur terrain et également du mur de clôture centenaire qui supportait un calvaire ; ils se sont opposés à toute démolition du mur ; le préjudice sera évalué à 3 200 euros ;

- si le tribunal leur a accordé la somme de 4 253,04 euros pour la reconstruction du mur sur la base du devis produit par la commune, aucun professionnel n'accepte de procéder aux travaux à ce montant ; ils produisent deux devis ; celui de l'entreprise Rulliat de septembre 2014 évalue le coût des travaux à 6 250,20 euros toute taxe comprise ; ce coût sera porté à 6 665,59 euros toute taxe comprise compte tenu de l'indice du coût de la construction ; le devis de l'entreprise Granjon Frères de mai 2017 évalue le coût des travaux à la somme de 20 912,23 euros ; ils sollicitent la somme de 9 000 euros correspondant à une actualisation du devis de la société Ruillat, devis auquel il convient d'ajouter le coût des pierres dès lors que les pierres de la partie démolie du mur ont été évacuées par l'entreprise qui a réalisé les travaux de voirie.

Par un mémoire, enregistré le 19 avril 2019, la commune de Thurins, représentée par Me D..., conclut, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du 6 novembre 2018 du tribunal administratif de Lyon, au rejet de la demande présentée par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Lyon et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- s'agissant de la prescription quadriennale, l'enlèvement du mur ne constitue pas une emprise irrégulière mais un dommage de travaux publics ; l'essentiel de l'indemnisation accordée par le tribunal administratif se rapporte à l'enlèvement du mur et non à l'empiètement de la voie sur la propriété des requérants ; l'action en réparation du dommage résultant de l'enlèvement du mur est soumise à la prescription quadriennale ; le fait dommageable invoqué par les requérants date de l'année 1999, année au cours de laquelle ils ont eu connaissance de la réalité et de l'étendue du préjudice ; la prescription était acquise au 1er janvier 2004 ; la créance de l'administration résultant des travaux d'enlèvement du mur en 1999 était prescrite à la date d'envoi de la demande préalable, soit le 20 décembre 2016 ;

- s'agissant de la détermination de la personne publique responsable, elle établit que le chemin du Bayard est une voie d'intérêt communautaire, que la communauté de communes des Vallons du Lyonnais a réalisé les travaux d'élargissement du chemin en qualité de maître d'ouvrage ; seule la responsabilité de la communauté de communes peut être recherchée à l'occasion des travaux réalisés sur le chemin du Bayard ;

- s'agissant des préjudices, les requérants n'établissent pas que les pierres du mur ont été évacuées ; l'indemnisation au titre de l'empiètement sur la propriété de M. et Mme A... ne saurait être supérieure à la somme de 16 euros dès lors qu'il ne s'agit pas d'un terrain à bâtir pouvant être valorisé ; le coût de la reconstruction du mur se limite à la somme de 4 253,04 euros et il convient de prendre en compte l'état de vétusté du mur, lequel était ancien et dégradé en 1999 ; les intéressés ont profité des travaux de réfection de la voirie dès lors que l'accès à leur propriété a été amélioré.

Par lettres du 28 septembre et du 22 octobre 2020, les parties ont été informées, par application de l'article R. 6117 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré d'une part de ce qu'en application de l'article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales, seule la responsabilité de la communauté de communes des Vallons du Lyonnais, substituée à la commune de Thurins, est susceptible d'être engagée à raison de dommages résultant des travaux entrepris sur le chemin du Bayard, alors même que le dommage allégué aurait été occasionné par des travaux réalisés par la commune en octobre 2000 et, d'autre part, de ce que la responsabilité de la commune de Thurins ou de la communauté de communes des Vallons du Lyonnais est susceptible d'être engagée sur le terrain de la responsabilité pour dommage de travaux publics en raison de la destruction du mur appartenant aux époux A....

Par un mémoire en réponse au moyen d'ordre public, enregistré le 29 octobre 2020, la commune de Thurins soutient que la demande de M. et Mme A... est mal dirigée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public ;

- et les observations de Me F..., représentant M. et Mme A..., et de Me E..., représentant la commune de Thurins.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... sont propriétaires de plusieurs parcelles bâties, cadastrées nos 115, 269, 277 et 278, situées au lieudit " Le Bayard " à Thurins dans le département du Rhône, et closes par un mur en pierres. La commune de Thurins a procédé à des travaux d'élargissement de la voie communale, le chemin du Bayard, assurant l'accès au hameau " Le Bayard ". A l'occasion de ces travaux, le mur en pierres a été partiellement démoli et la nouvelle assiette de la voie publique empiète désormais sur la propriété de M. et Mme A.... Imputant les désordres subis à la commune de Thurins, M. et Mme A... ont saisi, le 20 décembre 2016, la commune d'une réclamation préalable indemnitaire qui a été rejetée implicitement. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 6 novembre 2018 en tant que le tribunal administratif de Lyon a limité à la somme de 4 553,04 euros le montant de la condamnation de la commune de Thurins en réparation des préjudices subis. Par la voie de l'appel incident, la commune de Thurins conclut à l'annulation du jugement du 6 novembre 2018 du tribunal administratif de Lyon et au rejet de la demande présentée par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur la constatation de l'emprise irrégulière :

2. Il résulte de l'instruction que, postérieurement aux travaux d'élargissement du chemin du Bayard réalisés par la communauté de communes des Vallons du Lyonnais en 1998, la commune de Thurins a fait réaliser, en octobre 2000, de nouveaux travaux tendant à améliorer la circulation sur le chemin du Bayard au droit de la propriété des époux A....

3. Il n'est pas contesté que ces travaux d'élargissement de la voirie, ainsi qu'en attestent les photographies produites, le courriel du maire de la commune de Thurins du 23 octobre 2013 et son courrier du 23 décembre 2014 ainsi que le projet d'arpentage, ont conduit à déposséder M. et Mme A... d'une bande de terrain des parcelles n° 115 et 277 et à démolir le mur clôturant leur propriété en vue d'élargir le chemin du Bayard afin d'améliorer les conditions de circulation. Par suite, et à défaut d'acquisition par une procédure administrative particulière, telle que, notamment, la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, l'implantation irrégulière de l'ouvrage public, constitué par le chemin du Bayard, sur une portion de la parcelle appartenant à M. et Mme A... constitue une emprise irrégulière.

Sur la détermination de la personne publique responsable :

4. La commune de Thurins fait valoir que la communauté de communes des Vallons du Lyonnais a réalisé les travaux d'élargissement du chemin en qualité de maître d'ouvrage et que seule la responsabilité de la communauté de communes peut être recherchée à l'occasion des travaux réalisés sur le chemin du Bayard.

5. Il appartient au juge, saisi d'un litige relevant du plein contentieux indemnitaire, de se prononcer d'après l'ensemble des circonstances de droit et de fait applicables à la date de sa décision.

6. Aux termes du III de l'article L. 52115 du code général des collectivités territoriales, relatif à la création des établissements publics de coopération intercommunale : " Le transfert des compétences entraîne de plein droit l'application à l'ensemble des biens, équipements et services publics nécessaires à leur exercice, ainsi qu'à l'ensemble des droits et obligations qui leur sont attachés à la date du transfert, des dispositions des trois premiers alinéas de l'article L. 13211, des deux premiers alinéas de l'article L. 13212 et des articles L. 13213, L. 13214 et L. 13215 (...) L'établissement public de coopération intercommunale est substitué de plein droit, à la date du transfert des compétences, aux communes qui le créent dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes ".

7. Il résulte de ces dispositions que le transfert par une commune de compétences à un établissement public de coopération intercommunale implique le transfert des biens, équipements et services nécessaires à l'exercice de ces compétences, ainsi que les droits et obligations qui leur sont attachés. Par une délibération du 6 octobre 2016, la communauté de communes des Vallons du Lyonnais exerce, au lieu et place des communes, au titre des compétences optionnelles, la compétence " création, aménagement et entretien de la voirie ". Antérieurement à cette délibération, la communauté de communes des Vallons du Lyonnais exerçait déjà cette compétence pour les voiries d'intérêt communautaire dont relevait le chemin du Bayard. Il s'ensuit que, depuis le transfert de compétences et de biens, seule la responsabilité de la communauté de communes des Vallons du Lyonnais, substituée à la commune de Thurins, est susceptible d'être engagée à raison des dommages résultant des travaux de voirie entrepris chemin du Bayard et de l'emprise irrégulière.

8. Si, par un marché du 4 juin 1998, la communauté de communes des Vallons du Lyonnais, en qualité de maître d'ouvrage, a fait réaliser des travaux d'élargissement du chemin du Bayard, qui avait alors la qualité de voirie d'intérêt communautaire, qui se situe sur les communes de Thurins et Saint-Martin-en-Haut et que le marché stipule " Thurins - chemin du Bayard du profil 14 au 31 - terrassement et chaussée, démolition du mur en pierre et mur en pisé ", il résulte de l'instruction que ces travaux ont été achevés le 25 septembre 1998 et ont été réceptionnés le 8 novembre 1999 et que, postérieurement à ces travaux, ainsi que cela ressort des correspondances entre les époux A... et la commune, la commune de Thurins a procédé à la fin de l'année 2000 à des travaux d'aménagement de la voirie au droit de la propriété des requérants et a démoli partiellement leur mur de clôture. La circonstance que ces travaux d'aménagement de la voirie ont été entrepris par la commune, qui doit être regardée comme ayant agi au nom et pour le compte de la communauté de communes, n'a pas eu pour effet de lui confier la maîtrise d'ouvrage des travaux et les responsabilités qui s'y rattachent dont la communauté de communes des Vallons du Lyonnais a conservé la charge. En conséquence, la commune de Thurins devant être mise hors de cause, c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle devait être condamnée à réparer les préjudices subis par M. et Mme A....

9. Par suite, la responsabilité de la communauté de communes des Vallons du Lyonnais est engagée à l'égard des époux A... du fait de l'emprise irrégulière du chemin du Bayard.

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de régulariser l'emprise sur la parcelle cadastrée section AR 115 dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de l'arrêt :

10. Lorsqu'il résulte de l'instruction qu'un ouvrage public a été implanté de façon irrégulière, il appartient au juge administratif de rechercher si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible. Le juge ne peut déduire le caractère régularisable d'un ouvrage public irrégulièrement implanté, qui fait obstacle à ce que soit ordonnée sa démolition, de la seule possibilité pour son propriétaire, compte tenu de l'intérêt général qui s'attache à l'ouvrage en cause, de le faire déclarer d'utilité publique et d'obtenir ainsi la propriété de son terrain d'assiette par voie d'expropriation, mais est tenu de rechercher si une procédure d'expropriation avait été envisagée et était susceptible d'aboutir.

11. Il résulte de l'instruction que l'élargissement du chemin en cause vise à permettre le croisement des véhicules et la desserte dans de bonnes conditions de circulation du hameau " Le Bayard ". Par suite, l'élargissement du chemin répondait ainsi à un objectif d'utilité publique. L'empiètement irrégulier de la parcelle 115 d'une superficie de 306 m² représente 9 m² et se situe à son extrémité et n'a pas, par suite, pour effet de morceler la propriété. Ainsi, l'atteinte à la propriété privée n'est pas telle qu'elle retire à l'aménagement du chemin son caractère d'utilité publique. Dès lors, ladite implantation irrégulière est susceptible de faire l'objet d'une régularisation par une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique.

12. Il résulte également de l'instruction que le maire de la commune de Thurins a indiqué, dans un courriel du 23 octobre 2013 adressé au conseil des requérants, qu'il était favorable à une solution amiable consistant dans l'acquisition de la surface nécessaire et la régularisation de ces modifications foncières. Toutefois, il n'appartient qu'à la communauté de communes des Vallons du Lyonnais de procéder à la régularisation de l'emprise irrégulière compte tenu de sa compétence en matière " de création, aménagement et entretien de la voirie ". En l'absence de tout engagement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique par la communauté de communes des Vallons du Lyonnais ou en l'absence de conclusion à fin d'injonction dirigées contre la communauté de communes des Vallons du Lyonnais, les requérants ne sont pas fondés à demander la régularisation de l'emprise irrégulière sur la parcelle 115.

Sur les conclusions indemnitaires des époux A... relatives à l'empiètement du chemin du Bayard sur leur propriété :

13. En l'absence d'extinction du droit de propriété, la réparation des conséquences dommageables résultant de la décision d'édifier un ouvrage public sur une parcelle appartenant à une personne privée ne saurait donner lieu à une indemnité correspondant à la valeur vénale de la parcelle, mais uniquement à une indemnité moindre d'immobilisation, réparant le préjudice résultant de l'occupation irrégulière de cette parcelle et tenant compte de l'intérêt général qui justifie le maintien de cet ouvrage.

14. Il résulte de l'instruction que le service " évaluations domaniales " de la direction régionale des finances publiques d'Auvergne-Rhône-Alpes a relevé, dans une note du 8 mars 2017 adressée à la commune, que l'emprise irrégulière, située en limite de propriété, représente 16 m² et est composée d'une surface de 9 m² à détacher de la parcelle nue AR 115 de 306 m² et de 7 m² à détacher de la parcelle bâtie AR 277 de 375 m² et a fixé la valeur vénale, par la méthode de la comparaison, à 16 euros du mètre carré. Compte tenu de l'intérêt qui s'attache au maintien de l'ouvrage et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'estimation du service des domaines serait sous-évaluée, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. et Mme A... du fait de l'occupation irrégulière des parcelles en litige en l'évaluant à la somme de 150 euros.

Sur les conclusions indemnitaires des époux A... relatives au préjudice résultant de la démolition du mur :

15. Même en l'absence de faute, le maître d'ouvrage ainsi que, le cas échéant, le maître d'ouvrage délégué, et les constructeurs chargés des travaux sont responsables solidairement à l'égard des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public. Ces personnes ne peuvent dégager leur responsabilité que si elles établissent que ces dommages sont imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime, sans que puisse être utilement invoqué le fait d'un tiers. Il appartient au tiers, victime d'un dommage de travaux publics, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre, d'une part, les travaux publics et, d'autre part, le préjudice dont il se plaint. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.

16. Il résulte de l'instruction que, lors des travaux d'aménagement du chemin du Bayard, une partie du mur de pierre clôturant la propriété des époux A... a été volontairement détruite par les agents de la commune de Thurins pour permettre, sans que cela ne soit contesté, l'élargissement de la voie. Ainsi la démolition du mur de clôture présente non le caractère d'un dommage accidentel mais d'un dommage permanent de travaux publics et revêt un caractère grave et spécial. Ainsi qu'il a été dit au point 8, la circonstance que ces travaux de démolition du mur en lien avec l'aménagement de la voirie ont été entrepris par la commune n'a pas eu pour effet de lui confier la maîtrise d'ouvrage des travaux et les responsabilités qui s'y rattachent dont la communauté de communes des Vallons du Lyonnais a conservé la charge, les agents de la commune ayant agi pour le compte de la communauté de communes. Par suite, le caractère grave et spécial des préjudices subis est de nature à engager la responsabilité de la communauté de communes des Vallons du Lyonnais.

17. Il n'est pas établi que les pierres composant ce mur auraient été conservées pour être mises à la disposition des requérants en vue de sa reconstruction. Si la commune de Thurins produit un devis du 4 mars 2017 selon lequel la réfection du mur en pierres sèches est évaluée à la somme de 4 253,04 euros, ce devis précise que les pierres sèches sont fournies et approchées par le client. Les époux A... font valoir que le coût de cette réfection est sous-évalué et produisent un devis du 4 mai 2017 de l'entreprise Granjon Frères estimant le coût des travaux à la somme de 20 912,23 euros réactualisé, le 14 novembre 2019, à la somme de 21 387,71 euros et précisant que les pierres sont fournies par le client et un devis de l'entreprise Rulliat du 26 septembre 2014 évaluant le coût de la réfection à la somme de 6 250,20 euros. M. et Mme A... font valoir que ce dernier devis doit être porté à la somme de 9 000 euros pour tenir compte du coût des pierres. Il n'apparaît pas que le montant des travaux de réfection du mur évalués à la somme de 6 250,20 euros correspondrait à d'autres travaux que ceux strictement nécessaires, ni que les procédés préconisés ne seraient pas les moins onéreux possibles. Par suite, et dès lors qu'il n'est pas établi que le montant des réparations excèderait la valeur vénale du mur et en tenant compte du coût de la fourniture des pierres, les époux A... sont en droit d'obtenir la réparation du préjudice évalué à 9 000 euros résultant de la destruction partielle de ce mur. Toutefois, il y a lieu de déduire la somme de 2 250 pour tenir compte de la plus-value apportée par la réparation. Par suite, la somme de 6 750 euros doit être mise à la charge de la communauté de communes des Vallons du Lyonnais.

18. L'évaluation des dommages subis par les époux A... devait être faite à la date où leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, ils pouvaient procéder aux travaux destinés à y remédier. En l'espèce, cette date est, au plus tard, celle où les époux A... ont fait état au maire de la commune, par courrier du 10 octobre 2000 cité dans le courrier du 4 août 2003, de la nécessité de procéder à la reconstruction du mur partiellement détruit. Les époux A... n'établissent pas qu'ils auraient été dans l'impossibilité de financer les travaux dès cette date. Par suite, leur demande tendant à ce que le montant des travaux de réparation soit indexé sur l'indice du coût de la construction doit être rejetée.

19. Il résulte de ce qui précède que la commune de Thurins est fondée à soutenir que le jugement attaqué doit être annulé et que M. et Mme A... sont fondés à demander la condamnation de la communauté de communes des Vallons du Lyonnais à leur verser la somme de 6 900 euros en réparation des préjudices résultant de l'empiétement du chemin sur leur propriété et de la destruction partielle de leur mur.

Sur les frais liés au litige :

20. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme A... le versement à la commune de Thurins de la somme qu'elle réclame au titre de dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Thurins, qui n'est pas vis-à-vis de M. et Mme A... la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par ces derniers.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 6 novembre 2018 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La communauté de communes des Vallons du Lyonnais est condamnée à verser à M. et Mme A... la somme de 6 900 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subis.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... A..., à la commune de Thurins et à la communauté de communes des Vallons du Lyonnais.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.

2

N° 19LY00288


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00288
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ROMANET-DUTEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-10;19ly00288 ?
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