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03/12/2020 | FRANCE | N°20LY00240

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 03 décembre 2020, 20LY00240


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1904520 du 15 octobre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par un

e requête enregistrée le 16 janvier 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1904520 du 15 octobre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 janvier 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt, ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.

M. A... soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français, qui a été prise trois semaines après qu'il a déposé une demande d'asile, méconnaît la liberté fondamentale du droit d'asile ;

- les autres décisions sont illégales du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le préfet de l'Isère, auquel la requête a été communiquée, n'a présenté aucune observation.

La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A... a été rejetée par une décision du 11 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H..., premier conseiller,

- et les conclusions de Mme G..., rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 27 janvier 1985, a été interpellé par les forces de l'ordre le 9 juillet 2019. Par arrêté du 9 juillet 2019, le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 15 octobre 2019, par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; ".

3. Selon l'article L. 741-1 du même code : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable (...) / L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente (...). Toutefois, ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément. (...) / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile (...) / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2. / Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention. ". L'article L. 743-2 du code précité prévoit les cas dans lesquels le droit pour un demandeur d'asile de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé.

4. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu d'enregistrer la demande d'asile présentée par un étranger et, hors les cas visés à l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile concernant l'hypothèse d'un ressortissant étranger placé en rétention et aux 5° et 6° de l'article L. 743-2 du même code, de délivrer au demandeur l'attestation mentionnée à l'article L. 741-1 de ce code lorsque l'étranger a fourni l'ensemble des éléments mentionnés à l'article R. 741-3 ou, lorsque la demande est incomplète ou les empreintes inexploitables, de convoquer l'intéressé à une date ultérieure pour compléter l'enregistrement de sa demande ou pour procéder à un nouveau relevé de ses empreintes. Ce n'est que dans l'hypothèse où l'attestation de demande d'asile n'a pas été préalablement délivrée par le préfet sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 743-2 que ce dernier peut, le cas échéant, sans attendre que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ait statué, obliger l'étranger à quitter le territoire français.

5. Il ressort du document produit par le requérant, émanant du système d'information de l'administration des étrangers en France et édité le 18 juin 2019, soit trois semaines avant l'arrêté litigieux, que M. A... avait déposé une demande d'asile. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que l'intéressé se trouverait dans un des cas où l'attestation prévue à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devrait ou pourrait lui être refusée. Dans ces conditions, le préfet de l'Isère, qui n'a produit de défense ni en première instance, ni en appel, ne pouvait légalement prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai. Il y a lieu, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, d'annuler cette décision ainsi que la décision fixant le pays de destination et l'interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur l'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". L'article L. 911-2 du même code dispose : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".

8. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".

9. L'annulation de la décision par laquelle le préfet de l'Isère a obligé M. A... à quitter le territoire français implique seulement qu'il lui délivre une autorisation provisoire de séjour, et qu'il réexamine sa situation. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Isère de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

10. Me D..., qui représente M. A..., dont la demande d'aide juridictionnelle a été rejetée, n'est pas fondé à demander le versement par l'Etat d'une quelconque somme en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 15 octobre 2019 et l'arrêté du préfet de l'Isère du 9 juillet 2019 obligeant M. A... à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de deux ans sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A... dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois.

Article 3 : Les conclusions de la requête sont rejetées pour le surplus.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A..., à Me D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grenoble en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme C..., présidente-assesseure,

Mme H..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.

2

N° 20LY00240


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00240
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : SERGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-03;20ly00240 ?
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